Billet du 26 juin 2020 : Le plus présent des absents

Dans le cours de français

Sur Twitter, cette semaine, l’auteur Daniel Thibault, demandait d’où venait l’idée de mettre le tréma sur le e de aiguë. Je trouvais pertinent d’amener la réponse dans ce billet. J’essaierai d’expliquer le plus simplement possible.

Avant 1990, un tréma sur une voyelle signifiait que l’on devait prononcer la voyelle précédente. Ainsi, on doit prononcer le a dans maïs, le o dans Noël et le o dans stéroïde.

Depuis 1990, un tréma, toujours utilisé quand deux voyelles sont consécutives, signifie plutôt que l’on doit prononcer ces deux voyelles séparément. Une convention stipule que c’est la deuxième voyelle qui hérite du tréma. Qu’est-ce que ça change ? Rien… sauf pour les mots en gue. Parce que dans aiguë ou ambiguë, par exemple, on ne prononce qu’une seule des deux voyelles finales et consécutives, le u. Donc, pour montrer que l’accent doit être mis sur le u dans la prononciation du mot, on a proposé, pour les mots en gue seulement, d’utiliser le tréma comme n’importe quel autre accent sur la lettre qui doit être verbalement accentuée, tout en continuant d’accepter l’ancienne orthographe. C’est ainsi qu’on peut maintenant écrire aiguë ou aigüe, ambiguë ou ambigüe.

À noter qu’au masculin, comme il n’y a qu’une seule voyelle en fin de mot, plutôt que deux, on écrit aigu et ambigu.


Dans le cours d’univers social

J’aimerais revenir ici sur le spectacle de la Fête nationale du Québec. Comme d’autres, j’ai trouvé que ce spectacle était l’un des meilleurs jamais présentés dans le cadre de ces festivités. Et qu’est-ce que je constate le lendemain matin ? Plusieurs n’ont retenu que l’absence du fleurdelisé et le fait que Pierre Lapointe aurait dénaturé un classique de Plume Latraverse.

Je viderai en premier lieu la question de Pierre Lapointe. C’est vrai, il a changé les paroles de la chanson Rideau pour en faire :
Pis ceux qui ne sont pas contents
Ils viendront nous voir à l’entracte
On est ben ouverts à vos commentaires
Si vous payez l’cognac-gnac-gnac-gnac

Mais chez tous ceux et toutes celles qui s’en offusquaient et criaient au scandale, personne n’a soulevé qu’un autre classique québécois, Promenade sur Mars du groupe Offenbach, avait également été remodelé pour donner :
la femme que je suis
Quoiqu’elle en pense
N’a pas accès
Ni de près ni de loin

Deux poids, deux mesures, ici ?

Personnellement, je me suis délecté de la nouvelle version de Promenade sur Mars, y voyant un clin d’oeil important à une situation très actuelle. Autant que je me suis amusé de voir Pierre Lapointe, sourire aux lèvres, renoncer à lancer le gros tabarnak bien senti que réclame d’ordinaire cette chanson de Plume.

Le drapeau, maintenant. On l’a bien aperçu sur les masques des danseuses, de même que sur l’écran derrière la scène, mais il aurait fallu pallier au fait qu’en l’absence d’une foule sur place, il n’y aurait aucun drapeau sur le parterre. Le Mouvement national des Québécois a d’ailleurs assumé cette erreur.

Une fois ceci mentionné, est-ce que la fête s’en est trouvée complètement gâchée ? Oui, aux dires de plusieurs sur les réseaux sociaux. Je suis d’un tout autre avis.

Un drapeau est un symbole. C’est à travers des paroles et des actions qu’un peuple s’affirme. Le symbole, lui, ne fait qu’accompagner le reste. Il ne parle pas, ne bouge pas, ne prend aucune décision. Durant ce spectacle, y a-t-il eu des mots et des gestes qui ont transcendé tous les symboles ? Absolument.

Le discours de Fred Pellerin, alors qu’il martelait « On est au commencement de quelque chose », valait à lui seul tous les discours patriotiques qu’on a pu entendre depuis longtemps. Ceux d’Ariane Moffatt et de Christine Beaulieu, qui évoquaient respectivement l’avenir et le passé, en constituaient un splendide complément. Que dire du message imprimé sur le teeshirt d’Hubert Lenoir : « Avoir l’opportunité de changer le monde et ne rien faire, pourquoi? ».

