Billet du 20 juin 2025 : François Legault et le mirage de la priorité éducative

On aime mentionner que l’éducation est une priorité nationale. Pour François Legault, ce n’était pas seulement une priorité, c’était la priorité. Il l’a affirmé à plusieurs reprises, martelé dans ses discours, répété en campagne électorale. En 2018, alors qu’il cherchait à se faire élire, il promettait que « jamais » un gouvernement de la CAQ ne couperait dans les services aux élèves. Cette déclaration, encore en ligne sur sa page Facebook, visait à rassurer un réseau scolaire échaudé par des années de compressions.

Mais certaines promesses, comme certains fantômes, finissent toujours par revenir nous hanter.

Car aujourd’hui, c’est bien un vent glacial de restrictions qui souffle sur notre système public d’éducation. Officiellement, on parle d’un effort budgétaire de 510 millions. En réalité, lorsqu’on additionne les mesures dites d’« optimisation » exigées en parallèle, le manque à gagner frôle le milliard de dollars. Et, contrairement à ce que certains aimeraient faire croire, ces compressions ne s’arrêteront pas aux bureaux administratifs.

Je prends ici un exemple concret. Dans un centre de services scolaire que je connais bien, on a calculé que même en fermant entièrement le centre administratif, et en remerciant tout le personnel qui y travaille, on ne réussirait à combler que 58 % de l’effort budgétaire exigé par le gouvernement. Autrement dit, les 42 % restants devront être retranchés dans les écoles, auprès des élèves. Et cela, même en sacrifiant des emplois déjà essentiels au bon fonctionnement du réseau.

Ce qui mérite d’être souligné à grands traits, c’est la coïncidence troublante entre les efforts exigés du réseau scolaire et les investissements publics improvisés des dernières années. On demande aujourd’hui à l’éducation de générer près d’un milliard de dollars en économies, pendant qu’on a perdu 1,33 milliard $ dans une poignée de projets mal planifiés ou précipités : Northvolt (270 M$), SAAQclic (500 M$), Lion électrique (177 M$), Medicago (283 M$) et les études entourant le troisième lien (100 M$). L’éducation devient ici le contrepoids d’une série de bourdes gouvernementales.

Une priorité de la CAQ, l’éducation ? Permettez-moi d’en rire.


Dans mes écouteurs

Neli Ivanova est une artiste émergente dont la voix enveloppante et la sensibilité à fleur de peau rappellent immanquablement Lhasa de Sela. Avec la même intensité et ce mélange de fragilité et de force, Ivanova tisse une œuvre poétique et introspective, entre chanson, folk et influences du monde. Loin de l’imitation, elle s’inscrit dans une filiation émotive, portant une parole singulière et magnifiquement assumée.

Avec Frères, elle propose une ambiance sonore feutrée. Les arrangements minimalistes laissent toute la place à la voix, soutenue par quelques textures discrètes et des cordes subtiles. Le résultat donne une chanson sobre, raffinée et parfaitement maîtrisée sur le plan acoustique.

Neli Ivanova – Frères – Invisible – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Un nom : Claire Bell. Et une immense reconnaissance envers les bénévoles et les membres des services d’urgence qui ont toujours cru à la possibilité de la retrouver saine et sauve. Et qui ont tout mis en œuvre pour y arriver. L’être humain dans ce qu’il a de plus beau à offrir.


Billet du 15 octobre 2021 : Réalité amplifiée

Plusieurs acteurs des médias québécois sont tombés dans l’hyperbole, cette semaine. En voici quelques exemples, suivis des commentaires qui me sont spontanément venus en tête, après en avoir pris connaissance.

«Un drame national» — Normand Baillargeon, évoquant la pénurie d’enseignantes et d’enseignants. Le Devoir, 9 octobre 2021.

Un drame national ? C’est un problème épouvantable, certes, dont les conséquences à long terme peuvent s’avérer très importantes si on n’y remédie pas. J’en sais quelque chose. Mais drame, pris en ce sens, est un synonyme de tragédie. Est-ce réaliste de qualifier ainsi la situation ? Même l’enseignant que je suis en doute.

