Billet du 18 mars 2022 : De Popeye à Dirty Plotte

Il sera question de bandes dessinées au début et à la fin de ce billet hebdomadaire. Si la seconde est bien québécoise et plutôt contemporaine, la première est directement tirée du répertoire américain. Le personnage de Popeye, créé en 1929 par Elzie Crisler Segar, est inspiré par Frank Fiegel, un célibataire natif de Chester, Illinois, tout comme Segar.

Bagarreur et fumant la pipe de maïs, Fiegel amusait l’enfant qu’était Segar. C’est pourquoi il s’en est inspiré pour créer ce qui fut d’abord un personnage secondaire de sa bande dessinée The Thimble Theatre, avant de devenir la vedette de ses propres aventures. Généreux et reconnaissant, E.C. Segar a partagé avec Fiegel une partie de la fortune que lui ont rapportée la bande dessinée Popeye et ses produits dérivés.

Illustration réalisée à partir d’une photo floue de Frank Fiegel. (Source : Baskerville Productions)

Lire Sur les traces du vrai Popeye, magazine Sphères, 23 mars 2020.


L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est en voie de rejeter la demande de recommandation du vaccin québécois Medicago, contre la COVID-19. C’est Guillaume Lemay-Thivierge qui sera déçu. Mais beaucoup d’autres à travers le monde aussi.

La raison ? Un des actionnaires de Medicago, dont les produits sont tous à base d’herbes, est le cigarettier Philip Morris. Depuis longtemps, l’OMS rejette toute collaboration et toute entente avec des acteurs de l’industrie du tabac. Les règles du jeu étaient claires et Medicago a décidé de s’essayer quand même.

J’ose croire qu’aucun des actionnaires de Johnson & Johnson, Pfizer ou Moderna n’œuvre dans une industrie dont les produits s’avèrent néfastes pour la santé des humains. Sinon, ce serait un tantinet hypocrite.


Dans le cours de français

Un Chromebook est un ordinateur portable fonctionnant sans système d’exploitation. Il constitue un terminal internet offrant plusieurs possibilités à partir d’applications, plutôt que de logiciels.

Dans l’exercice de mes fonctions, je dois régulièrement écrire Chromebook au pluriel. Comme il s’agit d’un nom propre, j’avais d’abord tendance à lui garder son C majuscule et à le laisser invariable, mais quelque chose me dérangeait chaque fois. D’autres marques, comme Frigidaire et Mobylette, sont devenues tellement courantes dans l’usage qu’on en a fait des noms communs. On peut ainsi oublier la majuscule et les accorder en nombre.

Du côté de mes collègues, qui attachent la même importance que moi à la qualité de la langue française, les avis sont partagés. Certains accordent, d’autres non. Je me suis donc décidé à demander l’avis de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Voici un extrait de la réponse que j’ai reçue :

Chromebook étant une marque de commerce, il faut considérer le mot comme un nom propre réservé dont l’usage est destiné à une utilisation précise dans un contexte commercial. Ces noms s’écrivent en romain et prennent généralement une majuscule initiale marquant leur caractère propre. Puisqu’il s’agit d’un nom propre, Chromebook ne prendra pas la marque du pluriel. En contexte, nous vous suggérons d’écrire, par exemple : «n’oubliez pas de vous présenter en classe demain avec vos Chromebook» ou «je vous invite à ouvrir vos portables Chromebook».

OQLF, le 16 mars 2022.

C’est maintenant clair, on n’accorde pas !


Dans le cours d’économie

Il n’y a pas de cours d’économie à l’école primaire, mais bon.

Voulez-vous un bel exemple d’investissement à long terme qui, 15 ans plus tard, rapporte encore d’importants dividendes ?

En février 2007, le Canadien de Montréal échangeait son défenseur Craig Rivet aux Sharks de San Jose, en retour de Josh Gorges et d’un choix de première ronde au repêchage. Ce choix allait permettre au tricolore de mettre la main sur son futur capitaine, Max Pacioretty.

Onze ans plus tard, en 2018, Pacioretty a pris le chemin de Las Vegas, moyennant Tomas Tatar, qui a rendu de fiers services au CH, et Nick Suzuki. Ce dernier représente le futur de l’équipe, celui qui en sera la grande vedette, probablement le capitaine. Il est sous contrat jusqu’en 2030 avec le Canadien. S’il se rend jusqu’à terme, l’échange de Craig Rivet, réalisé par Bob Gainey, aura échelonné ses retombées sur 23 ans. Rien de moins.


