Billet du 24 septembre 2021 : Les couleurs qui changent et celles qui demeurent

Si les arbres prennent de nouvelles couleurs, certains paysages conservent les mêmes. C’est le cas, notamment, sur une certaine colline ottavienne.

En anglais, a win-win situation est une expression consacrée qui signifie que tout le monde gagne quelque chose. Dans le cas inverse, des anglophones se permettent d’évoquer a lose-lose situation, un pendant moins usité. En français, la locution gagnant-gagnant est acceptée, mais n’est pas recommandée par l’Office québécois de la langue française. Quant à perdant-perdant, l’expression ne trouve aucune place dans le paysage linguistique francophone.

Elle qualifierait pourtant très bien la situation vécue par les principaux partis politiques fédéraux, cette semaine. Comme les arbres qui se verront bientôt dépouillés de leurs feuilles, tout le monde a perdu quelque chose dans cette 44e élection canadienne. 

Justin Trudeau et Yves-François Blanchet ont perdu leur pari respectif. Le premier visait un gouvernement majoritaire. Son gain de deux sièges s’est avéré insuffisant pour le lui accorder. Le second avait affirmé, en début de campagne, que son parti remporterait huit circonscriptions supplémentaires, pour porter sa députation à 40. Selon les chiffres d’hier, il devra se contenter d’une seul, pour un total de 33.

Erin O’Tool a perdu beaucoup. Non seulement doit-il faire le deuil de deux sièges au parlement, mais ses positions plus modérées que celles de ses prédécesseurs lui ont coûté la confiance d’un bon nombre de ses militants.

Le leadership d’Annamie Paul ne survivra pas à la guerre intestine qu’elle a elle-même alimentée avec le Parti vert. Ce dernier a perdu le tiers de sa députation et aurait doublé cette perte, n’eût été l’élection surprise d’un de ses candidats, à la suite du désistement d’un adversaire libéral.

Jagmeet Singh est à priori celui qui semble avoir le moins perdu. Son parti a en effet gagné un siège et presque deux points de pourcentage au vote populaire. Il s’est aussi, de toute évidence, assuré la balance du pouvoir. Mais malgré l’excellence de sa campagne électorale, le chef néo-démocrate a probablement perdu dans l’urne une quantité importante d’appuis, le vote progressiste préférant se ranger du côté des libéraux plutôt que de risquer un éventuel gouvernement conservateur.

Quant à Maxime Bernier, avec 5 % du vote populaire et aucun candidat élu, il s’est permis une allocution qui ressemblait à s’y méprendre à un discours de victoire. Il a ainsi perdu toute crédibilité.


Donc, si tout le monde a perdu quelque chose, qui sort gagnant ? À mon humble avis, c’est la démocratie. La population canadienne a clairement indiqué au premier ministre, de même qu’aux autres chefs de partis, qui décidait de la composition du parlement. En dessinant une Chambre des communes aux couleurs identiques à celles qui avaient précédé le déclenchement des élections, le peuple a démontré qu’il y trouvait son compte dans un gouvernement minoritaire. Les formations politiques, jusqu’à nouvel ordre, devront s’y faire.


Dans le cours de français

«Inscrivez à votre agenda que vous aurez un examen sur les pentagones.»

Comment doit-on prononcer les mots soulignés ? Le mot examen ne cause pas trop de soucis. À peu près tout le monde prononce ég-za-min ou èg-za-min. Mais qu’en est-il des deux autres ? Doit-on dire a-jin-da ou a-jan-da ? Pin-ta-gonn ou pan-ta-gonn ?

Les deux prononciations sont-elles possibles ? La réponse est non. Du moins, pas dans cet exemple. Le en dans agenda et dans pentagone doit se dire in. C’est donc a-jin-da et pin-ta-gonn

Parmi les autres mots dont le en doit obligatoirement se prononcer in, on trouve appendice, magenta et rhododendron. Dans ce dernier cas, admettons que l’erreur est fréquente.

Entendre la prononciation de rhododendron.

Il existe quand même une série de mots avec en pour lesquels les deux prononciations sont acceptées. Parmi eux, notons consensus, référendum et mentor. Toutefois, le mot mentorat doit se prononcer man-to-ra.

Même si la langue française me le permet, je préfère éviter de me prétendre min-tor !


Dans le cours d’univers social

Qu’ont en commun Israël, le Royaume-Uni et la province de l’Alberta, au Canada ? Les trois endroits présentent actuellement un taux élevé d’infections et d’hospitalisations en lien avec la COVID-19, malgré des statistiques de vaccination dépassant les 60 % de leur population. Mais ils s’apparentent aussi sur autre chose : une levée rapide des mesures sanitaires une fois ce pourcentage atteint.

