Billet du 24 avril 2020 : Éloignement physique, qu’en pensez-vous ?

Dans le cours de français

Quand on parle de COVID-19, quel genre doit-on employer ?

Dans les médias francophones canadiens, on utilise le féminin. Les médias français, de leur côté, utilisent les deux genres, mais penchent plutôt vers le masculin. Alors, doit-on parler du COVID-19 ou de la COVID-19 ?

L’Office québécois de la langue française constitue le seul organisme linguistique à avoir statué sur la question, et il a opté pour le féminin. Ses raison sont clairement expliquées et je les résume ici. D’abord, COVID-19 est la contraction de Coronavirus Disease 2019, que l’on traduit par maladie à coronavirus 2019. Déjà, maladie étant un nom féminin, on dit naturellement la maladie à coronavirus. D’où la COVID-19.

En France, aucun organisme ne s’est officiellement prononcé. Toutefois, coronavirus étant un nom masculin, l’usage outre-mer a étendu son genre à la contraction COVID-19. C’est pourquoi les Français ont d’abord adopté massivement le masculin, avant que quelques scientifiques, ainsi que le site Éduscol, ne commencent à utiliser le féminin.

Qu’est-ce qui a donc pu les inciter à modifier le genre ? C’est simplement que l’Organisation mondiale de la Santé, dans sa littérature rédigée en français, a officiellement adopté le féminin, évoquant les mêmes arguments que l’Office québécois de la langue française.

#LeProfCorrige

Ici, bien qu’aucune position officielle n’ait été adoptée par les autorités linguistiques de France, on aurait dû lire « les quelque 500 morts quotidiens de la COVID-19 », plutôt que « les quelque 500 morts quotidiens du covid ». Aussi, le sigle n’ayant pas encore été lexicalisé, les majuscules s’imposent (Source).

Viens-je vraiment de reprendre Bernard Pivot sur une question de grammaire ? J’ai chaud, tout à coup. J’ai très chaud !

Dans le cours d’univers social

De toute évidence, plusieurs enseignantes et enseignants du Québec seront appelés à reprendre du service sur leur lieu de travail, d’ici la mi-mai. L’annonce officielle devrait en être faite la semaine prochaine. Le premier ministre s’est cependant avancé en mentionnant que d’ici l’été, l’école serait optionnelle pour les élèves.

J’ai hâte de voir le plan dans son ensemble. Actuellement, je maintiens des contacts quotidiens avec mes élèves, à partir d’activités que je leur fais parvenir et pour lesquelles je leur donne une rétroaction. Et je garde un contact hebdomadaire avec la classe, via une vidéoconférence à laquelle nous participons à chaque début de semaine. Me sera-t-il possible de maintenir ces liens et activités en me présentant en classe avec une partie de mon groupe seulement ?

Égide Royer, une des plus grandes sommités québécoises en matière d’éducation et d’enseignement, insiste pour qu’un éventuel retour à l’école avant septembre ne s’effectue qu’en suivant un motif pédagogique. Il laisse entendre que ce ne serait toutefois pas le cas, se basant sur les informations que François Legault a laissé filtrer, et que les écoles seraient transformées en garderies, le temps de quelques semaines. Il recommande plutôt que le gouvernement du Québec utilise le reste du printemps et l’été pour s’assurer que le corps enseignant dispose de compétences suffisantes pour la formation à distance. Parallèlement, il recommande qu’on s’assure que chaque élève reçoive un outil technologique adéquat pour suivre ses cours à partir de la maison.

Tout porte à croire qu’en effet, les enseignantes et les enseignants seront appelés à jouer un rôle qui s’apparentera plus à celui des éducatrices et éducateurs en milieu de garde qu’au leur. Si ce scénario se confirme, je demande seulement au premier ministre la même franchise envers nous qu’envers les médecins spécialistes, la semaine dernière, lorsqu’il leur a expressément demandé d’effectuer un travail d’infirmière ou de préposé aux bénéficiaires, dans les CHSLD. Cette franchise me donnerait l’impression de contribuer au plan de reprise de façon utile. Et nous serions plusieurs à le prendre positivement, j’en suis convaincu.

