Billet du 8 novembre 2024 : Les politiques qu’on mérite (2e partie)

Aux États-Unis, ce sera donc Donald Trump. Avec lui à la présidence et une majorité républicaine tant au Sénat et qu’à la Chambre des représentants. J’aurais préféré un autre scénario, mais la démocratie a parlé. Et la démocratie, même malade, demeure le plus beau des régimes politiques.

Et je cite :
« Faites attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet, mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles. »

– Albert Camus

Et le fascisme a récemment été aperçu chez nos voisins du Sud. Non seulement John Kelly, ancien chef de cabinet de Trump, prétend-il avoir entendu plus d’une fois ce dernier faire l’éloge d’Hitler et de son armée, mais Trump lui-même a déclaré en entrevue qu’il entrevoyait instaurer une dictature « pour une journée », en début de mandat. Le problème n’est pas Trump. Il a droit à ses opinions, autant qu’il a le droit de les exprimer. Le problème, c’est le peuple américain, qui l’a élu en toute connaissance de cause.

Et je cite :

« Hitler a pris le pouvoir en 1933 par nomination, et non par un vote. Il n’a jamais remporté la majorité lors d’une élection libre. Trump, en revanche, a remporté une élection libre après avoir clairement exprimé son désir de devenir dictateur. Ce qui rend le peuple américain plus favorable à la dictature que les Allemands de 1933. »

– Mark Jacob, auteur et ex-éditeur du Chicago Tribune, le 6 novembre 2024.

Je n’en veux pas aux Américains de l’avoir élu une première fois, en 2016. Il agissait déjà comme un personnage coloré et hors norme, mais on cherchait à contrer l’establishment démocrate, notamment en y purgeant les Clinton une fois pour toutes, et le milliardaire répondait à cette requête, en plus d’afficher l’image d’un homme d’affaires prospère, malgré ses faillites.

Depuis, toutefois, il a tenu des propos condescendants, haineux, sexistes, misogynes, racistes et homophobes. Il a fait reculer son pays de plusieurs décennies au chapitre du statut et des droits des femmes, notamment en invalidant l’arrêt Roe contre Wade. Il a été condamné pour des fraudes, des diffamations et au moins un cas d’abus sexuel, en plus d’avoir été inculpé pour vol de documents classifiés et interférences électorales. Il est aussi responsable d’avoir incité l’insurrection du 6-janvier, qui a causé cinq morts, dont celle d’un policier. Contrairement à 2016, c’est à un criminel établi que les Américains ont ouvert toutes grandes les portes de la Maison-Blanche, en plus de lui donner les coudées franches pour faire adopter ce qu’il veut.

Et je cite :

« Les États-Unis, la première puissance mondiale, ont élu, pour la seconde fois et, en toute connaissance de cause, un admirateur de Vladimir Poutine, un climatosceptique avéré, un ami de Netanyahou, un homme qui piétine les droits humains, le droit des femmes, le droit à l’avortement, un homme ouvertement raciste, un homme qui manipule l’information et fabrique des fake news à longueur de journée, un homme à l’origine de l’attaque du Capitole et un homme condamné pénalement. Sacré tableau de chasse. Il devrait être derrière les barreaux. En taule avec sa tenue orange. À la place, il se réinstalle tranquille à la Maison-Blanche. Les deux pieds sur le Bureau ovale. On dirait le scénario catastrophe d’un mauvais blockbuster et pourtant, c’est la réalité. La vraie vie. Les dominos de la haine tombent les uns après les autres un peu partout aux quatre coins du monde. Cette planète fait peur. Cette planète me dégoûte. Indignons-nous. »

– Gauvin Sers, auteur-compositeur-interprète français, le 6 novembre 2024.

On a les politiques qu’on mérite, comme on a les politiciens qu’on mérite. Il ne faut pas chercher de raisons à la victoire de Trump ou de causes à la défaite de Kamala Harris. Les Américains méritent Trump, point. C’est en lui qu’ils se reconnaissent. Ça en dit long sur leur évolution.

Ce qui est le plus dérangeant, c’est qu’en lui confiant les rênes de la plus grande puissance mondiale, c’est à toute la planète qu’ils l’imposent.

Et je cite :

« Ce n’est pas seulement que Trump a gagné. C’est que Joe Rogan, Dana White et Brett Favre ont gagné. Les insurgés emprisonnés ont gagné. Les Alito et les Thomas ont gagné. Vladimir Poutine a gagné. Le racisme a gagné. La misogynie a gagné. Le sexisme a gagné. Le réchauffement climatique a gagné. La xénophobie a gagné. Mais surtout : la peur a gagné. C’est ce qui fait mal. »

– Mike Wise, auteur, journaliste sportif et présentateur à la télévision américaine, le 6 novembre 2024.