Autre donnée importante, la moyenne d’âge des personnes non vaccinées est très basse, la presque totalité des enfants n’ayant pas reçu une première dose. Les personnes gravement atteintes, dans cette quatrième vague, sont beaucoup plus jeunes que celles des deux premières.

Les scientifiques le répètent, le vaccin est un moyen efficace de contrer le coronavirus, mais reste un moyen parmi d’autres. Le port du couvre-visage dans les endroits publics, la distanciation physique et le lavage fréquent des mains doivent demeurer des habitudes de vie, jusqu’à ce que la pandémie se soit grandement essoufflée à travers la planète.

Nous en avons encore pour un certain temps, mais on peut se permettre d’espérer.


Dans le cours de musique

Quand j’ai entendu les premières notes de la chanson Dynamite, j’ai pensé à Marjo et à Corbeau. Quand j’ai entendu les suivantes, c’est le groupe français Niagara qui m’est venu en tête. Malgré cela, la musique de Cynthia Veilleux, alias Feu toute !, livre un ensemble original et entraînant. Le rythme est rock, le son est pur. La pièce est extraite de son premier album, Parade nuptiale (Dance With Me), sorti en avril dernier.

Feu toute! – Dynamite – Parade nuptiale (Dance With Me) – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

C’est une excellente nouvelle, cette semaine, alors qu’Hydro-Québec a officiellement paraphé une entente de 25 ans avec l’État de New York, afin de fournir de l’électricité sur le territoire de ce dernier. Non seulement le contrat devrait rapporter plus de 20 milliards $ à la société d’état québécoise, aux dires du premier ministre François Legault, mais il permettra à plus d’un million de foyers new-yorkais de passer d’une énergie fossile à une énergie propre. Ce changement s’inscrit d’ailleurs dans un exercice de lutte aux changements climatiques, selon la nouvelle gouverneure Kathy Hochul. Rappelons que New York a récemment subi des inondations meurtrières.

Il a aussi été annoncé que le projet s’accomplira en collaboration avec au moins un groupe autochtone. Bien que la construction de nouveaux barrages demeure une possibilité dans un avenir plus lointain, rien en ce sens n’est prévu pour le moment. La pièce de théâtre documentaire J’aime Hydro, de Christine Beaulieu et Annabel Soutar, dénonce d’ailleurs le fait que la société gouvernementale produise beaucoup trop d’électricité en comparaison aux besoins requis par sa clientèle. La nouvelle entente devrait ainsi permettre d’éliminer certains surplus et de rétablir un meilleur équilibre.

Lire le communiqué d’Hydro-Québec.

Écouter J’aime Hydro sur Ohdio.


Billet du 26 juin 2020 : Le plus présent des absents

Dans le cours de français

Sur Twitter, cette semaine, l’auteur Daniel Thibault, demandait d’où venait l’idée de mettre le tréma sur le e de aiguë. Je trouvais pertinent d’amener la réponse dans ce billet. J’essaierai d’expliquer le plus simplement possible.

Avant 1990, un tréma sur une voyelle signifiait que l’on devait prononcer la voyelle précédente. Ainsi, on doit prononcer le a dans maïs, le o dans Noël et le o dans stéroïde.

Depuis 1990, un tréma, toujours utilisé quand deux voyelles sont consécutives, signifie plutôt que l’on doit prononcer ces deux voyelles séparément. Une convention stipule que c’est la deuxième voyelle qui hérite du tréma. Qu’est-ce que ça change ? Rien… sauf pour les mots en gue. Parce que dans aiguë ou ambiguë, par exemple, on ne prononce qu’une seule des deux voyelles finales et consécutives, le u. Donc, pour montrer que l’accent doit être mis sur le u dans la prononciation du mot, on a proposé, pour les mots en gue seulement, d’utiliser le tréma comme n’importe quel autre accent sur la lettre qui doit être verbalement accentuée, tout en continuant d’accepter l’ancienne orthographe. C’est ainsi qu’on peut maintenant écrire aiguë ou aigüe, ambiguë ou ambigüe.

À noter qu’au masculin, comme il n’y a qu’une seule voyelle en fin de mot, plutôt que deux, on écrit aigu et ambigu.


Dans le cours d’univers social

J’aimerais revenir ici sur le spectacle de la Fête nationale du Québec. Comme d’autres, j’ai trouvé que ce spectacle était l’un des meilleurs jamais présentés dans le cadre de ces festivités. Et qu’est-ce que je constate le lendemain matin ? Plusieurs n’ont retenu que l’absence du fleurdelisé et le fait que Pierre Lapointe aurait dénaturé un classique de Plume Latraverse.

