Billet du 30 décembre 2022 : Journal de vacances des Fêtes (1er de 2)

L’année 2023 se pointera le bout du nez dans moins de 48 heures. Selon nos traditions, qui dit jour de l’An dit nouvelles résolutions. Personnellement, j’ai l’habitude d’en prendre que je suis capable de tenir, aussi simples soient-elles. Pour la prochaine année, ce sera de diminuer mon temps d’utilisation des réseaux sociaux, une tendance chez moi déjà bien enclenchée depuis les six derniers mois.

Comprenez bien, il ne s’agit pas d’abandonner mes réseaux sociaux. J’en ai même ajouté un nouveau, Mastodon, au cours des derniers jours. Il s’agit plutôt de les utiliser selon ce pour quoi ils ont été conçus, afin de faire autre chose que de constamment tenir mon téléphone cellulaire entre mes mains.

D’abord, Snapchat et TikTok. Je ne diffuse rien sur ces réseaux. Je n’y possède des comptes que pour suivre les activités de personnes en particulier. Ma famille dans le premier cas, le médecin Mathieu Nadeau-Vallée dans l’autre.

Je possède deux comptes Instagram, un personnel et un professionnel. Le premier n’est disponible qu’à un nombre restreint de gens, alors que le second est ouvert à tout le monde. J’y publie des photos et quelques vidéos de mes activités, à quelques reprises durant la semaine. C’est pour moi la version moderne des albums-photos et des spicilèges, communément appelés scrapbooks.

Je dispose également de deux comptes Facebook, un personnel et un autre pour #LeProfCorrige. Le but de Facebook est de donner des nouvelles et d’en prendre des personnes qui nous suivent. Le fait de toucher leur cœur, leurs yeux ou leurs oreilles suscite généralement de belles réactions. Adopter un ton éditorial, par exemple en relayant une caricature ou en commentant une chronique, implique une plus grande indifférence de la part des abonnés. Après tout, Facebook s’inscrit dans la lignée du principe qu’il faut éviter de parler de religion ou de politique autour d’un repas !

LinkedIn est un réseau professionnel et doit être utilisé comme tel. J’y diffuse mes billets hebdomadaires et j’y relaie des articles concernant l’éducation, en les commentant avec une seule phrase, bien concise. J’y félicite également mes connaissances pour une promotion, par exemple, et leur souhaite bon succès à chaque changement de statut d’emploi.

Twitter est le réseau ayant subi la plus grande évolution. On peut presque parler de révolution. À l’origine, le but de Twitter était de diffuser des nouvelles, de les commenter et de débattre. Durant mes années de journalisme, le réflexe était instantané : dès qu’un nouvel élément s’ajoutait à une de mes couvertures, il se retrouvait sous le petit oiseau bleu. Pour les gens qui me suivaient régulièrement, il s’agissait d’un puissant incitatif à aller lire l’article qui allait s’ensuivre. Toutefois, les trolls se sont emparés de la plateforme, les débats ont perdu toute civilité et le réseau a fini par prendre la forme d’un lieu de rencontres et de publication d’histoires personnelles. Il est devenu un genre de Facebook pour des individus qui ne se connaissent pas.

Twitter est ainsi passé du réseau social sur lequel je passais le plus clair de mon temps (un peu trop, je le réalise aujourd’hui), à celui que j’ouvre machinalement pour quelques instants, en n’y intervenant presque plus. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé un compte Mastodon, qui reprend la mission première de Twitter, soit d’informer et de débattre en toute civilité. Le billet que vous lisez actuellement sera le premier que j’y publierai. Je tenterai maintenant de ne pas retomber dans le piège des longs moments perdus à y fureter.

Ceci constituera probablement le plus gros défi, tout en étant relatif, de ma résolution pour 2023 !


Lectures de vacances

Je plonge dans le chaos, durant mes vacances. En lecture, du moins.

Les revues littéraires ont fait état du roman Le mage du Kremlin, de Giuliano Da Empoli, que je me suis procuré. Ce dont on a moins parlé, c’est de son œuvre précédente, Les Ingénieurs du chaos, un essai portant sur le même thème, soit les conseillers politiques influents, de qui découlent les grands mouvements populistes mondiaux des dernières années. Né en France et possédant la nationalité suisse, l’auteur y avance l’hypothèse que l’Italie constitue, depuis plusieurs générations, le plus imposant laboratoire de courants politiques. Je termine l’essai avant de passer au roman, qui traite du principal conseiller de Vladimir Poutine.

En parallèle, un ami m’a refilé les trois premiers tomes du roman graphique Hedge Fund, un suspense financier dont le troisième épisode s’intitule La Stratégie du chaos. Là encore, je constate que les auteurs explorent une situation mondiale sous un angle différent, laissé pour compte par les grands médias.

