Billet du 31 mars 2023 : La chèvre et le chou

Je commencerai avec le chou. Pas le légume, mais la façon d’exprimer sa désapprobation. Le contraire d’applaudir, en fait.

Gilles Proulx a-t-il vraiment tenu en ondes des propos haineux à l’égard de la députation de Québec solidaire ? Le principal intéressé s’en défend, arguant que ses paroles de la semaine dernière étaient plutôt dirigées vers le peuple québécois, envers qui il s’était emporté.1

Comment une école aurait-elle réagi si un élève avait affirmé qu’un groupe méritait d’être abattu, comme Gilles Proulx l’a fait ? Chose certaine, un comité multidisciplinaire se serait penché sur l’événement et des suites auraient été données pour éviter que cela ne se reproduise et que la situation ne dégénère.

Il est difficile pour le citoyen de se prononcer sur les paroles de Proulx, puisque l’extrait sonore, d’abord diffusé sur le site de QUB radio, en a été retiré quelques heures plus tard. Je ne l’ai personnellement pas entendu. Parmi celles et ceux qui ont eu ce privilège, beaucoup ont condamné les propos du chroniqueur.

Mais Gilles Proulx n’est pas le seul qui mérite d’être conspué. Gabriel Nadeau-Dubois, au nom de Québec solidaire, a saisi l’Assemblée nationale d’une motion visant à condamner les propos diffusés. C’est là son droit le plus strict et cette motion a d’ailleurs obtenu l’aval d’une quasi-unanimité de députés. Toutefois, si on considérait à QS que la situation était si grave, pourquoi n’a-t-on pas déposé une plainte au criminel, plutôt que de s’en tenir à la politique ?

Finalement, le Parti québécois a également erré. Deux fois plutôt qu’une, dans son cas. Il l’a d’abord fait en bloquant la motion de Québec solidaire, sous prétexte que l’Assemblée nationale n’est pas un tribunal. C’est pourtant le même groupe parlementaire (et j’ajouterais le même député, Pascal Bérubé) qui y avait déposé une motion très similaire contre le professeur Amir Attaran, il y a à peine deux ans. Et il y a deux mois, les trois députés péquistes ont voté, au Salon bleu, pour la démission d’Amira Elghawaby. Deux poids, deux mesures ?

Ensuite, le chef Paul St-Pierre Plamondon a proposé à au moins deux reprises à Québec solidaire, en guise d’alternative, de rédiger une plainte au Conseil de presse du Québec à l’endroit de Gilles Proulx et de QUB radio. J’ai peine à imaginer que le chef du PQ ignorait que Québecor avait désassujetti tous ses médias, dont QUB, de l’autorité du Conseil de presse. D’un autre côté, je n’ose pas croire qu’il le savait et l’a tout de même proposé.

Voilà pour le chou, qui se veut long et partagé.

1GND doit faire amende honorable. Le Journal de Montréal. Le 30 mars 2023.


Dans le cours de français

Maintenant, la chèvre.

Le développement de l’intelligence artificielle s’avère bénéfique sous plusieurs aspects. Toutefois, il apporte son lot d’irritants, notamment en matière de traduction. Il devient tentant pour les entreprises d’investir quelques dollars dans une application, plutôt que dans les honoraires plus élevés d’un professionnel. Souvent avec des résultats embarrassants pour les uns, frustrants pour les autres.

Le plus récent exemple en lice est celui des vêtements Columbia, dont le nouveau slogan est affiché en grandes bannières sur les murs extérieurs du magasin La Baie de la rue Sainte-Catherine, à Montréal.

#LeProfCorrige

Ici, je souligne à grands traits rouges que Soyez la chèvre constitue une mauvaise traduction de Be The Goat, dont le but vise à promouvoir des souliers de randonnée en montagne. Cependant, je laisserai aux professionnels des communications et de la mise en marché le soin d’indiquer ce qu’on aurait plutôt dû lire.

Il faut par contre préciser que le mot goat, ici, fait véritablement référence à l’animal, et non à l’expression Greatest Of All Time, comme plusieurs ont prétendu.


Dans le cours de musique

Les gars du Nord sont Acadiens, mais c’est au Québec qu’ils enregistrent et se produisent en majeure partie. Personnellement, je les connaissais grâce à leur album de Noël, sorti en 2016. La semaine dernière, ils ont lancé leur troisième et plus récent recueil musical, Les Fils du Père. Fidèles à ce qu’ils sont, on y trouve beaucoup de country, mais aussi de la musique traditionnelle et, à mon grand plaisir, quelques notes celtiques. C’est d’ailleurs dans ces dernières que je suis allé puiser la #musiquebleue de cette semaine. Elle a pour titre Les fils du roi.