Je viderai en premier lieu la question de Pierre Lapointe. C’est vrai, il a changé les paroles de la chanson Rideau pour en faire :
Pis ceux qui ne sont pas contents
Ils viendront nous voir à l’entracte
On est ben ouverts à vos commentaires
Si vous payez l’cognac-gnac-gnac-gnac

Mais chez tous ceux et toutes celles qui s’en offusquaient et criaient au scandale, personne n’a soulevé qu’un autre classique québécois, Promenade sur Mars du groupe Offenbach, avait également été remodelé pour donner :
la femme que je suis
Quoiqu’elle en pense
N’a pas accès
Ni de près ni de loin

Deux poids, deux mesures, ici ?

Personnellement, je me suis délecté de la nouvelle version de Promenade sur Mars, y voyant un clin d’oeil important à une situation très actuelle. Autant que je me suis amusé de voir Pierre Lapointe, sourire aux lèvres, renoncer à lancer le gros tabarnak bien senti que réclame d’ordinaire cette chanson de Plume.

Le drapeau, maintenant. On l’a bien aperçu sur les masques des danseuses, de même que sur l’écran derrière la scène, mais il aurait fallu pallier au fait qu’en l’absence d’une foule sur place, il n’y aurait aucun drapeau sur le parterre. Le Mouvement national des Québécois a d’ailleurs assumé cette erreur.

Une fois ceci mentionné, est-ce que la fête s’en est trouvée complètement gâchée ? Oui, aux dires de plusieurs sur les réseaux sociaux. Je suis d’un tout autre avis.

Un drapeau est un symbole. C’est à travers des paroles et des actions qu’un peuple s’affirme. Le symbole, lui, ne fait qu’accompagner le reste. Il ne parle pas, ne bouge pas, ne prend aucune décision. Durant ce spectacle, y a-t-il eu des mots et des gestes qui ont transcendé tous les symboles ? Absolument.

Le discours de Fred Pellerin, alors qu’il martelait « On est au commencement de quelque chose », valait à lui seul tous les discours patriotiques qu’on a pu entendre depuis longtemps. Ceux d’Ariane Moffatt et de Christine Beaulieu, qui évoquaient respectivement l’avenir et le passé, en constituaient un splendide complément. Que dire du message imprimé sur le teeshirt d’Hubert Lenoir : « Avoir l’opportunité de changer le monde et ne rien faire, pourquoi? ».

Ajoutez l’harmonie qui réunissait toutes les couleurs de peau, les genres, les orientations sexuelles, les générations et les différentes langues qui ont forgé l’histoire du Québec, tout cela sur une même scène, et vous obtenez effectivement le point de départ de quelque chose. La prestation d’Elisapie, en paroles et en chansons, apportait cette volonté autochtone de faire partie de l’aventure. Qu’il demeure dans la Fédération canadienne ou qu’il acquière un jour son indépendance, ces artistes ont clairement formulé le voeux que le Québec soit désormais façonné de manière ouverte et inclusive. En ce sens, ils se sont fait les porte-parole de la génération de mes élèves, à travers un message que je reconnais bien. À propos de l’inclusion, Émile Bilodeau écrivait sur sa page Facebook : « Nos ancêtres ont fait des ‘moves’ qu’on doit aujourd’hui réparer. Si vous ne le faites pas, c’est ma génération qui va le faire. »

Pas besoin d’agiter un drapeau quand on l’a tatoué sur le coeur.


Et je cite :

Vous avez pas idée du niveau de harcèlement que je subis personnellement comme si c’était mon choix, ma faute alors que le MNQ lui-même a assumé la responsabilité de ce manquement. Le monde est capoté…

Ariane Moffatt, coanimatrice du spectacle de la Fête nationale, le 25 juin 2020

Dans le cours de mathématiques

Une statistique effarante a été publiée sur le site de Radio-Canada, mardi, à la suite d’un reportage de Thomas Gerbet. Malgré les rapports de non-conformité qui se multiplient et l’hécatombe meurtrière due à la COVID-19, seulement sept inspecteurs sont mandatés pour la surveillance des 1750 résidences pour aînés au Québec. À l’autre bout du spectre, voici de nouveau l’organigramme du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec :

Dès que j’ai pris connaissance de cette nouvelle, je n’ai pu m’empêcher de penser à une blague qui avait circulé sur la Toile, il y a longtemps. Intitulée Un défi japonais, la blague évoquait deux équipes d’aviron qui devaient traverser le fleuve St-Laurent. Alors que les Japonais s’étaient présentés au défi avec un équipage composé de quatre rameurs et d’un barreur, l’équipage québécois comptait quant à lui sur un seul rameur et quatre cadres ou fonctionnaires pour l’encourager. Je présume que vous devinez lequel des deux équipages a remporté le défi.