Dans le cours de français, deuxième période

Suite à mon billet de la semaine dernière, une amie me demandait mon avis sur l’expression distanciation sociale. Elle mentionnait ne l’avoir jamais entendue avant l’actuelle crise. Je ne crois pas l’avoir lue ou entendue auparavant non plus.

Je me souviens cependant qu’au début du confinement, un intervenant à la télévision indiquait qu’il fallait plutôt parler de distanciation physique, car les interactions sociales demeuraient possibles, notamment grâce aux moyens électroniques.

Alors d’où partons-nous ?

Il faut d’abord savoir que le mot distanciation implique un recul ou un repli de soi face à quelque chose d’abstrait, comme un événement. C’est comme la distinction nécessaire entre les verbes distancer et distancier. Distancer ou se distancer sous-tend l’augmentation d’un écart physique entre des personnes, des objets ou les deux. Alors que distancier, plus souvent qu’autrement employé à sa forme pronominale se distancier, signifie prendre ses distances devant quelque chose qui n’est pas physique, comme les paroles de quelqu’un, par exemple.

Selon l’Office québécois de la langue française, le nom distanciation est directement relié au verbe (se) distancier.

En toute logique, ceci vient donc invalider l’expression distanciation physique, étant donné qu’il est impossible à une distanciation d’être physique.

Peut-elle être sociale, maintenant ? Comme l’adjectif social est lié au nom société, il faut se demander jusqu’à quel point ce nom est concret ou abstrait. Dans le cas qui nous occupe, c’est plutôt concret. La logique voudrait donc, encore une fois, que l’expression distanciation sociale soit incorrecte.

Par quoi pourrait-on la remplacer ? Je ne suis pas linguiste, mais j’opterais pour éloignement physique.

Dans le cours de musique

J’ai aimé la voix et le style de Beyries dès ma première écoute d’une de ses interprétations. Son histoire n’est pas banale. Malgré le fait qu’elle ait, depuis son plus jeune âge, composé des chansons, elle les conservait pour elle, sans jamais les enregistrer. Elle destinait sa carrière à un autre domaine lorsqu’elle fut frappée, dans la vingtaine, par un cancer du sein. Durant ses traitements, elle a exprimé ses émotions à travers notes et poésie, produisant ainsi son premier album, Landing, sorti en 2017. S’ensuivit un excellent album éponyme, en français, en 2018. Ce que je vous propose aujourd’hui, c’est une chanson tirée d’un monoplage lancé le 7 avril dernier, Out of Touch.

Beyries est originaire de Montréal. #musiquebleue (Source)

La bonne nouvelle de cette semaine

Cette semaine, j’ai moins envie de vous transmettre une bonne nouvelle que de souligner trois beaux gestes. Trois personnes qui ont trouvé le moyen de se rendre utiles durant ce temps de pandémie. Trois personnes qui font la différence pour des gens âgés, pour des jeunes, pour des travailleuses et des travailleurs de la santé.

D’abord, Saïd Akjour. Il est un survivant de l’attentat à la grande mosquée de Québec. Atteint d’une balle tirée par l’auteur de la fusillade, le 29 janvier 2017, il a pu reprendre une vie presque normale, malgré une vive douleur chronique qui continue de l’accabler. Cet ex-enseignant est très occupé, par les temps qui courent. En effet, il agit comme préposé aux bénéficiaires dans un CHSLD de la Vieille Capitale. Son histoire a été relatée sur lapresse.ca, plus tôt cette semaine. Son dévouement est remarquable.

Ensuite, Marie-Ève Lévesque. Enseignante dévouée, elle a pris le taureau par les cornes dès le début de la période de confinement et a créé La classe en ligne, un lieu où elle donne quotidiennement des capsules pédagogiques pour tous les élèves du primaires. Avant la mise en circulation des trousses hebdomadaires du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, bien avant la réquisition des ondes de Télé-Québec, Marie-Ève Lévesque offrait un service similaire pour tous les élèves québécois âgés entre six et douze ans. Voilà une action proactive qui mérite d’être soulignée.