Les gars du Nord – Les fils du roi – Les Fils du Père – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Compétition depuis longtemps très populaire aux États-Unis, le March Madness gagne graduellement ses lettres de noblesse au Canada, notamment au Québec. La percée de plusieurs joueurs et joueuses d’ici dans les rangs professionnels du basketball y est assurément pour quelque chose.

Pas moins de sept Québécois, tous âgés de moins de 20 ans, ont cette année participé à la grand-messe printanière du basketball universitaire. Parmi eux, une fratrie originaire de Rosemère.

Si le parcours de Maxence-Olivier Prosper s’est somme toute terminé rapidement, son équipe ayant subi l’élimination dès le second match, celui de sa sœur Cassandre s’est avéré plus long, la formation de l’Université Notre Dame étant passé à une victoire d’atteindre le carré d’as. Les deux sont considérés comme des espoirs olympiques.


Billet du 19 mars 2021 : Les couleurs du temps

Dure semaine pour l’acceptation et la tolérance. Il me semble que c’est à tous les jours que les médias ont fait état d’un événement à connotation raciste au Québec ou envers des Québécois. J’en ai retenu quatre, que je commenterai brièvement ici.

Jocelyne Ottawa

D’abord, le cas de Jocelyne Ottawa, cette membre de la communauté atikamekw humiliée par deux infirmières au CLSC de Joliette, six mois après que Joyce Echaquan, une autre membre de cette communauté, soit décédée dans un établissement de santé situé à quelques pas de là, sous les injures et les insultes d’une infirmière et d’une préposée aux bénéficiaires. Le cas de Joyce Echaquan avait coûté leur emploi à quatre employés du CISSS Lanaudière, dont son directeur général. On attribue à Confucius une citation très pertinente : « L’homme sage apprend de ses erreurs; l’homme plus sage apprend des erreurs des autres ». Quels sont les antonymes de sage ? Mon site favori des synonymes et antonymes en a répertorié 39. Parmi ces antonymes, notons crétin, hurluberlu, idiot et imbécile. Après les 5e et 6e congédiements en six mois au CISSS Lanaudière, j’ose croire que celles et ceux qui restent ont maintenant acquis une grande sagesse.

Amir Attaran

L’histoire de Jocelyne Ottawa n’a pas manqué d’alimenter les propos belliqueux du professeur Amir Attaran, un Californien d’origine ayant immigré au Canada afin d’enseigner à l’Université d’Ottawa. Au cours de la semaine, il s’en est pris sur Twitter à François Legault, au Parti québécois, aux politiques québécoises et, moins directement, à toute la société québécoise. Décidément, après l’histoire de Verushka Lieutenant-Duval, l’automne dernier, l’Université d’Ottawa attire encore des projecteurs dont elle se serait bien passé. Doit-elle congédier Amir Attaran pour autant ? La réponse est non. Si je tenais des propos similaires aux siens dans ma classe, mon employeur m’indiquerait sans doute la porte, avec raison. Mais si je les tenais dans mes billets hebdomadaires ou sur mes comptes Twitter, Facebook ou Instagram, il ne pourrait rien faire, à moins de démontrer hors de tout doute que je l’ai fait sur mon temps de travail. En passant, un coup d’oeil sur le compte Twitter d’Amir Attaran permet de constater qu’il ne s’en prend pas qu’au Québec. Il insulte tous ceux qui ne pensent pas comme lui, peu importe leur origine. Il y a fort à parier qu’il ira un jour trop loin et qu’on signalera ses publications. Si Twitter a suspendu indéfiniment le compte d’un président américain, un professeur d’université pourrait sans doute subir le même sort.

L’Hôpital de Saint-Eustache

Il est inconcevable d’imaginer qu’un employeur puisse tenter de recruter une femme à la peau blanche pour combler un poste normalement ouvert aux gens de tous les genres et de toutes les origines ethniques. C’est pourtant ce qu’a fait l’Hôpital de Saint-Eustache, dix fois plutôt qu’une. On prétend qu’un « patient difficile » exige un profil précis de préposée aux bénéficiaires pour recevoir ses soins. Il est vrai que dans certains cas, notamment pour des raisons religieuses, on accepte des accommodements raisonnables. De choisir parmi le personnel en poste qui s’occupera de tel patient peut constituer un accommodement raisonnable, avec ses bénéfices tant pour le patient que pour les employés. De prévoir un échange de bons procédés avec une entité voisine peut demeurer dans les limites de l’acceptable. Mais de partir en recrutement avec des exigences spécifiques quant au genre et à la couleur de peau dépasse tous les cadres légaux du Québec et du Canada. Le CISSS Laurentides ne pouvait pas l’ignorer.