Dans le cours d’univers social, section histoire

En 1991, l’Ukraine a voté à 90 % son retrait de l’URSS. D’aucuns prétendent que Vladimir Poutine est actuellement en train de lui faire payer l’éclatement de l’URSS.

Pourtant, le grand responsable de l’éclatement de l’URSS est Mikhaïl Gorbachev, aujourd’hui âgé de 91 ans. À voir le président russe bombarder sans scrupule les civils ukrainiens, incluant de nombreux enfants, je me demande ce qu’il pense de la situation.


Dans le cours d’art dramatique

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, s’est adressé au Parlement canadien et au Congrès américain, cette semaine.

Aux Canadiens, il a dit et répété : «Imaginez si…».

Aux Américains, il a montré des images.

Dans les deux cas, il a touché les cœurs. Il a démontré à quel point il est un excellent communicateur.


Dans le cours de musique

J’ai appris que le groupe montréalais Men Without Hats avait lancé un nouvel album, le 11 mars. Celui-ci a pour titre Again, part 2. Le nom m’a ainsi incité à fouiller sa discographie afin de dénicher le « part 1 » qui m’avait complètement échappé. Ce dernier est en fait un EP paru en 2021, alors que la sortie de la semaine dernière constitue la première compilation de nouveautés en plus de dix ans pour le groupe.

À travers la pièce If the World Should End Today, que je vous suggère en #musiquebleue dans ce billet hebdomadaire, le son new wave que Men Without Hats nous avait offert dans ses succès des années 1980 nous revient immédiatement en tête. C’est un retour dans le passé, celui de mon adolescence, avec du matériel entièrement nouveau.

Men Without Hats – If the World Should End Today – Again, part 2 – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

On appelle fanzine une publication créée par des passionnés, pour des passionnés. Parmi les plus populaires, il y a les bandes dessinées. Et dans le lot, se trouve la série Dirty Plotte, de l’auteure québécoise Julie Doucet, publiée entre 1991 et 1998 par Drawn & Quarterly. C’est pour l’ensemble de cette œuvre que madame Doucet, le 16 mars, a remporté le Grand Prix du Festival de la BD d’Angoulême, en France.

Ce festival est à la bande dessinée ce que le prix Goncourt est au reste de la littérature. Établi depuis 1974, c’est la première fois qu’il remet sa plus haute distinction à une personne originaire du Québec, et la troisième fois qu’il sacre une femme. Michel Rabagliati a déjà été récompensé deux fois lors de cet événement annuel, mais dans d’autres catégories que le Grand Prix.

En entrevue à France Culture, Julie Doucet a dû expliquer au journaliste Tewfik Hakem la signification du nom de sa série. Ceci a donné lieu à un moment de radio des plus amusants !

Lire le reportage et entendre l’entrevue de Julie Doucet sur France Culture.


Billet du 18 février 2022 : Logan, Kamila et les intérêts supérieurs

Je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle entre la jeune patineuse Kamila Valieva et le plus récent choix de première ronde du Canadien de Montréal, Logan Mailloux. Dans les deux cas, de hauts responsables ont rendu des décisions susceptibles de compromettre la suite de leur carrière.

Kamila a 15 ans et a échoué un test antidopage avant les Jeux olympiques. Logan avait 17 ans lorsqu’il a été dénoncé pour distribution de photos de nature sexuelle, sans le consentement de la personne concernée. C’est en raison de son jeune âge qu’on a permis à Kamila de demeurer aux Jeux, malgré le fait que l’enquête se poursuive. Logan avait personnellement communiqué avec les équipes de la LNH pour leur demander de ne pas le repêcher en 2021, le temps qu’il gère sa réhabilitation.

Avec pour résultat que Kamila, bien placée pour obtenir une médaille d’or, a croulé sous la pression et a complètement raté sa sortie en patinage artistique. Devant le monde entier, elle s’est montrée inconsolable. Si on l’avait disqualifiée, rien de tout cela ne se serait produit. La tache à son dossier se serait effacée plus vite que son humiliation.

Quant à Logan, le Canadien n’a pas respecté sa demande et l’a repêché. Jusque là, à peu près personne n’avait eu vent de ses agissements hors glace. À partir de là, tout le monde l’a appris et sa ligue lui a imposé des sanctions supplémentaires.