Finalement, une autre action proactive à souligner est celle du député et ex-hockeyeur professionnel Enrico Ciccone. Dès les premiers appels à la mobilisation, non seulement s’est-il porté volontaire pour aider en CHSLD, mais il a également encouragé et obtenu des membres de son personnel de circonscription qu’ils fassent de même. Avant sa première affectation, Enrico Ciccone avait déclaré publiquement qu’il était prêt à exécuter des tâches ménagères si c’était ce qu’on demandait de lui. Il a finalement fait plus. Beaucoup plus. Il en est resté marqué et c’est avec beaucoup d’émotion qu’il a raconté cette première expérience, sur les ondes de RDI.

Je le mentionnais il y a quelques semaines, la situation actuelle fait souvent ressortir le meilleur de l’être humain. La solidarité s’exprime, comme les constats d’iniquités. La prise de conscience est réelle et plusieurs, comme Madame Lévesque, comme Messieurs Akjour et Ciccone, comme plusieurs autres, n’attendent pas qu’on leur donne la formation de pompier pour sauter sur les lances et arroser l’incendie. Chapeau à vous tous.

Billet du 17 avril 2020 : Il ne faut jamais prioriser un déconfinement

Dans le cours de français

Que priorisera le gouvernement du Québec, lorsqu’il commandera le début du déconfinement ?

Priorisera. Du verbe prioriser. Croyez-le ou non, après toutes ces années d’enseignement et de journalisme, c’est la première fois que j’emploie ce verbe dans une de mes phrases. C’est que malgré son emploi fréquent dans tous les médias, ainsi que dans plusieurs ouvrages littéraires, ce n’est qu’en 2014 qu’il a fait son entrée dans le Robert et dans le Larousse. L’Office québécois de la langue française accepte maintenant son utilisation, sans toutefois la recommander. L’Académie française, de son côté, continue de proscrire le verbe prioriser.

Jusqu’en 2014, le Multidictionnaire de la langue française, un ouvrage de référence québécois, était le seul dictionnaire spécialisé dans la langue de Molière à permettre son utilisation, soulignant cependant son impropriété.

Alors, que priorisera le gouvernement du Québec, lorsqu’il commandera le début du déconfinement ?

Déconfinement ? Vraiment ? Sachez que le verbe déconfiner n’est présent que dans le dictionnaire de l’encyclopédie Universalis. Le nom déconfinement est absent de tous les ouvrages et aucun organisme voué au bon emploi de la langue française ne fait mention de son existence. Il faudra donc attendre avant de pouvoir l’utiliser correctement, n’en déplaise aux scribes québécois.

#LeProfCorrige

Je reprends encore ma question :

À quels secteurs d’activité le gouvernement du Québec donnera-t-il priorité, lorsqu’il commandera la fin graduelle du confinement ?

Je l’ignore autant que vous !


Dans le cours d’éthique et culture religieuse

S’il est une leçon que la tragédie du Walmart de Sherbrooke nous permet de tirer, c’est qu’il faut s’abstenir de juger et de tirer des conclusions quand on n’a pas tous les éléments en main. Celui que la société avait déjà condamné, lui accolant une multitude de qualificatifs haineux, verra possiblement toutes les accusations déposées contre lui être levées, pour cause de légitime défense.

C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai de mentionner quoi que ce soit sur les propriétaires et administrateurs du CHSLD Herron. Je laisserai plutôt les trois enquêtes suivre leur cours et attendrai leurs conclusions.

Mais les faits demeurent : il y a plus d’une trentaine de résidents de cet établissement qui, en l’espace de quelques jours, sont décédés de la COVID-19. Et cette nouvelle s’est avérée le point de départ d’une série d’histoires d’horreur en CHSLD, dont l’actualité a été ponctuée tout au long de la semaine.

Le mahatma Gandhi a déclaré un jour qu’on reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. Je m’inscris en faux contre cette affirmation de ce personnage pourtant admirable. Selon moi, le degré de civilisation d’un peuple se mesure à la manière dont il traite ses enfants et ses aînés.