Ajoutez l’harmonie qui réunissait toutes les couleurs de peau, les genres, les orientations sexuelles, les générations et les différentes langues qui ont forgé l’histoire du Québec, tout cela sur une même scène, et vous obtenez effectivement le point de départ de quelque chose. La prestation d’Elisapie, en paroles et en chansons, apportait cette volonté autochtone de faire partie de l’aventure. Qu’il demeure dans la Fédération canadienne ou qu’il acquière un jour son indépendance, ces artistes ont clairement formulé le voeux que le Québec soit désormais façonné de manière ouverte et inclusive. En ce sens, ils se sont fait les porte-parole de la génération de mes élèves, à travers un message que je reconnais bien. À propos de l’inclusion, Émile Bilodeau écrivait sur sa page Facebook : « Nos ancêtres ont fait des ‘moves’ qu’on doit aujourd’hui réparer. Si vous ne le faites pas, c’est ma génération qui va le faire. »

Pas besoin d’agiter un drapeau quand on l’a tatoué sur le coeur.


Et je cite :

Vous avez pas idée du niveau de harcèlement que je subis personnellement comme si c’était mon choix, ma faute alors que le MNQ lui-même a assumé la responsabilité de ce manquement. Le monde est capoté…

Ariane Moffatt, coanimatrice du spectacle de la Fête nationale, le 25 juin 2020

Dans le cours de mathématiques

Une statistique effarante a été publiée sur le site de Radio-Canada, mardi, à la suite d’un reportage de Thomas Gerbet. Malgré les rapports de non-conformité qui se multiplient et l’hécatombe meurtrière due à la COVID-19, seulement sept inspecteurs sont mandatés pour la surveillance des 1750 résidences pour aînés au Québec. À l’autre bout du spectre, voici de nouveau l’organigramme du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec :

Dès que j’ai pris connaissance de cette nouvelle, je n’ai pu m’empêcher de penser à une blague qui avait circulé sur la Toile, il y a longtemps. Intitulée Un défi japonais, la blague évoquait deux équipes d’aviron qui devaient traverser le fleuve St-Laurent. Alors que les Japonais s’étaient présentés au défi avec un équipage composé de quatre rameurs et d’un barreur, l’équipage québécois comptait quant à lui sur un seul rameur et quatre cadres ou fonctionnaires pour l’encourager. Je présume que vous devinez lequel des deux équipages a remporté le défi.

Comme dans la blague, peut-être que notre système de santé compte trop de généraux et trop peu de soldats. Et cette métaphore n’implique aucunement les membres des Forces armées canadiennes venus prêter main forte au réseau.

Pour ajouter à l’absurdité de la situation, Thomas Gerbet précise dans son reportage que le nombre d’inspecteurs québécois affectés au bien-être animal est de dix-huit, soit plus du double. Je réitère ce que je mentionnais dans mon billet du 17 avril dernier : on reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses enfants et ses aînés. Le nouveau ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a de toute évidence beaucoup de pain sur la planche.


Dans le cours d’éthique et culture religieuse

Quelqu’un qui a eu maille à partir avec les utilisateurs de Twitter, cette semaine, c’est le docteur Alain Vadeboncoeur. Pourtant, il n’a fait que répéter ce que la Santé publique recommande, soit le port du couvre-visage dans les lieux publics. Les insultes et épithètes vulgaires ont fusé de toute part en sa direction. Quelques émojis plus disgracieux, aussi.

Un fait important à retenir, c’est que le couvre-visage permet de protéger les autres et non de se protéger soi-même de la contagion des autres. Là-dessus, Alain Vadeboncoeur a traduit et diffusé une publication populaire, et un peu crue, qui l’illustre bien. Les phrases manquent de ponctuation, mais le message est quand même clair.

Par respect pour ceux qui m’entourent dans les lieux publics, je porte le couvre-visage. Si tout le monde faisait de même, nous nous éviterions probablement un autre confinement en cas de deuxième vague.


Et je cite :

C’est le cas de le dire, ceux qui ne croient pas au virus sont… démasqués.