Comme dans la blague, peut-être que notre système de santé compte trop de généraux et trop peu de soldats. Et cette métaphore n’implique aucunement les membres des Forces armées canadiennes venus prêter main forte au réseau.

Pour ajouter à l’absurdité de la situation, Thomas Gerbet précise dans son reportage que le nombre d’inspecteurs québécois affectés au bien-être animal est de dix-huit, soit plus du double. Je réitère ce que je mentionnais dans mon billet du 17 avril dernier : on reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses enfants et ses aînés. Le nouveau ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a de toute évidence beaucoup de pain sur la planche.


Dans le cours d’éthique et culture religieuse

Quelqu’un qui a eu maille à partir avec les utilisateurs de Twitter, cette semaine, c’est le docteur Alain Vadeboncoeur. Pourtant, il n’a fait que répéter ce que la Santé publique recommande, soit le port du couvre-visage dans les lieux publics. Les insultes et épithètes vulgaires ont fusé de toute part en sa direction. Quelques émojis plus disgracieux, aussi.

Un fait important à retenir, c’est que le couvre-visage permet de protéger les autres et non de se protéger soi-même de la contagion des autres. Là-dessus, Alain Vadeboncoeur a traduit et diffusé une publication populaire, et un peu crue, qui l’illustre bien. Les phrases manquent de ponctuation, mais le message est quand même clair.

Par respect pour ceux qui m’entourent dans les lieux publics, je porte le couvre-visage. Si tout le monde faisait de même, nous nous éviterions probablement un autre confinement en cas de deuxième vague.


Et je cite :

C’est le cas de le dire, ceux qui ne croient pas au virus sont… démasqués.

Martin Petit, humoriste, le 21 juin 2020

Dans le cours d’art dramatique

Le personnage de Homer Simpson n’est pas reconnu pour sa grande classe. Toutefois, l’équipe des Simpson a agi avec une élégance remarquable en rendant un hommage particulier au comédien québécois Hubert Gagnon, décédé récemment. Pour les gens de ma génération, Hubert Gagnon était le Picabo des Oraliens, et le Flip de Flip et compagnie. Pour les générations suivantes, il a été la voix québécoise de Homer Simpson durant les 27 premières saisons de la série, avant d’être remplacé pour des raisons de santé.

Sur le compte Instagram des Simpson, voici ce qu’on pouvait trouver, le week-end dernier :

Notez le Au revoir Hubert !, rédigé en français. C’est de la grande classe.


Dans le cours de musique

On attend du nouveau matériel d’Émile Proulx-Cloutier depuis maintenant une trentaine de mois, soit depuis la sortie de son excellent album Marée haute. Si on a pu voir l’acteur à la télé et au cinéma durant cet intermède, c’est bien l’auteur-compositeur-interprète qui était de retour en studio, la semaine dernière, dans le cadre du StudioFest d’Ici Musique. Il y a repris la pièce Mon dos, du même album. C’est ce que je vous présente en #musiquebleue, cette semaine.


Et je cite :

Un vieil adage du hockey veut qu’une équipe doive rester en santé pour pouvoir espérer remporter la Coupe Stanley. Ça n’aura jamais été aussi vrai que cette année.

Martin Leclerc, journaliste, commentant les nombreux cas de COVID-19 dans le sport professionnel, le 22 juin 2020

La bonne nouvelle de cette semaine

La vie reprend graduellement son cours normal, au Québec. Ainsi, selon ce que rapportait le site HollywoodPQ ce mardi, le tournage de plusieurs séries québécoises reprendra au cours des prochains jours, suite à l’assouplissement des règles sanitaires. À coup de 15 minutes par jour, des scènes de proximité pourront même être tournées par les acteurs. Les téléspectateurs savoureront donc assurément du nouveau matériel dès cet automne.

Également, après les ciné-parcs, ce sont les radio-théâtres qui reviennent en force. Suite à la présentation de la pièce Tu te souviendras de moi, hier soir, la station Ici Première et son application OHdio récidiveront les 16 juillet, 6 août, 27 août, 17 septembre et 8 octobre, chaque fois à 20 heures, avec des pièces montées par des théâtres québécois et adaptées pour la radio.

Lentement mais sûrement, il fait bon de revoir nos artistes reprendre le travail.