Sauf quelques rares exceptions, les Québécois traitent bien leurs animaux. Et j’aurai certainement l’occasion de revenir, au gré de l’actualité des prochains mois, sur notre façon de traiter nos enfants. Sur la manière de traiter nos aînés, le chat commence à sortir du sac et les premiers constats ne sont guère reluisants. Comme si, durant plusieurs années, nous avions fermé individuellement les yeux sur des situations gênantes qui, une ou deux générations plus tard, éclatent au grand jour et nous plongent collectivement dans la honte.

Mais je vous rappelle que je ne dispose présentement pas de tous les éléments et que, par conséquent, il m’est difficile d’exprimer ici une position juste et crédible. Je laisserai donc parler quelques chiffres.


Dans le cours de mathématiques

Nous nous attarderons aux statistiques. Ensuite, nous verrons s’il y a lieu d’établir une corrélation avec l’opinion de certains experts.

Hier midi, j’ai lancé une recherche visant à comparer les fameuses courbes dont il est abondamment question, depuis le début de la crise. Un élément a d’abord retenu mon attention. Il se trouve sur le graphique suivant, qui illustre le nombre de personnes atteintes du coronavirus, par bloc de 100 000 habitants.

Je suis demeuré étonné de constater à quel point la courbe du Québec se confond avec celle des États-Unis. Je rappelle que depuis le début, on entend dire que la situation est sous contrôle au Québec, alors que celle de nos voisins du Sud semble beaucoup plus chaotique, selon différents bulletins de nouvelles. Les deux courbes sont même supérieures à celles de la France et de l’Italie, dont les réalités nous ont effrayés quelques semaines avant l’éclosion chez nous.

La courbe du Canada, malgré qu’elle inclue celle du Québec, s’approche de celles des états les moins touchés dans la catégorie.

Voyons maintenant les courbes illustrant le nombre de décès par 100 000 habitants. (Source : radio-canada.ca)

Ici, deux réalités. D’abord, si on se fie au premier tableau, il est évident que toutes proportions gardées, on meurt moins au Québec qu’en Espagne, en Italie, en France et aux États-Unis, ce dernier pays nous ayant récemment distancés à ce chapitre.

Le deuxième tableau, celui des mortalités canadiennes, nous montre une courbe québécoise beaucoup plus élevée et moins linéaire que la moyenne du pays. Notons que seulement quatre provinces apparaissent sur ce diagramme, les six autres et les trois territoires ne présentant pas la combinaison minimale de 1000 cas et 10 décès pour en faire partie. Leurs statistiques sont cependant incluses dans la courbe du Canada.

Il y a lieu de s’interroger sur la part importante de cas et de décès au Québec, comparé au reste du Canada. Dans les deux cas, en date d’hier, on parle de 53% du total canadien. François Legault a fourni un premier argument plausible lorsqu’il a mentionné que notre semaine de relâche était arrivée à un bien mauvais moment. Et il est vrai que les quatre premiers décès, survenus dans une résidence pour retraités de Lanoraie, sont directement reliés à une seule personne infectée lors d’un voyage, durant la relâche scolaire.

Une autre statistique, dévoilée au Téléjournal de Radio-Canada d’hier soir, ajoute une explication importante. Au Québec, 70% des décès liés à la COVID-19 concernent des gens vivant dans des résidences pour aînés, qui incluent les CHSLD. Et retenez bien ce qui suit : au Canada, 6% des aînés vivent dans de telles résidences. Au Québec, cette proportion grimpe à 20%.


Dans le cours d’éthique et culture religieuse, deuxième période

Ici, on parle de choix de société. Un aîné sur cinq est parqué dans une résidence, alors que le reste du Canada favorise, et de loin, les soins gériatriques à domicile. Il est maintenant clair que ceci pèse lourd dans les statistiques québécoises. A-t-on négligé les CHSLD dans les budgets du ministère de la Santé et des Services sociaux ? Chose certaine, ils ont réussi à garder la tête hors de l’eau, jusqu’à la présente crise. Mais maintenant, comme je mentionnais plus haut, la gêne individuelle fait place à la honte collective.

Cette semaine, Yves Boisvert a publié un excellent texte sur les dérapages du système et sa sortie de piste en ce temps de crise. Dans sa chronique, il cite deux médecins qui n’évoquent rien de moins qu’un génocide gériatrique au Québec.