Martin Petit, humoriste, le 21 juin 2020

Dans le cours d’art dramatique

Le personnage de Homer Simpson n’est pas reconnu pour sa grande classe. Toutefois, l’équipe des Simpson a agi avec une élégance remarquable en rendant un hommage particulier au comédien québécois Hubert Gagnon, décédé récemment. Pour les gens de ma génération, Hubert Gagnon était le Picabo des Oraliens, et le Flip de Flip et compagnie. Pour les générations suivantes, il a été la voix québécoise de Homer Simpson durant les 27 premières saisons de la série, avant d’être remplacé pour des raisons de santé.

Sur le compte Instagram des Simpson, voici ce qu’on pouvait trouver, le week-end dernier :

Notez le Au revoir Hubert !, rédigé en français. C’est de la grande classe.


Dans le cours de musique

On attend du nouveau matériel d’Émile Proulx-Cloutier depuis maintenant une trentaine de mois, soit depuis la sortie de son excellent album Marée haute. Si on a pu voir l’acteur à la télé et au cinéma durant cet intermède, c’est bien l’auteur-compositeur-interprète qui était de retour en studio, la semaine dernière, dans le cadre du StudioFest d’Ici Musique. Il y a repris la pièce Mon dos, du même album. C’est ce que je vous présente en #musiquebleue, cette semaine.


Et je cite :

Un vieil adage du hockey veut qu’une équipe doive rester en santé pour pouvoir espérer remporter la Coupe Stanley. Ça n’aura jamais été aussi vrai que cette année.

Martin Leclerc, journaliste, commentant les nombreux cas de COVID-19 dans le sport professionnel, le 22 juin 2020

La bonne nouvelle de cette semaine

La vie reprend graduellement son cours normal, au Québec. Ainsi, selon ce que rapportait le site HollywoodPQ ce mardi, le tournage de plusieurs séries québécoises reprendra au cours des prochains jours, suite à l’assouplissement des règles sanitaires. À coup de 15 minutes par jour, des scènes de proximité pourront même être tournées par les acteurs. Les téléspectateurs savoureront donc assurément du nouveau matériel dès cet automne.

Également, après les ciné-parcs, ce sont les radio-théâtres qui reviennent en force. Suite à la présentation de la pièce Tu te souviendras de moi, hier soir, la station Ici Première et son application OHdio récidiveront les 16 juillet, 6 août, 27 août, 17 septembre et 8 octobre, chaque fois à 20 heures, avec des pièces montées par des théâtres québécois et adaptées pour la radio.

Lentement mais sûrement, il fait bon de revoir nos artistes reprendre le travail.

Billet du 19 juin 2020 : Une fin de primaire revue et corrigée

Dans le débarcadère des autobus

C’est bien là que commence mon billet de ce vendredi. Pas dans un cours quelconque, ni dans le gymnase, ni même sur la cour d’école. Dans le débarcadère des autobus.

Pourquoi ? Parce que c’est à cet endroit que se déroulent, hier et aujourd’hui, les activités soulignant la fin des études primaires des élèves de 6e année de l’école où j’enseigne. Si on a demandé aux artistes de se réinventer en ce temps de pandémie, mes collègues et moi avons démontré beaucoup de créativité pour offrir à nos finissantes et nos finissants un moment digne de leur situation.

Une cérémonie qui s’effectue par petits groupes de sept à dix élèves, en présence de leurs parents, dont un seul est autorisé à entrer sur le terrain de l’école pour croquer quelques clichés de l’événement. Après une première de deux journées, tous ont apprécié les efforts du personnel qui, de son côté, est satisfait d’avoir atteint son objectif.

Le passage au secondaire est une étape importante dans la vie d’un enfant. Covid ou non, il est important de le souligner.


Dans le cours d’art dramatique

Qui l’eût cru ? Un endroit que d’aucuns considéraient archaïque il y a quelques semaines à peine connaît présentement un regain d’intérêt important, au point où des gens d’affaires d’un peu partout au Québec y voient une mine d’or et se lancent à corps perdu pour y investir. Je fais ici allusion au ciné-parc.

