Il y a quelques jours, un ami a publié sur Facebook la liste des 14 caractéristiques du fascisme selon l’écrivain et philosophe Umberto Eco. Ce texte, tiré de son essai Reconnaître de fascisme (Grasset, 2017), ressurgit régulièrement lorsque l’actualité semble rappeler les mécanismes qui ont conduit certaines démocraties à sombrer dans l’autoritarisme. Eco y décrit des tendances inquiétantes :
- Le culte de la tradition
- Le rejet du modernisme
- Le culte de l’action pour l’action
- Le rejet de la critique et de la pensée analytique
- La peur de la différence
- L’appel aux classes moyennes frustrées
- L’obsession du complot
- L’ennemi est à la fois fort et faible
- La vie est une guerre permanente
- Le mépris des faibles
- Le culte du héros et de la mort
- Le machisme
- Le populisme qualitatif
- La novlangue
Ces éléments ne sont pas des cases à cocher pour établir un diagnostic absolu : un régime n’a pas besoin de tous les réunir pour dériver vers l’autoritarisme. Ce sont plutôt des tendances qu’il faut observer avec vigilance.
Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, Donald Trump suscite de nombreuses inquiétudes par ses attaques répétées contre la justice, la presse et les contre-pouvoirs. Sa remise en cause de l’autorité des juges, son utilisation des institutions pour neutraliser l’opposition et ses discours de plus en plus belliqueux ont alimenté un climat où la frontière entre démocratie et régime autoritaire devient plus floue. Cette semaine, il a déclaré qu’il ne reconnaissait pas les grâces présidentielles accordées par son prédécesseur Joe Biden, une décision inédite qui a soulevé de sérieuses questions sur l’indépendance du pouvoir judiciaire.1
L’histoire ne se répète pas toujours à l’identique, mais elle rime. Ces 14 caractéristiques ne sont pas seulement un rappel du passé : elles constituent un outil d’analyse puissant pour comprendre le présent. À quel moment pourra-t-on affirmer que les États-Unis ont quitté le giron des démocraties pour basculer dans l’autoritarisme ?
1 End, Aurélia (2025, 17 mars). Trump n’en finit plus de contester l’autorité des juges. La Presse.
Dans le cours d’univers social
Volet histoire
C’est avec une profonde tristesse et une grande déception que je constate la disparition des magasins La Baie. Depuis leurs débuts au XVIIᵉ siècle, lorsque la Compagnie de la Baie d’Hudson fut fondée en 1670 pour faciliter le commerce de la fourrure, ces établissements ont constitué l’un des premiers piliers du commerce en Amérique du Nord. Leur vocation initiale était de créer des liens entre explorateurs européens et peuples autochtones, favorisant ainsi les échanges culturels et économiques qui ont façonné notre histoire.
Au fil des siècles, La Baie s’est transformée pour s’adapter aux mutations du marché, devenant bien plus qu’un simple point de vente. Elle s’est imposée comme un lieu de rencontre et d’échange, tout en commanditant divers événements culturels, sportifs et éducatifs qui ont renforcé le tissu social de nos communautés. En tant qu’enseignant en univers social, j’avais pour habitude d’intégrer l’histoire de ce premier commerce dans mes cours, soulignant l’importance de son rôle dans l’évolution économique et culturelle du pays.
La disparition de ces magasins représente aujourd’hui la fin d’une ère, marquée par l’effacement d’un symbole historique et patrimonial inestimable. Elle nous rappelle combien il est essentiel de préserver notre mémoire collective, en gardant vivantes les leçons et les valeurs incarnées par La Baie. J’espère que l’histoire de La Baie continuera à se transmettre de manière simple et authentique, rappelant à chacun l’importance de nos racines.
Dans le cours de musique
J’avais l’embarras du choix pour l’artiste à qui j’emprunterais une pièce musicale, cette semaine. Le cœur a parlé et j’y vais avec Marie-Annick Lépine, qui a lancé Le cœur est un rêveur, au cours des derniers jours. La multi-instrumentiste des Cowboys Fringants produit ainsi, mine de rien, son quatrième album solo. La pièce qu’on écoute s’intitule Porte-poussière.
La bonne nouvelle de cette semaine
Cette semaine, une avancée innovante dans le domaine des biomatériaux offre une nouvelle perspective pour le traitement des plaies. Une équipe internationale de chercheurs a récemment publié dans la revue Nature Materials les résultats prometteurs de leurs travaux sur un hydrogel auto-cicatrisant, capable d’imiter à la fois la souplesse et la résistance de la peau humaine. Ce matériau ingénieux, enrichi de nanofeuilles d’argile ultraminces — disposées en densité impressionnante dans un réseau polymère — présente la capacité de réparer efficacement ses ruptures : il regagne environ 80 à 90 % de son intégrité en seulement quatre heures, avant de se rétablir complètement en 24 heures.