Comme quoi le chaos, inconfortable lorsque subi, possède ses côtés instructifs.


Sur mes écrans

D’un point de vue plus léger, il m’aura fallu plus de deux ans, mais j’ai finalement commencé la série télévisée Ted Lasso. À travers un humour désopilant et souvent très songé, on découvre une psychologie tout aussi brillante.

J’ai maintenant trois saisons à rattraper !


Dans mes écouteurs

Quand Yves Lambert, de La Bottine souriante, et Shauit, un auteur-compositeur-interprète originaire de Maliotenam, s’unissent pour nous offrir une chanson sur un rythme traditionnel, ça donne Ka Utapanashkutshet, une excellente pièce bilingue, soit en innu et en français. En cette fin d’année, elle s’avère de circonstance.

Shauit et Yves Lambert – Ka Utapanashkutshet – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Il y a deux semaines, il était ici question de Yoshua Bengio, un maître québécois de l’intelligence artificielle. Il sera encore question de l’IA dans cette rubrique, cette semaine. Cette fois, la nouvelle provient de Grande-Bretagne, où les personnes ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC) sont trois fois moins nombreuses à en conserver des séquelles, grâce à un système qui permet de diagnostiquer et d’intervenir plus rapidement.

Lire le communiqué de l’AFP sur Radio-Canada.ca


Lecture de vacances, deuxième partie

Je me suis délecté avec la chronique de Paul Journet, publiée ce matin1. Le sarcasme y est omniprésent, mais il s’agit d’une revue de l’année originale, présentée sous forme de nouvelles (et fictives) définitions du dictionnaire. Mes préférées sont Serment au roi, Pierre Poilievre et Woke, sous deux versions. Et Père Noël. Et toutes les autres !

1 Les maux de 2022. La Presse, Montréal. Le 30 décembre 2022.


Billet du 23 octobre 2020 : Je suis prof

Dure semaine pour ma profession. Depuis la mise en ligne de mon billet de vendredi dernier, un enseignant français a été assassiné pour avoir montré des caricatures et une professeure de l’Université d’Ottawa voit sa carrière compromise, et sa sécurité menacée, pour avoir prononcé un mot dans un contexte précis. Je prendrai position rapidement : dans les deux cas, les conséquences sont démesurées par rapport aux actes reprochés.

Dans le cours de français

Qu’est-ce que Verushka Lieutenant-Duval et moi avons en commun ? Plusieurs choses. D’abord, nous enseignons. À des niveaux différents, mais le travail comporte des similitudes. Mais aussi, à peu près au même moment où elle prononçait le fameux mot dans un de ses cours, j’écrivais et publiais moi-même le même mot, cinq fois plutôt qu’une, dans un de mes billets hebdomadaires. Ainsi, si vous relisez mon texte du 25 septembre dernier, vous constaterez que je l’emploie également dans un contexte très précis, soit celui de l’origine du mot, son évolution, son emploi incorrect, tout comme les situations où la langue française le considère encore comme étant correct.

Reprendre textuellement ce mot ici, cette semaine, tiendrait de la provocation, après l’actualité des derniers jours. Ce n’est ni mon intention, ni mon habitude. Mais est-ce que je considère toujours l’avoir employé correctement, sans malveillance, le mois dernier ? Bien sûr.

Faut-il mettre tabou dans nos institutions un mot figurant dans tous les dictionnaires et manuels d’histoire ? Répondre par l’affirmative tiendrait de la déresponsabilisation. Dans le contexte qui nous préoccupe, je serais même porté à parler d’infantilisation.

Dans le bureau de la direction

J’ai connu Jacques Frémont, le recteur de l’Université d’Ottawa, il y a une trentaine d’années. Avant de bifurquer vers l’éducation, j’étudiais le droit à l’Université de Montréal, où il était professeur. Nous avons tenu quelques conversations, tant en classe qu’en privé. Dans tous les cas, il demeurait clair que se tenait devant moi un homme lucide, sensé. Aussi, quand j’ai pris connaissance de son blâme à l’endroit de la professeure Lieutenant-Duval, je n’ai pu m’empêcher de me dire qu’il y avait probablement dans l’histoire deux ou trois éléments inconnus du grand public. Force est maintenant d’admettre que ce n’était pas le cas, la professeure ayant été réintégrée dans ses fonctions, après une humiliation lui ayant fait perdre l’ensemble de sa classe, une étudiante exceptée.

Un bon nombre de collègues de Verushka Lieutenant-Duval se sont au contraire portés publiquement à sa défense. La majorité étant des francophones, les insultes racistes, notamment le mot en F désignant un batracien, ont paradoxalement pullulé sur les réseaux sociaux. Toutes ces personnes ont vu leurs coordonnées personnelles être publiées en ligne. La principale intéressée se dit apeurée, après avoir reçu des menaces à son intégrité physique.

