Cette semaine, un article du Réseau d’information pour la réussite éducative (RIRE) a capté toute mon attention : « La pédagogie queer comme solution à l’intolérance » 1. Bien que le mot queer réfère d’abord aux questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre, l’approche décrite ici va bien au-delà. Elle invite le personnel enseignant à remettre en question les normes implicites qui structurent l’école et la société. Il ne s’agit pas seulement d’inclure les élèves issus de la diversité sexuelle, mais de revoir nos façons d’aborder toute forme de différence, qu’elle soit culturelle, cognitive, linguistique ou autre. L’objectif n’est pas de nier qu’une majorité existe, mais de refuser que cette majorité soit vue comme la seule référence valable.
Un passage m’a particulièrement marqué : « Le rôle de l’enseignant ne s’y résume donc pas à enseigner l’ouverture et la tolérance face à la différence, mais plutôt à amener les élèves à contester les normes. » Cette phrase contient à elle seule une autre manière de concevoir l’éducation. Plutôt que de présenter certains élèves comme étant « différents » à tolérer, on invite à reconnaître que chaque élève est unique, avec sa propre trajectoire, ses repères, ses façons d’être. La pédagogie queer propose ainsi de déplacer le regard : au lieu de demander aux jeunes de s’ajuster aux attentes implicites du groupe dominant, on leur donne la permission, ainsi que les outils, pour interroger ce qui semble aller de soi.
C’est là, à mon sens, un formidable levier pour développer l’esprit critique des élèves. En les amenant à réfléchir aux normes plutôt qu’à simplement s’y conformer, on les aide à comprendre le monde avec plus de lucidité, mais aussi à y prendre leur place de façon plus libre et plus consciente. En tant que conseiller pédagogique, je vois dans cette approche un appel à élargir notre conception de l’inclusion : non pas un simple ajout, mais une transformation. Et si c’était justement ça, enseigner autrement.
1 CTREQ. La pédagogie queer comme solution à l’intolérance, RIRE, 15 mai 2025.
Diversion tactique
Attaqué par Elon Musk, Donald Trump s’est retourné et a frappé Los Angeles. En réaction aux critiques récentes du patron de X, notamment sur les politiques fédérales concernant les véhicules électriques, Trump a ordonné le déploiement d’environ 4 000 membres de la Garde nationale et 700 Marines à Los Angeles, en réponse à des manifestations déclenchées par une série de raids menés par l’ICE, l’agence fédérale chargée du contrôle de l’immigration (Immigration and Customs Enforcement). Plus de 400 personnes ont été arrêtées, et la mairesse Karen Bass, appuyée par le gouverneur Gavin Newsom, a dénoncé ce qu’elle qualifie de militarisation abusive. En somme, Los Angeles incarne tout ce que Trump s’emploie à combattre : une ville cosmopolite, farouchement démocrate, foyer d’initiatives progressistes et bastion de résistance à son autoritarisme. En la ciblant, il ne frappe pas seulement un territoire géographique : il attaque l’idée même d’une Amérique ouverte, plurielle et libre, celle qui lui échappe, électoralement comme symboliquement.
À ce stade, une question s’impose : quel genre d’individu s’en prend à autrui parce qu’un tiers l’a attaqué ? Les philosophes y verraient un déplacement, les psychanalystes un mécanisme de défense, et les stratèges une diversion tactique. Le commun des mortels y reconnaîtrait peut-être l’enfant qui, frustré, écrase le jouet d’un camarade au lieu de confronter celui qui l’a humilié. Ce n’est pas un hasard si Musk, dans cette scène, a joué la prudence calculée : il s’est contenté de relayer sur X un message de Trump et un autre de J.D. Vance, sans ajouter le moindre commentaire. Ni soutien explicite ni désaveu. D’un côté, Trump instrumentalise les tensions pour se poser en restaurateur de l’ordre ; de l’autre, Musk préserve ses alliances en laissant parler les autres à sa place. Ce n’est pas un rapprochement, c’est un jeu d’ombres : chacun utilisant l’autre comme levier, sans jamais tendre franchement la main.
Jeudi soir, la tension a pris une tournure encore plus symbolique, lorsque le sénateur Alex Padilla, voix californienne éminente, a été violemment expulsé d’une conférence de presse tenue à Los Angeles. Il avait tenté d’interpeller la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, sur la légalité et l’ampleur des rafles et du déploiement militaire. Il a été plaqué au sol, menotté, et écarté, ce que ses alliés à Washington dénoncent comme un passage à tabac politique, un signe supplémentaire de militarisation du débat public. Ce nouvel incident résonne douloureusement avec le mécanisme de déplacement analysé plus tôt : face à une critique gênante, ici un sénateur élu, l’exécutif répond par la force, en choisissant la facilité de l’arrestation politique plutôt que l’affrontement argumenté.
Quand le pouvoir frappe à côté de la cible, ce n’est jamais par hasard, c’est pour que tout le monde regarde ailleurs. Et tant que les projecteurs restent braqués sur le fracas, personne ne pose de questions sur ce qui se joue vraiment en coulisses.
Dans mes écouteurs
Félix Dyotte, né à Montréal, est un auteur-compositeur-interprète acclamé de la scène québécoise. Reconnu pour ses textes sensibles et sa voix feutrée, il s’est illustré avec plusieurs albums solo, en plus de collaborer avec des artistes tels que Pierre Lapointe et Jean Leloup. Patrick Krief, aussi montréalais, s’est d’abord fait connaître comme guitariste du groupe The Dears, avant d’embrasser une carrière solo marquée par des sonorités rock et psychédéliques. Ensemble, ces deux artistes aux univers complémentaires unissent leurs forces pour créer une œuvre singulière.
Sorti la semaine dernière, Scarabée est le résultat de cette rencontre musicale. L’album propose dix pièces où la pop francophone se teinte de guitares nerveuses et d’arrangements raffinés. La chanson BMW en est un bel exemple : portée par une énergie rock et des cordes élégantes, elle évoque à la fois la vitesse, la fuite et la fragilité humaine. Une proposition aussi accrocheuse que mélancolique, qui révèle toute la richesse de cette collaboration.
La bonne nouvelle de cette semaine
Le Paris Saint-Germain a remporté la Ligue des champions, et c’est toute son organisation qui en récoltera les fruits. Fidèle à une promesse faite en début d’année, le président du club, Nasser Al-Khelaïfi, a confirmé que la prime de victoire serait partagée avec les 700 salariés du club, toutes fonctions confondues. Du personnel d’entretien aux employés de bureau, en passant par les équipes de logistique et d’administration, chacun recevra une part de cette récompense collective. Un geste concret de reconnaissance, qui dépasse largement les mots et souligne l’importance de ceux qu’on ne voit pas sur le terrain, mais sans qui rien ne serait possible.
Dans un milieu souvent critiqué pour ses excès, ce choix détonne et fait du bien. En redistribuant une partie des millions liés à la victoire, le PSG rappelle qu’un club de soccer, ce n’est pas seulement onze joueurs, mais bien une communauté entière qui travaille dans l’ombre, au quotidien. Une belle manière d’honorer les coulisses d’un succès, et de donner un peu d’écho à l’idée que la performance est toujours le fruit d’un effort collectif. Voilà une bonne nouvelle qui mérite d’être soulignée.