Très populaires dans les années 1970 et 1980, ils se classaient d’ailleurs parmi les incontournables de nos vacances d’été, les ciné-parcs se sont depuis éteints graduellement, une poignée d’irréductibles seulement ayant subsisté. Aujourd’hui, confinement oblige, on y voit une alternative intéressante aux cinémas et aux salles de spectacles.

Comme quoi s’il ne faut rien prendre pour acquis, rien n’est jamais perdu non plus !


Dans le cours de français

Un article de l’agence France-Presse a été relayé par plusieurs médias avec une grossière erreur de conjugaison, samedi dernier. Je l’ai personnellement remarquée sur le site de Radio-Canada, qui a corrigé la faute depuis. À ce jour, le quotidien Le Droit ne l’a quant à lui toujours pas corrigée.

L’erreur apparaît dans le dernier paragraphe de l’article, que je reproduis ici.

#LeProfCorrige

Ici, on aurait dû lire «… après que des manifestants soient descendus dans la rue… », et non «… après que des manifestants sont descendus dans la rue… ». L’emploi de l’expression après que dans la phrase exige que le subjonctif s’ensuive.


Et je cite :

Donc, en bout de ligne, résister à une arrestation n’est pas un problème. J’ai compris. Comme j’ai pu être stupide de penser que cela aurait pu constituer un petit pourcentage de la cause de cette tragédie. Comme je suis naïf.

Brandon Prust, ancien joueur du Canadien, quelques heures après avoir suggéré une peine de prison à perpétuité pour ceux qui résistent à une arrestation, le 14 juin 2020

Dans le cours d’univers social

« On ne peut pas nier l’histoire », ont avancé certains.

« On est au contraire en train de faire l’histoire », ont répondu d’autres.

Dans la foulée de l’affaire George Floyd et des manifestations antiracistes qui s’en sont suivies, plusieurs illustres personnages sont descendus de leur piédestal, au sens propre comme au sens figuré. Parmi les plus récents, Christophe Colomb, James McGill et Winston Churchill. Dans le cas de Churchill, une célèbre photo de lui a même momentanément disparu des résultats de recherches sur Google. Le géant américain a toutefois remédié à la situation, prétextant une erreur.

Chose certaine, un important débat de société s’amorce. Qui, dans les livres d’histoire, doit maintenant être destitué ou rétrogradé ?

Cette semaine, un ami demandait, avec une petite dose d’ironie, si la Joconde ne devait pas être retirée du Louvre, étant donné que Léonard de Vinci était un pédophile, selon plusieurs documents. J’ai comparé la situation de de Vinci à celle du cinéaste Claude Jutra. À peu près tout ce qui portait le nom de Jutra a été rebaptisé quand les accusations posthumes de pédophilie ont surgi contre lui, mais ses films sont toujours disponibles sur plusieurs plateformes, dont celle de l’ONF. Suivant la même logique, la Joconde aurait toujours sa place au Louvre.

Les découvertes et les créations sont deux choses importantes. Les personnes qui en sont derrières en constituent une troisième. Je suis de ceux qui pensent que l’histoire peut être revue avec l’oeil d’aujourd’hui, tout en considérant les réalités de l’époque. Légitimement, celles et ceux qui ont contribué à l’écrire doivent demeurer dans la littérature et les moteurs de recherche. Les statues et les icônes relèvent cependant plus de l’idolâtrie que de l’histoire. En ce sens, je peux comprendre que certaines perdent leur place.


Et je cite :

Je suis plutôt d’accord avec l’historien Jonathan Livernois qui dit : «Déboulonner une statue, ce n’est pas tant jouer contre l’histoire, mais c’est faire l’histoire.»

Guy A. Lepage, le 14 juin 2020

Dans le cours de musique

Je suis un inconditionnel de Klô Pelgag. J’aime ses mélodies autant que sa manière de transformer des paroles incohérentes en pure poésie. Et que dire de sa voix. Elle lancera l’album Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, dans une semaine. Quatre extraits sont déjà disponibles, dont celui que je vous présente aujourd’hui, La maison jaune. Le style musical alternatif de cette pièce, ainsi que les divagations dans les paroles, ne sont pas sans rappeler certains titres de l’album Jaune, de Jean-Pierre Ferland, sorti il y a 50 ans cette année. #musiquebleue


Discussion textuelle entre le président américain et son fils

Billet du 12 juin 2020 : Percer le silence

Dans le cours de français

Après Le Petit Robert, la semaine dernière, je suis allé me renseigner cette semaine sur les nouveaux mots et les nouvelles expressions admis dans l’édition 2021 du Petit Larousse Illustré. En tout, plus de 150 nouveautés y ont fait leur apparition.