Ces deux athlètes sont jeunes et bourrés de talent. Parce que des adultes ont pris de mauvaises décisions, ils ont été plongés dans l’embarras et ne s’en sortiront peut-être pas. J’espère qu’on saura en tirer des leçons. L’avenir des jeunes doit toujours passer avant les intérêts pécuniaires.


Dans le cours de français

Qui donc possède un accent, les Français ou les Québécois ?

Dans une capsule diffusée par France Culture, l’historien Gérard Noiriel indique, à juste titre, qu’il est ethnocentrique que d’affirmer que telle ou telle population s’exprime avec un accent. Tous les parlers possèdent leurs déclinaisons et les élocutions diffèrent même d’une région à l’autre. On en compte quelques dizaines sur le seul territoire québécois.

Noiriel rappelle également ce que tous les linguistes savent, c’est-à-dire que le français parlé au Québec ressemble beaucoup à celui qui s’exprimait à Paris jusqu’au 17e siècle. En ce sens, et il l’affirme, ce sont plutôt les Français qui ont fini par prendre un accent.

Écouter la capsule de Gérard Noiriel sur France Culture


Dans le cours de français, deuxième période

Au-delà de l’accent, il y a la qualité de la langue. L’Office québécois de la langue française a longtemps et souvent été critiqué pour ses excès de zèle, mais force est d’admettre que plusieurs anglicismes, au cours des dernières décennies, ont grâce à lui été remplacés dans l’usage par les bonnes expressions françaises. C’est tout le contraire qui se produit de l’autre côté de l’Atlantique, alors que l’anglais est en train de ravager tout l’espace publicitaire de l’Hexagone.

Il était temps que l’Académie française rappelle tout le monde à l’ordre, cette semaine. Dans un rapport de 31 pages, à l’intérieur duquel elle dénonce les lignes publicitaires truffées d’anglicismes d’un grand nombre d’entreprises et d’organismes du pays, elle exhorte également les responsables à «tenir compte de la réalité sociale», dans le cadre d’une communication «claire et efficace».

Elle se montre sévère envers les entreprises de communication et les diffuseurs : « La communication actuelle est caractérisée par une dégradation qu’il est essentiel de ne pas considérer comme une fatalité. Il est de la responsabilité mais aussi de l’intérêt de ceux qui disposent des canaux d’information et de diffusion de veiller à redonner à la communication institutionnelle la qualité et l’efficacité que l’ensemble des publics est en droit d’attendre. Ils disposent des moyens de renverser la tendance actuelle. »

Je m’en réjouis.

Lire le rapport de la commission d’étude sur la communication institutionnelle en langue française, de l’Académie française


Dans le cours de musique

J’avais hâte d’entendre du nouveau matériel de Benoit Pinette, alias Tire le coyote. C’est le 11 février dernier que son plus récent album, Au premier tour de l’évidence, a vu le jour. J’ai pu l’écouter en entier et je n’en pense que du bien !

Si le falsetto de l’auteur-compositeur-interprète peut déranger l’ouïe de certaines personnes, sa poésie et ses mélodies s’intègrent parfaitement à mes goûts musicaux. Voici donc, en musique bleue, la pièce titre de l’album.

Tire le coyote – Au premier tour de l’évidence – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Il est des choses que l’on souhaite au plus profond de notre être. Quand une série de résultats surpasse l’ensemble de ces attentes, la plénitude qui s’ensuit apporte son lot de joie et de moments de bonheur. Un fil conducteur relie ce genre d’éléments, cette semaine. Il a pour nom Charles Hamelin.

Il vient de clore sa cinquième et dernière participation à des Jeux olympiques d’hiver. Il l’a fait de brillante façon en remportant une sixième médaille, une quatrième en or. Déjà, c’est une gloire personnelle et une fierté collective qui rejaillissent sur l’ensemble d’un pays. Si on ajoute une touche technologique du diffuseur télévisuel, l’exaltation comble tant l’athlète et sa famille que les témoins de la scène.

Créant l’illusion que les trois se trouvaient dans la même pièce, Radio-Canada a virtuellement réuni Hamelin, à Pékin, avec sa conjointe Geneviève Tardif et leur fille, à Montréal. Ceci a donné lieu à un moment de télé des plus touchants.