Dans le cours de musique

Trêve d’artistes émergents, cette semaine. Rendons plutôt hommage au regretté poète Lucien Francoeur. Voici la chanson Nelligan, un poème musical adapté d’une œuvre de celui qui l’a inspiré.

Lucien Francoeur – Nelligan – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Il est rare qu’on prenne le temps de complimenter une collègue. C’est encore plus rare de pouvoir le faire sur les ondes de la télévision d’État. Et c’est d’autant plus particulier de prendre tout le temps d’antenne qui nous est alloué pour le faire.

Ce qui suit constitue plus un moment de gratitude et de bienveillance qu’une bonne nouvelle en soi. La bonne nouvelle, c’est justement d’avoir pu assister, en direct ou en différé, à cette séquence rafraîchissante. Celle où l’analyste Raphaël Jacob utilise l’entièreté de son segment pour souligner l’excellence du travail de sa collègue correspondante de Radio-Canada à Washington, Azeb Wolde-Giorghis.


Billet du 4 février 2022 : Des clins d’œil et des camions

Il y a longtemps que l’actualité n’avait pas été aussi généreuse que cette semaine. Même si la pandémie demeurait en trame de fond d’à peu près toutes les nouvelles, ça faisait changement de voir la santé publique et les hôpitaux être relégués au second plan. La liste de sujets à commenter est longue. Alors, ne perdons pas de temps.

Clin d’œil d’univers social

Il y a un an et demi, Erin O’Toole suggérait, dans une vidéo devenue virale, que le bureau de Justin Trudeau soit déménagé dans une toilette chimique installée près du parlement.

Voir la vidéo

Où se trouve le bureau de monsieur O’Toole, depuis mercredi soir ?


Dans le cours de musique

Suivant Neil Young et Joni Mitchell, Gilles Vigneault a lui aussi demandé à la plateforme Spotify de cesser de diffuser sa musique. Les trois artistes réagissent ainsi afin de protester devant la diffusion du balado de Joe Rogan, qui propage à grande échelle de la désinformation concernant les mesures sanitaires. Les demandes ont été déposées il y a plusieurs jours, déjà. Au moment où j’écris ces lignes, leurs titres demeurent disponibles pour écoute sur Spotify. Est-ce une partie de bras de fer qui s’annonce ?


Clin d’œil de mathématiques

À propos de Joe Rogan, il a mentionné en ondes, la semaine dernière, que plus de 50 000 camions convergeaient vers Ottawa. Selon les chiffres de la police de la capitale canadienne, il faudrait diviser ce nombre par 25.


Clin d’œil d’éthique et culture religieuse

La cause des camionneurs mérite d’être entendue. Qu’on soit d’accord ou non, la parité qu’ils demandent avec le personnel de la santé, en ce qui concerne la non-obligation vaccinale, se justifie aisément. Les dérapages et les changements de revendications, d’ailleurs dénoncés par les instigateurs de la manifestation, viennent plutôt de groupes de droite qui ont infiltré le convoi. Ces derniers, en outre, ont profané la Tombe du Soldat inconnu (vidéo), la statue de Terry Fox (article) et ont intimidé les bénévoles d’une soupe populaire d’Ottawa, jusqu’à obtenir des repas gratuits qui n’ont ainsi pas pu être distribués aux gens démunis à qui ils étaient destinés.

Si vous désirez aider financièrement l’organisme qui gère la soupe populaire, vous pouvez le faire en suivant ce lien.


Clin d’œil de français

Les camions klaxonnent toute la journée, à Ottawa. Aux dires du député Alexis Brunelle-Duceppe, ils dérangent les travailleurs de nuit.

#LeProfCorrige

Ici, on aurait dû lire travailleurs de nuit, avec nuit au singulier, plutôt que travailleurs de nuits. Il faut sous-entendre les travailleurs de la nuit.

De plus, l’Office québécois de la langue française réclame qu’on inscrive 7 h 08 (7 h 8 est également accepté par certaines références), avec un espace avant et après le h mis pour heures, et non 7:08.


Autre clin d’œil d’univers social

N’en déplaise aux anti-monarchistes, une reine règne sur le Canada, partie de son empire, et c’est Élisabeth II. Mais voilà qu’une autre « reine du Canada », celle-là autoproclamée, commence à occuper l’espace public. Une illuminée ? Peut-être. N’empêche que Romana Didulo, une conspirationniste liée à QAnon, bénéficiait de l’écoute de plus de 70 000 adeptes sur ses réseaux sociaux, en novembre dernier. Elle les avait alors sommés de tuer toute personne ayant vacciné des enfants. La GRC l’avait par la suite interpellée.