Évidemment, ce n’est qu’une question de temps avant qu’un mot accepté par un des principaux dictionnaires ne finisse par s’imprimer dans les autres, sur papier ou à l’écran. C’est pourquoi il m’apparaît très intéressant de comparer, à chaque mois de juin, ce que nous présentent Robert et Larousse.

Commençons d’abord par ce qui ne se trouve pas dans Le Petit Larousse Illustré. Contrairement à ce qu’on peut maintenant rencontrer dans Le Petit Robert, aucun mot lié à la pandémie de covid 19 n’y fera son entrée avant au moins un an. Alors covid, déconfinement, déconfiner et distanciation physique ne sont toujours pas approuvés chez Larousse. En revanche, des mots comme adulescence, bioplastique, cybercrime, cyberdjihadisme, cryptomonnaie, hipstérisation, inclusif et inclusive, influenceur, suprémacisme, survivalisme, traceur et ubériser trouvent maintenant une légitimité quelque part, ou la voient confirmée. J’admets aussi avoir un faible pour le nouveau venu locavorisme, qui désigne un « mouvement prônant de ne consommer que des fruits et des légumes locaux et de saison, afin de contribuer au développement durable ».

Parmi les anglicismes maintenant reconnus, notons black bloc, bore-out, darknet, deep-learning, hackaton et slasheur. Des expressions régionales entrent aussi chez Larousse. Parmi celles qui tirent leur origine du Québec, mentionnons divulgâcher, emportiérage, nanane et nounoune. Le pendant masculin de nounoune, nono, attend toujours sa reconnaissance.

Du côté des noms propres, Larousse accueille la jeune militante écologiste Greta Thunberg, ainsi que le romancier Guillaume Musso.


Et je cite :

Le président est celui qu’il est, celui qu’il a toujours été, celui qu’il sera toujours. La question qui demeure est : Qui sommes-nous en tant qu’Américains ?

Dan Rather, journaliste et présentateur, le 7 juin 2020

Dans le cours de science et technologie

Je reviens brièvement sur le silence de 21 secondes de Justin Trudeau, il y a une dizaine de jours, lorsque questionné sur les propos et agissements du président américain, en réaction aux soulèvements et manifestations aux États-Unis, dans la foulée de l’affaire George Floyd. Si à peu près tout le monde n’en avait que pour le long silence qui a précédé la vague réponse du premier ministre, des ornithologues, eux, ont entendu autre chose durant ces 21 secondes.

Ils ont en effet entendu le chant d’un oiseau, qu’ils ont facilement identifié. Le nom de ce spécimen : le Tyran huppé.

Tyran huppé (Source)

Ça ne s’invente pas.


Et je cite :

Il vient un moment où le silence devient de la complicité.

Jacques Duchesneau, ex-chef de police et ex-personnalité politique, le 8 juin 2020

Dans le cours d’éthique et culture religieuse

L’histoire s’est répétée, aux États-Unis. Les actes racistes se succèdent. Sur une période de quelques jours, trois ont fait la manchette des bulletins de nouvelles, et le tour du monde. Il y a eu mort d’homme dans deux des trois cas. Trop souvent, des policiers sont impliqués. La foule se soulève et manifeste, demande justice. Parfois, durant plusieurs jours, voire des semaines. Puis un beau matin, tous rentrent chez eux. Jusqu’à la prochaine fois.

Cependant, quelque chose de différent semble cette fois se produire. Les élans de solidarité traversent les frontières américaines, en plus de rallier soldats, policiers et autres forces de l’ordre. Des centaines, des milliers ont symboliquement posé le genou par terre durant 8 minutes et 46 secondes, interminable moment durant lequel George Floyd, avant d’expirer, a subi la pression du genou du policier Derek Chauvin sur son cou. On sent que cette fois, peut-être, on franchira un pas de plus sur la longue route qui mène à l’acceptation sociale de tous. On sent que cette fois, peut-être, le silence complice fera place à quelques gestes plus concrets.