Je refuse de croire que nous en sommes là. Mais il faut agir. Et vite.


Dans le cours de mathématiques, deuxième période

Chaque année, lorsque j’enseigne les diagrammes à mes élèves, mon préféré demeure le diagramme en arbre. C’est à partir de tels diagrammes qu’on bâtit les algorithmes des programmes informatiques, incluant les jeux vidéos, ainsi que les romans dont vous êtes le héros. Ils sont aussi très utiles pour le calcul des probabilités.

Et ils constituent également le modèle de base de tout organigramme. À ce sujet, je vous invite à jeter un œil sur l’organigramme du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Quand ce sera fait, vous comprendrez sans doute la lourdeur du système, pourquoi n’importe quelle décision risque de se perdre dans les méandres de ces nombreux paliers. Et je devine que c’est souvent ce qui arrive.

Pour paraphraser la devise d’une défunte institution québécoise, c’est pas parce qu’on rit que c’est drôle.


Dans le cours de musique

Cette semaine, je vous suggère une pièce du violoniste Alexandre Da Costa, tirée de son album Stradivarius BaROCK. Alexandre Da Costa est un virtuose montréalais de 41 ans, qui cumule déjà plus de 30 années de récitals et d’études musicales. Dans cet album, paru l’automne dernier, il mêle allègrement le rythme au classique, appuyé par quelques belles voix locales, dont La Bronze et Bruno Pelletier.

Dans l’extrait que je vous propose, le titre parle de lui-même : Toccate & Boogie. À quoi ressemblerait l’une des œuvres les plus connues de Bach si on lui accolait un rythme de piano afro-américain du siècle dernier ? Je vous laisse le découvrir ! En ce qui me concerne, le résultat est très intéressant.

#musiquebleue


La bonne nouvelle de cette semaine

Moins de 24 heures après le cri du cœur du premier ministre François Legault, ce sont plus de 2000 médecins spécialistes qui ont répondu à son appel et qui se présenteront dans les CHSLD pour combler les besoins en main-d’œuvre. Ils acceptent ainsi d’effectuer des tâches pour lesquelles ils se savent surqualifiés. C’est tout à leur honneur.

Mesdames, messieurs, bravo et merci.

Billet du 3 avril 2020 : Quand la pédagogie n’est qu’un prétexte

Dans le cours de français

C’est de littérature dont il sera question, dans ce bloc. Parce que le contenu des prochaines lignes est directement relié à une leçon que la vie s’est chargée de me rappeler, au cours de la dernière semaine.

Le livre Comme un roman, de Daniel Pennac (éditions Gallimard, 1992), que j’ai lu pour la première fois il y a plus de 25 ans, est le seul ouvrage dont je peux réciter par cœur un chapitre complet. Le chapitre 5 va comme suit :

Quels pédagogues nous étions, quand nous n’avions pas le souci de la pédagogie!

Fin du chapitre.

Cette citation de Pennac est tout ce qu’il y a de plus véridique. Le problème, c’est qu’il se trouve toujours un intervenant du milieu qui apparaît pour nous demander une reddition de comptes, histoire de s’assurer que tout ce que nous transmettons est en lien avec les programmes. Si bien que malgré tous nos principes et notre bonne volonté, on développe généralement le réflexe inverse en se souciant davantage de la pédagogie.

C’est ainsi que dès le début du confinement, et avant la mise en ligne du site L’école ouverte, je me suis mis à envoyer de courts exercices quotidiens à mes élèves, histoire de nous permettre, à tous, de garder le nez dans la matière. Malgré le fait que ces activités se voulaient facultatives, les deux tiers des élèves de ma classe y participaient sur une base régulière.

Le changement de schème est survenu lundi dernier. Trois jours auparavant, j’avais envoyé un courriel aux élèves, ainsi qu’à leurs parents, histoire d’obtenir les autorisations d’usage afin de suggérer une rencontre par vidéoconférence. Cette fois, j’ai obtenu la participation de 24 de mes 25 élèves. Aucune pédagogie en apparence, que de la discussion, des questions et des réponses. Et beaucoup de plaisir durant plus d’une heure. Le besoin était là, celui de retrouver une situation le plus près possible de la normale, avec les amis et l’enseignant réunis en un seul lieu, virtuel, en même temps.