Peu importe où se situe notre opinion dans ce dossier, à partir du moment où on admet que la professeure n’avait aucune intention malveillante, il est devenu évident qu’elle subit un tort considérable. Plus grand que celui qu’elle aurait elle-même fait subir ? Fort probablement.

Et je cite :

« À voir ce qui se passe à l’Université d’Ottawa, les vrais racistes doivent se bidonner, quand même… »

Frédéric Bérard, journaliste, auteur et conférencier, le 20 octobre 2020

Dans le cours d’univers social

Les sensibilités exprimées dans le cadre de l’affaire Lieutenant-Duval reflèteraient une situation vécue de plus en plus dans les institutions québécoises de haut savoir. Dans sa chronique d’hier à l’émission Tout un matin, le journaliste Paul Journet a fait état d’une série de témoignages reçus de professeurs ayant dû composer avec des étudiants mécontents de certains propos.

Parmi eux, une professeure qui prétend avoir été interrompue par un étudiant se présentant comme queer chaque fois qu’elle prononçait le mot homme ou le mot femme. L’étudiant en question serait même venu un jour perturber le cours avec des étudiants non inscrits. La professeure aurait finalement décidé d’arrêter de le donner.

Les dérives et débordements demeurent exception. Il faudrait s’assurer qu’il en reste ainsi. Le cas contraire annoncerait des années pénibles pour la profession. Le débat doit être mené rapidement.


Dans le cours d’éthique et culture religieuse

Conflans-Sainte-Honorine, France, le 6 octobre 2020. Dans un collège où il enseigne à des élèves de 14 et 15 ans, Samuel Paty donne un cours sur la liberté d’expression et montre en classe des caricatures du prophète Mahomet. Un père mécontent diffuse sur Internet le nom et plusieurs autres renseignements personnels de Samuel Paty. Le jeu du téléphone fait en sorte que de fausses informations commencent à circuler.

Dix jours plus tard, un ressortissant tchétchène issu d’une autre région de la France se présente dans la localité, paie des élèves pour qu’ils lui indiquent qui est Samuel Paty, suit ce dernier, le poignarde et le décapite.

Je pose une question : qu’est-ce qui laissera les plus grandes séquelles psychologiques chez les élèves, le fait d’avoir vu des caricatures de Mahomet, ou le fait de savoir leur professeur assassiné puis décapité ?


Et je cite :

« Quand un homme perd tragiquement la vie parce qu’il répand la lumière, c’est que la barbarie enténèbre de plus en plus d’esprits. D’où l’urgence de diffuser la lumière. »

Bernard Pivot, le 17 octobre 2020

Jouons avec les mots

Alors, avez-vous réussi à rassembler une dizaine de mots ne rimant avec aucun nom commun en langue française ? C’est le cas de belge, goinfre, larve, meurtre, monstre, pauvre, quatorze, quinze, simple et triomphe.

Cette semaine, nous jouons surtout avec les lettres. Dans le mot eau, on ne prononce aucune des lettres. C’est l’assemblage des trois voyelles qui donne le son [o] au mot. La question de cette semaine, quel est le plus long mot de la langue française dont on ne prononce aucune des lettres ?

Réponse dans mon billet de vendredi prochain !


Dans le cours de musique

Lauréat en 2019 du Festival international de la chanson de Granby, c’est dans les rues du Vieux-Québec que le musicien Philippe Gagné, durant sept années, a d’abord fait connaître son art. C’est à la pièce qu’il lance depuis ses chansons. La dernière en lice, que je vous propose cette semaine en #musiquebleue, c’est Instababe, dans laquelle il dénonce la recherche de vedettariat instantané sur les réseaux sociaux (« Parle-moi pas si t’es pas une Instababe »).

À travers un son R&B acoustique à la fois chaud et rafraîchissant, c’est sous le pseudonyme le.Panda que Philippe Gagné a choisi de se faire connaître et de présenter son matériel. Il s’inscrit parmi mes coups de coeur de la dernière année. (le.Panda sur Bandcamp)


La bonne nouvelle de cette semaine

Aujourd’hui, je laisse parler Hubert Reeves qui, à 88 ans, n’a rien perdu de sa verve. Il y a trois ans, le magazine Québec Science le qualifiait d’optimiste lucide. Aucune autre expression ne saurait si bien décrire celui qui, malgré des prises de position alarmistes quant au traitement réservé à la nature, n’a jamais perdu foi en l’humanité.

Il se livre en vidéo à un testament rempli d’espoir devant la force de la nature et celle des humains, dans un contexte de collectivité avec tous les êtres vivants. Le groupe post-rock français Bravery in Battle l’accompagne en musique dans cet enregistrement. Permettez-vous cette pause méditative de cinq minutes pour bien démarrer la fin de semaine.