Et c’est d’ailleurs ce que plusieurs réclament. Cessons de garder le silence et agissons. En ce qui me concerne, je me suis demandé de quelle façon je pourrais apporter ma contribution. La réponse m’est venue le week-end dernier, en lisant un reportage sur le site du Nouvelliste de Trois-Rivières.

L’histoire de Danalove Vincent m’a particulièrement touché. Jeune femme âgée de 20 ans, née en Haïti et adoptée par une famille québécoise, Danalove affronte quotidiennement des préjugés et des remarques racistes depuis son arrivée. La lecture de l’article permet de deviner que si elle semble s’être habituée aux douleurs causées par les blessures, chaque nouvelle cicatrice laisse sa marque. Tout en demeurant inacceptable, la méchanceté des enfants et adolescents quand elle fréquentait l’école peut trouver une explication. Mais la stupidité des adultes d’aujourd’hui, sur ses différents lieux de travail comme sur la rue, démontre que beaucoup reste à faire.

J’ai lu l’article plusieurs fois. Et chaque fois j’ai eu mal. J’espère ne jamais m’habituer à cette douleur. Cela confirmerait ma tolérance face au racisme. Il est très peu question des parents de Danalove dans ce reportage. Et pourtant… Je suis moi-même père de deux enfants adoptés de l’étranger, dont une fille à peine plus âgée que Danalove. Les quelques événements qu’ils ont subis m’ont fait expérimenter un terrible sentiment d’impuissance. J’imagine à peine ce que ç’aurait pu être si ces situations avaient pris une tournure quotidienne.

Je ne peux plus garder le silence, je ne veux plus me taire. Poser un genou par terre est une chose, manifester en est une autre. Mais j’ai choisi de devenir enseignant, il y a longtemps, et c’est là que mon rôle se jouera. Au-delà des pensées et des prières, et en souhaitant d’autres actions concrètes de la part de tous.


Et je cite :

Il existe historiquement et encore de la discrimination envers les francos et Québécois dans le Canada. Un combat important. Par contre, ramener ça en ce moment semble avant tout motivé à minimiser et détourner les luttes contre la discrimination d’autres minorités au Québec…

Louis T., humoriste, le 9 juin 2020

Dans le cours de musique

Il est l’instigateur du mot-clic #musiquebleue et, par conséquent, celui qui m’a inspiré l’idée de diffuser ici, chaque semaine, une pièce musicale d’une artiste québécoise ou d’un artiste québécois. Jeune auteur-compositeur-interprète, il donne dans le folk et la chanson à texte. Avec sa chanson Philédouche, voici Philémon Cimon.


Conversation privée avec un élève


La bonne nouvelle de cette semaine

Une entreprise de la région de Québec, Cuisine Malimousse, a su tirer profit du confinement. Spécialisée dans la fabrication de sauces et de vinaigrettes pour de grandes chaînes de restauration, la compagnie a vu son chiffre d’affaires fondre comme neige au soleil, avec la fermeture des restaurants.

Pour pallier à la situation, Malimousse s’est lancée dans la fabrication de mayonnaise, qu’elle compte vendre dans les supermarchés. C’est donc une mayonnaise entièrement québécoise qui fera son apparition sur les tablettes et viendra concurrencer les grands joueurs dans le domaine.

La nouvelle mayonnaise porte le nom de Mag.


Image d’en-tête par Gordon Johnson de Pixabay

Billet du 5 juin 2020 : Entendez-vous ?

Dans le cours de français

C’est hier, le 4 juin, que Le Petit Robert 2021 et Le Robert illustré 2021 sont apparus sur les rayons des librairies. Comme chaque année, le pédagogue et rédacteur en moi s’intéresse aux nouveaux mots et nouvelles expressions qui y sont admis. Cette année, l’actualité s’est montrée particulièrement influente. Parmi les nouveautés, on y retrouve covid, déconfiner, déconfinement et distanciation (sociale et physique), mots et expressions dont il a été question dans mes billets des dernières semaines.