Des apprentissages, il y en a eu de part et d’autre. Pour eux comme pour moi. La matière n’est qu’un prétexte. C’est de garder le lien qui importe. Plus que jamais, Pennac a raison.

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Dans le cours d’univers social

Dans mon billet de vendredi dernier, je faisais allusion à quelques éléments beaux et positifs dont la crise du coronavirus nous permettait d’être les acteurs ou les témoins. On m’en a fait remarquer quelques autres, au cours des derniers jours, notamment les défilés de véhicules d’urgence en appui au personnel de la santé et la courtoisie grandissante des automobilistes.

L’actualité d’hier nous présente cependant un côté moins reluisant de l’être humain, alors que les États-Unis se seraient appropriés des masques N95 destinés à la France, après que la France ait elle-même pris possession de masques en transit vers l’Espagne et l’Italie. Des masques médicaux similaires, commandés en Chine et arrivés au Québec, ont aussi mystérieusement été redirigés vers les États-Unis. Dans son point de presse quotidien, le premier ministre François Legault a admis que les règles du jeu étaient dures et que le Québec donnerait du coude autant que les autres pour voir à combler ses besoins en équipements médicaux.

Tout ceci m’a rappelé une citation de Nelson Mandela :

Dans la vie, je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends.

Justement. Les actions posées dans les derniers jours nous en apprennent beaucoup sur certains de nos alliés. Alors pour éviter des frictions, pourquoi ne pas produire une partie du matériel nous-mêmes ? Il semble qu’au moins deux entreprises, une à Nicolet et une à Longueuil, seraient disposées à mettre leurs équipements à contribution pour produire du matériel médical, notamment des masques N95.

Tout le monde y gagnerait.

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Le confinement nous permet aussi de discuter plus longuement avec parents et amis. Par téléphone ou via un autre moyen de communication, évidemment. Une collègue avec qui je discutais m’affirmait bien profiter de la pause qui lui était accordée par les événements. Dans la même veine, elle disait souhaiter un retour à la fermeture des commerces le dimanche.

Coïncidence, le gouvernement annonçait cette semaine que pour la durée du mois d’avril, tous les commerces autres que les dépanneurs, les stations-service et les restaurants fermeraient leurs portes les dimanches. Une situation que le Québec n’avait pas vécue depuis 28 ans.

Jusqu’en 1992, c’était principalement pour des motifs religieux que les employés de la grande majorité des commerces bénéficiaient de l’assurance d’une journée de congé les fins de semaines, à l’instar de ceux des autres entreprises et des employés de l’État. On convient que la réalité n’est plus la même.

C’est pour accorder une journée de repos à celles et ceux qui exercent un travail en alimentation et en pharmacie que le gouvernement a décrété cette mesure. Pourrait-elle se prolonger au-delà d’avril ou même de la crise ? Je pense que la question donnerait lieu à un intéressant débat de société, si elle était posée par quelqu’un d’autre que moi.

Les jeunes travailleurs d’aujourd’hui, qui constituent la majeure partie des employés des commerces au détail, recherchent surtout une qualité de vie. Ceci contraste avec ceux d’il y a 30 ans, qui vouaient une plus grande importance aux revenus. Avec pour résultat qu’une rareté de la main-d’œuvre incite déjà plusieurs commerçants à réduire leurs heures d’ouverture. Uniformiser cette réduction pour tous les commerces en décrétant une journée de fermeture hebdomadaire permettrait-il vraiment de rencontrer un objectif de repos ou d’activités familiales, potentiellement souhaité par une majorité ?

En ce moment, cette question est à mille lieues de constituer une priorité. Mais ne serait-ce que pour trouver une solution à la pénurie de main-d’œuvre, elle méritera avant longtemps qu’on s’arrête pour y réfléchir.