Selon Chen Liang, auteur principal de l’étude, le secret réside dans un mécanisme d’enchevêtrement moléculaire qui permet aux brins de polymère de se réorganiser dès qu’ils sont sectionnés. Bien que ces résultats en laboratoire soient très encourageants, les chercheurs soulignent la nécessité de poursuivre les recherches et de mener des essais cliniques pour confirmer l’efficacité du matériau dans des conditions réelles. Ce développement marque une étape significative dans l’évolution des matériaux intelligents, ouvrant la voie à des applications futures dans le domaine médical et illustrant le potentiel transformateur de la recherche bio-inspirée.
Trump et les 14 signes du fascisme
Dans le premier bloc de ce billet, il était question des 14 caractéristiques du fascisme telles que définies par Umberto Eco. Ces éléments ne sont pas un mode d’emploi rigide, mais plutôt une série de tendances récurrentes dans les régimes autoritaires. Dans ce bloc, examinons de plus près comment ces quatorze caractéristiques peuvent être accolées aux paroles et actions de Trump et de son administration.
- Le culte de la tradition
Trump a promu un décret exigeant que tous les nouveaux bâtiments fédéraux respectent un style architectural classique inspiré des « grandeurs passées » des États-Unis, rejetant les influences modernistes et progressistes. Il a également renforcé les directives éducatives visant à promouvoir une version plus patriotique de l’histoire américaine, minimisant les aspects controversés du passé du pays.
- Le rejet du modernisme
Depuis son retour au pouvoir, Trump a intensifié le démantèlement des régulations environnementales et continue d’affirmer que le changement climatique est une « invention de la gauche ». Son allié J.D. Vance a également critiqué le rôle des universités, affirmant qu’elles sont devenues des foyers d’endoctrinement progressiste, ce qui renforce l’idée d’un rejet des institutions intellectuelles traditionnelles.
- Le culte de l’action pour l’action
Le retrait soudain des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sans consultation avec les experts médicaux.
- Le rejet de la critique et de la pensée analytique
Trump continue d’attaquer la presse, qualifiant les journaux de fake news media et allant jusqu’à suggérer de limiter leur accès aux conférences de presse de la Maison-Blanche, restreignant ainsi la capacité de certains reporters à poser des questions au président et à son administration.
- La peur de la différence
Intensification des expulsions de migrants, notamment l’envoi de plus de 200 membres présumés de gangs vers le Salvador malgré une interdiction judiciaire.
- L’appel aux classes moyennes frustrées
Lors d’un rassemblement en Pennsylvanie le 15 février 2025, Trump a accusé les élites et les intellectuels d’« écraser les vrais Américains » au profit d’immigrants et de « bureaucrates corrompus ».
- L’obsession du complot
Trump continue de propager l’idée que des élites de l’« État profond » travaillent dans l’ombre pour saboter son administration et manipuler le système politique à leur avantage. Il a aussi suggéré, sans preuve, que des forces étrangères et des organisations non gouvernementales conspirent pour influencer les décisions judiciaires et législatives aux États-Unis.
- L’ennemi est à la fois fort et faible
Trump qualifie ses adversaires démocrates de « communistes extrémistes » dangereux tout en se moquant de leur supposée inefficacité.
- La vie est une guerre permanente
Utilisation systématique d’un vocabulaire militaire, appelant ses partisans à « combattre » les ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il désigne comme la gauche radicale, les médias et certains juges.
- Le mépris des faibles
Lors d’un meeting à El Paso, Texas, le 22 janvier 2025, Trump a tourné en dérision des demandeurs d’asile en les qualifiant de « mendiants professionnels » venant profiter du système.
- Le culte du héros et de la mort
Lors de son discours inaugural le 20 janvier 2025, Trump a déclaré que « les vrais patriotes sont ceux qui sont prêts à mourir pour l’Amérique » dans un contexte de tensions civiles.
- Le machisme
Trump a annulé plusieurs protections fédérales pour les personnes transgenres et, en février 2018, à la suite d’accusations de violences conjugales visant deux de ses collaborateurs, Rob Porter et David Sorensen, il a tweeté en dénonçant les « fausses accusations », suggérant que certaines allégations pourraient être infondées.
- Le populisme qualitatif
Lors de son discours inaugural le 20 janvier 2025, Trump a affirmé que seul lui et ses alliés « représentent les vrais Américains » et que toute opposition est une trahison.
- La novlangue
Utilisation massive de slogans creux et de formules martelées sur les réseaux sociaux (« America First », « Fake News », « Stop the Steal ») pour influencer l’opinion publique.
Les États-Unis ne sont pas encore une dictature, mais ils en prennent certaines caractéristiques. Comme l’a écrit Umberto Eco, le fascisme ne s’impose pas forcément d’un seul coup : il s’installe lentement, souvent sous couvert de sécurité et de patriotisme. Les démocraties ne disparaissent pas en un jour, elles s’effritent au fil du temps, jusqu’à ce que l’idée même d’opposition devienne dangereuse.
Alors, jusqu’où laisserons-nous aller cette normalisation des tendances autoritaires ? Chaque citoyen a une responsabilité dans la défense des institutions démocratiques.