Jeudi après-midi, elle s’est présentée, entourée de gardes du corps, à la manifestation des camionneurs, à Ottawa. Encouragée par une foule nombreuse, elle y a brûlé un drapeau canadien. J’ai hâte de voir à laquelle des deux reines l’armée canadienne obéira si jamais elle était appelée en renfort dans ce conflit. J’ai ma petite idée, mais bon.

Voir la « reine Romana » arrivant sur les lieux de la manifestation

La « reine Romana » s’adressant aux manifestants


Dans le cours de musique, deuxième période

Nous restons dans les accents du Sud, cette semaine, même si la pièce se veut typiquement montréalaise. Le quintette Clay and Friends se définit comme « des amis qui font de la musique qui fait du bien ». Il n’est donc pas étonnant que les producteurs de la téléréalité Occupation double aient requis les services d’un des membres du groupe, Mike Clay, pour leur composer Côte à côte, une référence au Coast to Coast canadien.

À peine avais-je démarré la chanson, que mon épouse se pointait dans mon bureau en dansant ! La voici donc (la chanson, pas mon épouse !) en #musiquebleue.

Mike Clay – Côte à côte – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Je furetais dans une librairie, il y a une vingtaine d’années, quand j’ai découvert une nouveauté : Paul a un travail d’été, le deuxième tome de la série des Paul, du Montréalais Michel Rabagliati. Je suis rapidement devenu un inconditionnel. Plusieurs bandes dessinées et romans graphiques garnissent une étagère de ma bibliothèque, mais seulement deux collections y apparaissent en œuvres complètes, Tintin et Paul.

La semaine dernière, les éditions de La Pastèque ont annoncé que l’auteur Michel Rabagliati avait été fait chevalier de l’Ordre des arts et des lettres de France. Si cet honneur constitue un des nombreux fruits du travail du bédéiste québécois, c’est sur toute une population qu’en rejaillit la fierté.

Cette distinction vise « à récompenser les personnes qui se sont distinguées par leurs créations dans le domaine artistique ou littéraire ».


Billet du 28 janvier 2022 : Le monde et les temps changent

The Times They Are A-Changin’, chante Bob Dylan. Ce même Dylan qui, cette semaine, a annoncé la vente de tout son catalogue musical au géant Sony. Le montant de la transaction n’a pas été dévoilé, mais il comprend également les œuvres futures de l’artiste de 80 ans. Il semble que la cession des droits constitue la nouvelle façon de rentabiliser sa musique pour un compositeur, en cette ère où les plateformes d’écoute en continu ont pratiquement éliminé les enregistrements sur CD ou disque vinyle, rené de ses cendres.

Avant Dylan, plusieurs autres grands de la musique avaient fait de même. Parmi eux, le Canadien Neil Young, qui a également fait les manchettes, cette semaine. Membre de l’équipe Warner, Young a obtenu de la multinationale qu’elle retire toutes ses chansons de la plateforme Spotify. Artiste engagé, l’auteur de Harvest Moon ne supportait pas que l’entreprise suédoise diffuse le balado de Joe Rogan, reconnu pour ses positions controversées contre la vaccination, ainsi que la désinformation qu’il véhicule à travers ses émissions.

La décision du tandem Young-Warner fait mal à Spotify, qui se trouve prise entre marteau et enclume, le balado de Rogan trônant au sommet des écoutes. D’un autre côté, toutes les œuvres de l’auteur-compositeur-interprète, incluant son dernier album, sorti il y a à peine un mois, continueront d’être disponibles sur les plateformes concurrentes. Est-ce à dire que les artistes semblent en voie de regagner le rapport de force qu’ils ont perdu avec l’avènement de l’écoute en continu ? Je n’irais pas jusque là, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Mais une brèche est maintenant ouverte et il fait bon de constater que les colonnes du temple peuvent être ébranlées.

Décidément, le monde et les temps changent.


Dans le cours de français

Pour désigner le féminin d’auteur, doit-on utiliser auteure ou autrice ?

En 2019, la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française (OQLF) publiait un article pertinent sur le sujet. D’entrée de jeu, je mentionne que les deux formes du féminin, auteure et autrice, sont acceptées. L’OQLF recommande d’utiliser celle privilégiée par la personne intéressée, lorsqu’il faut s’adresser à elle ou la nommer.