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La bonne nouvelle de cette semaine

Avec l’actuelle situation mondiale, plusieurs bonnes nouvelles passent malheureusement sous le radar. Cette semaine, deux entreprises québécoises ont remporté des honneurs lors d’un prestigieux concours. En effet, le San Francisco World Spirit Competition a octroyé des prix à deux produits de la maison Duvernois, établie à Montréal. Ainsi, les étiquettes Pur Vodka et Pur Vodka Série Autographe édition Château Frontenac ont toutes deux remporté une médaille d’or.

Le même concours a également sacré le gin Norkōtié, produit à Baie-Comeau par la distillerie Vent du Nord, d’une double médaille d’or.

Ces honneurs rejaillissent évidemment sur toute l’industrie québécoise. Rappelons aussi que dès l’éclosion des premiers cas de la COVID-19 au Québec, l’entreprise de Nicolas Duvernois a utilisé ses installations pour créer et distribuer le désinfectant à mains Pur Vodka.

Billet du 28 février 2020 : Le français d’Emmanuelle Latraverse

Dans le cours de français

Emmanuelle Latraverse, journaliste à TVA/LCN, est à mon avis une professionnelle de l’information hors pair. Elle sait analyser, apporter un éclairage nouveau, trouver et présenter la nouvelle. La seule chose que je puisse lui reprocher, c’est de ne pas se relire avant de publier. Il est donc fréquent de trouver des erreurs de français dans ses publications.

Ayant découvert ceci il y a déjà quelque temps, j’ai songé à me rendre explorer son compte Twitter, afin de trouver des phrases à faire corriger par mes élèves de 6e année, dans le cadre d’une activité en classe. La manne s’est avérée plutôt abondante. Pour la période allant du 18 au 21 février, j’ai retenu pas moins de cinq publications, que mes élèves ont analysées.

Si pour certaines d’entre elles on constate des erreurs orthographiques ou grammaticales évidentes, d’autres affichent plutôt des coquilles, qu’un langage plus populaire qualifie de fautes de frappe. Quoi qu’il en soit, une relecture avant publication aurait certainement pu permettre à Madame Latraverse d’identifier les erreurs et de les corriger. C’est là un des messages que j’ai transmis à mes élèves.

#LeProfCorrige

Ici, on aurait dû lire « des chefs héréditaires », plutôt que « de chefs héréditaires ». Mais surtout, on aurait dû lire « l’injustice subie », plutôt que « l’injustice subies ». Le participe passé s’accorde avec injustice, qui est féminin singulier et non féminin pluriel.

Pour les quatre autres, un clic sur le mot Ici vous mènera directement à la publication concernée, sur le compte Twitter d’Emmanuelle Latraverse.

Ici, on aurait dû lire « pour rencontrer les Mohawks », plutôt que « pour rencontre les Mohwks ».

Ici, on aurait dû lire « se rendra à Smithers », plutôt que « ne rendra à Smithers ».

Ici, on aurait dû lire « Il y en a qui ont une haute opinion d’eux-mêmes. », avec un trait d’union, un s à la fin d’eux-mêmes et un point final, plutôt que « Il y en a qui ont une haute opinion d’eux même ….. », avec cinq points qui ne constituent pas un signe de ponctuation.

Finalement, ici, on aurait dû lire « du climat explosif », plutôt que « d climat explosif ».

Dans le cours d’art dramatique

Comme plusieurs, je suis demeuré perplexe, cette semaine, quand j’ai appris que suite à la plainte d’un parent, une enseignante d’art dramatique d’une école de Montréal avait retiré la chanson Les 100 000 façons de tuer un homme, de Félix Leclerc, d’un projet qu’elle travaillait avec ses élèves. Sous forme de satire, le texte de cette chanson conclut que la meilleure manière de détruire un être humain est d’en faire un chômeur. C’est là, semble-t-il, que le parent en question a accroché.

Bien que j’aurais moi-même agi différemment, j’estime que l’enseignante a pris une bonne décision. Dans un contexte où on doit réagir à une plainte, particulièrement dans le milieu de l’éducation, le fait de choisir ses combats et d’éviter les vagues peut constituer une très sage décision. Mais je trouve dommage que l’on rate une si belle occasion de promouvoir un des plus grands poètes québécois.