Ainsi, covid peut maintenant s’écrire en lettres minuscules. L’ouvrage semble également se diriger vers l’omission du trait d’union, lorsqu’il s’agit d’un covid en particulier, comme le covid 19. Lorsqu’il s’agit d’un covid, viens-je de mentionner ? Comme le covid 19 ? Alors qu’il n’y a pas si longtemps, j’insistais sur son genre féminin ? Le Petit Robert n’a pas statué et lui a octroyé les deux genres. On pourra donc continuer d’évoquer la covid, autant que le covid. À noter ici qu’aux dires mêmes d’Alain Rey, linguiste et rédacteur en chef des éditions Le Robert, seul l’usage populaire en France justifie le genre masculin de covid. L’Organisation mondiale de la Santé, l’Office québécois de la langue française et, nouvellement, l’Académie française, recommandent plutôt le genre féminin.

J’ai également eu l’occasion de livrer mon analyse bien humble et personnelle sur le verbe déconfiner et son pendant nominal déconfinement, mais également sur le nom distanciation. Dans le billet où je m’exprimais sur ce dernier mot, j’en arrivais à la conclusion qu’une distanciation ne pouvait être ni sociale, ni physique, dans le contexte grammatical lié à la maladie à coronavirus. Ainsi, dans son édition 2021, Le Petit Robert vient actualiser sa définition du mot. Dans un premier temps, il ajoute le mot quelqu’un (qqn) à sa définition initiale de distanciation, qui est maintenant ainsi libellée : « Recul, détachement pris par rapport à qqn, qqch. ». Ensuite, il insère pour la première fois l’expression distanciation sociale, la définissant comme le « fait de maintenir une distance de sécurité entre les personnes pour des motifs sanitaires. » Une référence officielle permet donc maintenant les aspects physique et social à la distanciation.

Parmi les autres mots qui entrent dans Le Petit Robert par la grande porte, notons télétravail, téléconsultation, technophile et technophobe, détox, THC, hypercentre, halloumi, kombucha, IPA, veggie, mocktail, sexto, savoir-être, présentéisme, polyamour, pansexuel, se désâmer, cloud, blacklister, cluster, brainstormer, trackeur, spammer et story.

Certains anglicismes vous font sourciller ? Moi aussi.


« Une grande nation n’est pas jugée par son nombre de milliardaires ou ses allégements fiscaux. Elle est jugée par la façon dont elle traite ses personnes les plus vulnérables. »

Bernie Sanders, le 29 mai 2020

Dans le cours de mathématiques

Un nombre, 21. Comme dans 21 secondes. Et un calcul. Un calcul politique.

Un habile calcul politique ? C’est la question que je me suis posée quand j’ai entendu le long silence du premier ministre Justin Trudeau, lorsque interrogé sur la menace du président américain de déployer son armée face aux manifestants dans son propre pays. Le calcul politique ne suscitait aucun doute pour moi. Mais était-ce habile ?

Écouter les réflexions des analystes peut certes contribuer à se forger une idée. Se tourner vers les réactions de l’opposition donne généralement une bien meilleure indication. L’opposition critiquera, c’est presque un automatisme. Mais la force ou la faiblesse de ses arguments poivrera une plaie ouverte ou témoignera au contraire d’un agacement devant un adversaire qui vient de marquer des points.

Comment a donc réagi l’opposition ? D’abord, les Conservateurs et les Verts sont demeurés plutôt avares de commentaires. Les chefs du Bloc québécois et du NPD ont réagi. Mais si Justin Trudeau a pris 21 secondes avant de répondre à une question, Yves-François Blanchet et Jagmeet Singh ont mis 25 heures avant de réagir.

Suite aux premiers commentaires des analystes qui, de façon consensuelle, avançaient que le long silence parlait beaucoup, monsieur Blanchet a évoqué le passé de professeur de théâtre du premier ministre, tout en lui reprochant son manque de courage. De son côté, monsieur Singh a plutôt comparé le silence de Justin Trudeau au silence de ceux qui ne réagissaient pas quand lui-même était victime de racisme.

En bout de ligne, est-ce le premier ministre qui en sort égratigné ou l’opposition qui semble agacée ? En ce qui me concerne, on se rapproche plus de la seconde option.