«Les antivax ont gagné» — Patrick Lagacé, à propos du report d’un mois de la date butoir pour la vaccination obligatoire des employés du secteur de la santé. La Presse, 13 octobre 2021.

Les antivax n’ont pas gagné. Ils exultent, pensant sans doute avoir remporté la victoire, mais ils n’obtiennent qu’un sursis d’une trentaine de jours. La réalité rattrapera tout le monde un mois plus tard, c’est tout.

«2225 $, un loyer “abordable” à Montréal, selon Ottawa»La Presse, 12 octobre 2021.

En effet. Et 75 $, un montant réaliste pour une épicerie complète, selon un ex-premier ministre du Québec.

« L’homme de 64 millions $ » — Félix Séguin, plusieurs fois, faisant allusion à Nick Suzuki et son nouveau contrat de 8 saisons. TVA Sports, le 13 octobre 2021.

Erreur, Félix. C’est un contrat de 63 millions $. Tu t’emballes encore.


Dans le cours de français

Petit débat, dans mon entourage, autour du mot éligible, cette semaine. Est-ce un anglicisme ? N’est-ce qu’un calque de l’anglais ? Est-ce correct de l’inclure dans un vocabulaire français ?

Si vous avez répondu oui à toutes ces questions, vous avez entièrement raison.

Le mot éligible est accepté en français s’il est employé dans un contexte électoral. Ainsi, on dira d’une personne qu’elle est éligible si elle respecte toutes les conditions lui permettant de présenter sa candidature à une élection. En ce sens, éligible signifie «qui peut être élu»

Dans un autre contexte, dire de quelqu’un qu’il est éligible, plutôt qu’admissible, constitue une erreur de français. Par exemple, on est admissible, et non éligible, à une promotion. 


Question sportive de la semaine

Avant Samuel Montembeault, hier soir, qui était le dernier gardien de but québécois à avoir amorcé un match pour le Canadien de Montréal ? Réponse à la fin du billet.


Dans le cours de musique

Il y avait longtemps que je voulais faire une petite place à Mea Culpa jazz, à l’intérieur de cet humble espace hebdomadaire. Ce quatuor originaire de la Mauricie s’est surtout fait connaître grâce à des reprises de pièces connues, apprêtées à la note bleue. Spécialisé dans les événements corporatifs, c’est uniquement sur YouTube qu’on peut entendre le groupe, à moins, bien sûr, de faire appel à ses services. 

Le groupe rock français Noir Désir n’a pas survécu à l’incarcération pour meurtre de son chanteur et principal auteur-compositeur. Un de ses plus grands succès, Le vent nous portera, a cependant connu plusieurs vies, étant repris par bon nombre d’artistes. C’est cette pièce, interprétée par Mea Culpa jazz, qui prend la vedette de notre #musiquebleue, cette semaine.

Mea Culpa jazz – Le vent nous portera – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

On trouve une bibliothèque dans toutes les écoles où j’ai enseigné. Comme dans une bibliothèque municipale, un certain nombre de livres y sont élagués, annuellement. Si on parle de quelques dizaines dans le cas d’une bibliothèque scolaire, qu’en est-il pour une bibliothèque publique ?

Un reportage publié dans La Presse, mardi, nous apprend qu’à la Grande Bibliothèque de Montréal, ce sont plus de 80 000 bouquins qui sont, chaque année, retirés des étagères. Où est la bonne nouvelle, alors ? La bonne nouvelle, c’est que tous ces livres, ou presque, continuent de vivre.

Ils sont remis à des organismes sans but lucratif, qui voient à en disposer dans le cadre d’activités de financement, ou encore à des associations culturelles. C’est ainsi que les mots butinent et que la littérature se répand.


Réponse à la question de la semaine

José Théodore, en 2006, est le dernier gardien de but d’origine québécoise à avoir amorcé un match dans l’uniforme du Canadien de Montréal. Toutefois, le 2 janvier 2009, Marc Denis est venu en relève à Jaroslav Halak, en troisième période d’une rencontre disputée au New Jersey. Avant Samuel Montembeault, il était le dernier Québécois à avoir gardé la cage du Tricolore.