À partir du moment où les mots conviennent, chaque phrase peut révéler un sens que même un élève d’âge primaire peut comprendre, si on prend le temps de lui expliquer ou, encore mieux, de le lui faire découvrir. Cette nouvelle m’a rappelé une histoire similaire, survenue il y a une dizaine d’années, quand un enseignant ou une enseignante avait revu les paroles de L’Hymne à l’amour, d’Édith Piaf, en y remplaçant la finale « Dieu réunit ceux qui s’aiment », afin de rendre la chanson politiquement correcte face à toutes les croyances. Ceci avait également soulevé tout un tollé dans la population.

Je me souviens que j’avais alors fait écouter la chanson à mes élèves, dans sa version originale, comme amorce d’une discussion sur la nouvelle. Bien sûr, j’en avais aussi profité pour expliquer qui était Édith Piaf.

Et si je faisais la même chose avec Les 100 000 façons de tuer un homme ?

Dans le cours d’univers social (ou quand Andrew Scheer lève son verre à la Pat’Patrouille)

Le premier ministre du Québec, François Legault, a aussi réagi à la nouvelle mentionnée plus haut. Il déplorait la décision de retirer cette chanson de Félix Leclerc. Mais une autre personnalité politique, dans un autre dossier, s’est également portée à la défense d’un élément culturel s’adressant aux enfants, cette semaine.

En effet, Andrew Scheer, chef du Parti conservateur du Canada, a sévèrement critiqué la CBC, lui reprochant d’avoir cité un professeur d’université qui s’interrogeait sur un aspect qui, selon lui, faisait l’éloge du capitalisme dans l’émission Pat’Patrouille.

Loin de moi l’idée de m’exprimer sur qui a tort et qui a raison dans ce dossier. Mais je dois admettre que j’ai souri quand j’ai vu Monsieur Scheer lever son verre à la Pat’Patrouille, à la fin de son laïus.

Lien vers la défense de la Pat’Patrouille et du capitalisme, par Andrew Scheer.

La nouvelle heureuse de cette semaine

À partir d’aujourd’hui, j’inclurai une bonne nouvelle dans mon billet hebdomadaire. La tentation était forte de revenir avec l’histoire de David Ayres, ce conducteur de surfaceuse qui a connu son heure de gloire, samedi dernier, en relevant les deux gardiens de but blessés des Hurricanes de la Caroline et en remportant le match face aux Maple Leafs, à Toronto. Mais tout a déjà été mentionné sur ce sujet.

J’aborderai plutôt une statistique intéressante qui donne un côté agréable et positif, ne serait-ce que pour l’économie, à une importante accumulation de neige. La National Ski Area Association a en effet rendu son rapport annuel, la semaine dernière. Selon ce qu’on y découvre, la saison 2018-2019 se classe au 4e rang des 40 dernières années au niveau de l’affluence dans les stations de ski, en Amérique du Nord. Pas moins de 59 343 000 skieuses et skieurs ont ainsi pu pratiquer leur sport favori, l’hiver dernier.

Et j’en suis ! Certaines stations québécoises sont d’ailleurs demeurées ouvertes jusqu’à la Fête des mères, en mai de l’an dernier. L’importante chute de ce jeudi permettra certainement à la saison actuelle de prendre une sérieuse option sur le haut de ce classement, dans le prochain rapport annuel.

Mais il y a quand même quelque chose que je trouve fantastique dans l’histoire de David Ayres. Cet homme s’est levé, samedi matin, et a vécu sa journée comme il vivait toutes les autres, sans se douter que la soirée lui réservait un événement qui ferait en sorte que toute l’Amérique du Nord allait le connaître, avantageusement, dès le lendemain !

Bonne relâche !

Être enseignant, c’est aussi parfois accompagner ses élèves à différentes sorties. Ainsi, le 13 février dernier, nous avons profité d’une magnifique journée d’hiver pour aller prendre l’air dans une station de glisse des Laurentides. Certains élèves ont déjà mentionné qu’ils allaient profiter de la semaine de relâche scolaire pour y retourner, cette fois en famille.

Allez ! C’est le temps d’une pause. À bientôt.