Un élément de l’article a suscité mon intérêt. Malgré le fait que la majorité des mots en _teur forment leur féminin en _trice, j’avais toujours pensé qu’auteure faisait partie des exceptions et que l’utilisation d’autrice était relativement nouvelle. J’étais dans l’erreur. En fait, la forme autrice était tellement ancienne qu’elle a fini par se perdre dans l’usage, la France préférant voir auteur désigner autant une femme qu’un homme. Ce n’est que dans les années 1970 et 1980 que l’OQLF a suggéré la forme féminisée auteure, qui s’est ensuite frayé un chemin dans toute la francophonie. Depuis une dizaine d’années, l’utilisation du mot autrice a connu un regain de popularité, sans jamais avoir disparu des ouvrages de référence.

Personnellement, je préfère la consonance du mot auteure. Toutefois, suivant la recommandation de l’OQLF, je n’hésite pas à utiliser autrice (je l’ai même déjà fait dans un de mes billets !) pour en désigner une en particulier qui veut être appelée comme telle.

Lire l’article de l’OQLF sur le sujet


Dans le cours de sciences et technologie

Quelqu’un doute-t-il encore du réchauffement de la planète et des changements climatiques ? Malheureusement, oui. Et les froids tels que ceux que nous avons connus cette semaine ont l’heur de conforter ces personnes dans leurs pensées.

Cependant, alors que le Québec gelait et que le froid empêchait mes élèves de vivre leurs récréations à l’extérieur, alors que la Grèce et la Turquie se confinaient en raison d’une improbable tempête de neige dans cette région du globe, les pays de l’hémisphère Sud cuisaient sous une chaleur torride.

Durant plusieurs jours, cette semaine, le mercure a oscillé entre 40 °C et 51 °C dans différentes régions de l’Australie. Même situation en Amérique du Sud, des records de chaleur ayant été battus en Argentine, au Brésil, en Uruguay et au Paraguay.

Officiellement, le point de non-retour n’est pas atteint. La grande question : accepterions-nous, en tant qu’êtres humains, des changements importants à notre mode de vie de façon à contrer la hausse des températures ? Après 22 mois de mesures sanitaires, la lassitude et la résignation nous guident vers une acceptation de la cohabitation avec le coronavirus. Je suis donc d’avis qu’en ce qui concerne l’environnement, nous chercherons plutôt à nous adapter aux conséquences des bouleversements.

En fin de compte, la série Le Dôme s’avérera peut-être un utile mode d’emploi !


Dans le cours de musique

Cette fois-ci est la bonne ! Dans mon billet de la semaine dernière, j’indiquais que le décès de Karim Ouellet me forçait à reporter, pour la troisième fois en quelques mois, la chanson que j’avais prévue pour cette rubrique #musiquebleue hebdomadaire. Voici donc, enfin, À deux c’est bien, à deux c’est triste, que je souhaite depuis longtemps faire rayonner sur cette page.

Si mon intérêt pour une chanson se portait sur son rythme et sa mélodie dans mon plus jeune temps, ses paroles arrivent en tête de liste aujourd’hui. L’auteure de cette pièce y présente sans contredit, comme dans ses autres œuvres, ses talents de poétesse. Âgée de 34 ans, on l’appelle Bagaï quand elle s’illustre sur scène. Dans son bureau de l’Université Laval, où elle effectue des recherches en nutrition, c’est plutôt Anne-Sophie Bourlaud. En 2020, lors du Festival international de la chanson de Granby (FICG), elle a obtenu le prix Coup de plume de la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ).

Elle a lancé un premier opus, À l’endroit où dorment les hyènes, en octobre dernier. Sorti six mois auparavant, À deux c’est bien, à deux c’est triste a été réalisé avec la collaboration de Charles St-Amour, alias Sintamour. Bossa-nova mélancolique et cuivrée, aux accents francophones, le résultat se montre très accrocheur.

Bagaï et Saintamour – À deux c’est bien, à deux c’est triste – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Loin de moi l’intention de publiciser quelle qu’entreprise que ce soit, mais j’aimerais saluer l’initiative de la boulangerie-pâtisserie La Petite Bretonne, qui a lancé la gamme de produits Bloopers, contribuant ainsi à la réduction du gaspillage alimentaire.

Exportant dans plusieurs pays, l’entreprise québécoise récupérera les aliments endommagés ou déformés de sa chaîne de production et les emballera avec l’appellation « Produit moche », d’où l’origine du nom Bloopers. Ils seront ensuite distribués et vendus dans des magasins économiques.

Mon souhait est de voir une multitude de marques alimentaires suivre l’exemple de La Petite Bretonne et ainsi valoriser leurs produits moins appétissants, mais tout aussi délicieux. À réduire le gaspillage, tout le monde y trouve son compte.