« Vu sur Nat Géo Wild. Un lion tient dans ses crocs le cou d’un buffle jusqu’à sa mort, étouffé. Vu sur les télés. Un policier blanc de Minneapolis appuie son genou sur la gorge de George Floyd jusqu’à sa mort, asphyxié. Une différence: l’homme noir a dit: »Je ne peux pas respirer. » »

Bernard Pivot, le 4 juin 2020

Dans le cours d’éthique et culture religieuse

Dans la foulée de l’affaire George Floyd, aux États-Unis, le tennisman québécois Félix Auger-Aliassime a relaté sur ses réseaux sociaux une histoire de profilage racial vécue par son père, dans les rues de Québec. Selon ses dires, rapportés par Radio-Canada, l’homme était au volant de sa Mercedes, lorsqu’il a été interpellé par la police locale.

« La policière a dit à mon père qu’il s’agissait d’une simple vérification, puisqu’il est plutôt rare de voir une personne de couleur noire à bord d’un véhicule de luxe dans ce quartier », a précisé l’athlète.

Nous avons pu lire et entendre toutes sortes de statistiques, au cours de la dernière semaine, sur des interventions policières de tout acabit concernant des personnes blanches, noires, arabes, hispaniques ou asiatiques. Effectivement, les chiffres semblent plus lourds dans un sens que dans l’autre. Différents corps de police ont déjà pris l’engagement de se pencher sur la question et d’apporter des correctifs à cette situation inacceptable.

Au-delà de la couleur de la peau du père de Félix Auger-Aliassime, un fait me dérange énormément. Ne vit-on pas dans une société où s’applique la présomption d’innocence ? Dans le cas qui nous préoccupe, on a interpellé quelqu’un qui n’avait commis aucun crime, seulement pour vérifier si par hasard il n’en avait pas commis un. C’est un geste que je trouve également condamnable. La technologie permet depuis plusieurs années de dicter un numéro de plaque minéralogique et d’obtenir rapidement les informations recherchées. Ceci contrevient tout autant au principe de présomption d’innocence, mais c’est définitivement plus discret.


Dans le cours de musique

Deux des plus grands rappeurs québécois, Koriass et FouKi, ont uni leurs talents pour produire l’album Génies en herbe, lancé la semaine dernière. Fidèles à ce qu’ils ont pu offrir dans le passé, les deux artiste présentent un produit doté d’une poésie exceptionnelle. En #musiquebleue, voici la pièce éponyme.


Les bonnes nouvelles de cette semaine

Je vous soumets trois bonnes nouvelles, plutôt qu’une seule, cette semaine. La première me touche particulièrement. Étant impliqué depuis longtemps dans la communauté des Basses-Laurentides, je peux témoigner du dévouement et de la générosité de la famille Farsa, propriétaire du restaurant du même nom. Dans la région, on ne compte plus les heures de bénévolat de Simon Farsa et de son entourage auprès des organismes sociaux et communautaires, pas plus qu’on ne continue de compter ses nombreux dons en nourriture.

L’an dernier, suites aux inondations à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, la famille Farsa avait offert des centaines de repas aux sinistrés et aux bénévoles. Eh bien ceux qui en ont bénéficié ont récemment orchestré un retour d’ascenseur. Les résidents locaux ont ainsi convenu d’encourager en bloc le restaurant Farsa, durement touché par la crise de la covid 19, en budgétant l’achat régulier de repas pour emporter. Cet élan de solidarité est hors du commun.

Un Québécois à la tête de Twitter

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le réseau social Twitter a défrayé les manchettes, cette semaine. Après s’être dressé devant les publications du président américain, le géant du microblogage a nommé le Québécois Patrick Pichette à la présidence de son conseil d’administration. À son actif, monsieur Pichette revendique l’expérience des conseils d’administration chez Bombardier, Google et la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau, entre autres.

M’entends-tu ?

L’excellente série québécoise M’entends-tu ?, créée par Florence Longpré, était déjà diffusée sur les plateformes TOU.TV et Club Illico, en plus du site de son diffuseur, Télé-Québec. Voilà qu’elle sera maintenant disponible sur Netflix, devenant ainsi accessible dans plus de 190 pays. C’est un autre beau rayonnement pour la culture québécoise.