En ce week-end de Pâques, pendant que plusieurs se régalent de chocolat et d’un peu de repos bien mérité, je me pose une question douce-amère : que reste-t-il de notre engagement citoyen, quand la démocratie doit s’effacer poliment devant un match de hockey ?
L’expression latine panem et circenses — du pain et des jeux — provient d’un poème satirique de Juvénal, écrit au IIe siècle. Elle dénonçait la manière dont les dirigeants romains parvenaient à maintenir la paix sociale : en donnant au peuple de quoi manger et de quoi se divertir, on détournait son attention des enjeux politiques. Cette logique, vieille de près de deux millénaires, n’a rien perdu de sa pertinence. Elle s’exprime aujourd’hui sous des formes bien plus sophistiquées : consommation de masse, réseaux sociaux omniprésents, compétitions sportives mondialisées et divertissements en continu. Pendant ce temps, les enjeux profonds — inégalités sociales, crise climatique, précarité du travail — peinent à occuper l’espace public.
En Amérique du Nord, la primauté du divertissement est particulièrement marquée. Les grandes ligues sportives, comme la NFL et la LNH, génèrent des passions collectives si intenses qu’elles éclipsent souvent les débats politiques les plus fondamentaux. Au Canada, le hockey occupe une place symbolique dans l’imaginaire collectif. Parallèlement, notre filet social, aussi imparfait soit-il, joue parfois le rôle du pain : tant qu’un confort minimal est maintenu, la pression pour un changement structurel demeure limitée. Pourtant, des crises majeures, comme celle du logement ou l’épuisement du personnel dans les services publics, exigeraient une mobilisation citoyenne bien plus soutenue.
Au Québec, cette dynamique prend une forme singulière. L’identité québécoise, nourrie par une histoire particulière, est portée par des symboles affectifs puissants. Le Canadien de Montréal n’est pas qu’un club de hockey : c’est un repère culturel, un point d’ancrage transgénérationnel. Nos nombreux festivals, notre vie culturelle foisonnante et nos événements publics constituent des fiertés légitimes. Mais ces moments de célébration peuvent aussi agir comme des circenses modernes : ils créent un sentiment collectif d’appartenance et de satisfaction, sans nécessairement favoriser la réflexion sur les défis structurels que nous avons tendance à repousser — comme le sous-financement chronique des écoles, les tensions autour de la langue française ou les enjeux liés à l’intégration des nouveaux arrivants.
Un fait récent illustre bien ce glissement : en pleine campagne électorale fédérale, le débat des chefs en français a été devancé de deux heures afin de ne pas entrer en concurrence avec un match du Tricolore. Cette décision soulève une question troublante : que dit-elle de nos priorités collectives ? Quand le calendrier démocratique s’ajuste à celui du sport professionnel, n’y a-t-il pas lieu de s’interroger ? Sommes-nous, comme les citoyens de la Rome impériale, trop absorbés par nos écrans, nos spectacles et nos passions sportives pour demeurer vigilants à l’égard de ceux qui gouvernent ? À l’heure où plusieurs démocraties vacillent, il est plus que jamais nécessaire de résister à la tentation du confort intellectuel, et de réaffirmer l’importance de la participation citoyenne dans la vie publique. Ce déplacement du débat, justifié au nom de l’auditoire, a d’ailleurs suscité quelques contorsions verbales… La commission des débats des chefs a dû patiner un brin pour expliquer sa décision, et ce n’était pas sur la glace du Centre Bell.
#LeProfCorrige
Je suis convaincu que les titreurs de Radio-Canada connaissent la bonne orthographe du mot « accueil ».
Je suis cependant moins convaincu qu’ils savent bien se relire.
#musiquebleue
Quand j’étais adolescent, il fallait reculer jusqu’aux années 1930 pour trouver une chanson cinquantenaire. La musique et les paroles pouvaient exceller, mais il en était autrement de la qualité sonore de l’enregistrement, les technologies de l’époque étant alors en plein développement.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette semaine, l’album Si on avait besoin d’une cinquième saison, du groupe Harmonium, a célébré ses 50 ans. Il s’agissait, en 1975, d’une des premières incursions québécoises dans la musique progressive. Comme le reste de l’opus, la chanson Dixie a bien vieilli. Gâtons-nous !
La bonne nouvelle de cette semaine
On a préféré perturber notre souper plutôt que le match du Canadien, mercredi, en devançant le débat des chefs, mais la Sainte-Flanelle a au moins remporté la victoire et ainsi assuré sa place en séries éliminatoires pour la première fois depuis 2021, alors qu’elle s’était rendue jusqu’en finale de la Coupe Stanley. Nous étions conscients à l’époque que c’était soit un heureux hasard, soit une conjonction astronomique remarquable. L’équipe possédait quelques bons joueurs, mais aucune profondeur. Carey Price, Shea Weber, Brendan Gallagher, Jake Evans et sûrement quelques autres jouaient en dépit d’importantes blessures et il était acquis que plusieurs éléments n’allaient pas revenir avec l’équipe l’année suivante.
Cette fois-ci, le Canadien a encore vu les portes se refermer in extremis derrière lui. Mais, contrairement à il y a quatre ans, ceci marque le début d’une longue période de succès pour la troupe de Martin St-Louis. Les joueurs sont jeunes, ils sont sous contrat pour longtemps, ils sont enthousiastes et ils ont faim. Est-ce que le précieux trophée de Lord Stanley reviendra sous peu dans la métropole québécoise, là où il s’est retrouvé 24 fois ? Peut-être. Peut-être pas. Quoi qu’il en soit, je demeure persuadé que le CH reprendra bientôt l’appellation depuis longtemps reléguée aux oubliettes : les Glorieux.