MDC Canada

MDC Canada est une entreprise privée oeuvrant dans le domaine de l’immigration, c’est-à-dire qu’elle offre ses services de consultation pour faciliter les démarches de toute personne étrangère désirant immigrer au Canada. Hier matin, voici la publicité qu’elle diffusait sur sa page Facebook :

Donc, selon MDC Canada, ce sont là les principaux bienfaits et inconvénients de vivre au Canada. Alors qu’on fait l’éloge d’une société multiculturelle dans la colonne des bons côtés, on déplore le grand nombre de francophones dans la colonne de droite. La lettre d’excuses du président fondateur de l’entreprise, qui prétend être lui-même un francophone originaire de Montréal, explique que le mandat de publicité avait été confié à un tiers et que le rédacteur en chef n’avait pas pu l’approuver avant la diffusion, en raison de problèmes de santé. Bon. Si cette histoire est inventée, nous faisons face à un mépris hors de l’ordinaire non seulement envers les Québécoises et les Québécois, mais envers tous les francophones du Canada. Si elle est vraie, elle démontre une carence organisationnelle évidente dans l’entreprise et il serait légitime de douter de sa crédibilité. Il demeure quand même plaisant de constater que MDC considère la poutine comme faisant partie des bons côtés du Canada. Reste à voir comment elle présentera les francophones, à partir de maintenant. Comme disait Confucius, « L’homme sage apprend de ses erreurs ».


Dans le cours de français

La direction de Twitter a fait subir un sociomuselage à Donald Trump. Le mot sociomuselage est maintenant accepté par l’Office québécois de la langue française. Il signifie Action concertée visant à empêcher l’expression d’idées jugées contraires à la morale.

Ce que je trouve formidable, c’est que ce mot a été suggéré par des élèves de l’École internationale de Montréal, dans le cadre du concours de créativité lexicale. Outre sociomuselage, les mots clicophobie et montage postfestif font également leur entrée dans Le grand dictionnaire terminologique.

Clicophobie, proposé par les élèves de la Polyvalente Armand-Corbeil, à Terrebonne, désigne la crainte de cliquer sur un hyperlien. Montage postfestif, suggéré par les élèves du Collège Sainte-Anne, à Lachine, définit une Vidéo promotionnelle constituée de séquences filmées lors d’une manifestation commerciale, culturelle ou sportive.


Dans le cours de musique

Le sacre d’Eli Rose comme révélation de l’année au dernier Gala de l’ADISQ était un peu passé inaperçu en raison de la pandémie, même si Alexandra Stréliski, Elisapie et elle avaient été les trois seules femmes à recevoir un Félix, ce soir-là. Si elle ne revendique qu’un seul album solo, un éponyme sorti en 2019 et sur lequel on retrouvait son grand succès Carrousel, Eli Rose a tout de même lancé quelques simples, depuis. Alors que je me proposais de vous faire entendre Alibi, une chanson sortie en décembre en deux versions, française et anglaise, j’ai eu la surprise de voir apparaître, hier, une collaboration entre elle et le rappeur français Kemmler, intitulée Loin de toi. Le résultat est intéressant. Le voici en #musiquebleue.

Loin de toi – Eli Rose et Kemmler – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Une entreprise québécoise, Lion Électrique, basée à Saint-Jérôme, s’est vue octroyer un prêt totalisant 100 millions $ par les gouvernements fédéral et provincial, pour la construction d’une usine d’assemblage de batteries. Lion Électrique, spécialisée dans la construction d’autobus scolaires et de camions lourds électriques, produira ainsi elle-même les blocs d’énergie nécessaires au fonctionnement de ses véhicules, alors qu’elle doit actuellement les importer de l’étranger. La mise en marche de cette usine créera 150 emplois à court terme, alors qu’autant seront créés à plus long terme, quand l’usine de batteries commencera à alimenter directement celle d’autobus et de camions.

Les bonne nouvelles s’empilent pour la compagnie québécoise, elle qui, en janvier, inscrivait dans son carnet une commande de 2 500 camions électriques pour le géant américain Amazon. Elle devrait prochainement effectuer son entrée en bourse.


Image en titre du billet : Shutterstock