Billet du 19 janvier 2024 : Pour moi, ce sera non

Je dois demeurer conséquent avec mes propos tenus au cours des derniers mois et reproduis sur cette page dans mes deux billets précédents : la proposition gouvernementale ne sera pour moi acceptable que si elle permet d’arrêter les nombreux départs de membres du personnel scolaire et si elle ramène des étudiantes et des étudiants dans les facultés d’éducation de nos universités. J’ai réussi à mettre la main sur le texte de l’entente et j’ai pris soin de bien écouter les analystes qui l’ont commentée. À la lumière de ce que j’ai pu lire et entendre, le problème de relève et de rétention des effectifs demeurera entier, au mieux. Je voterai donc contre l’entente de principe. C’est aussi la recommandation de mon syndicat local.

Le point qui achoppe concerne la composition des classes. Il me faut admettre qu’un mécanisme complexe a été discuté et convenu entre les parties. Ce mécanisme prévoit des aides à la classe, dont le rôle se veut très limité, pour les classes contenant 50 % d’élèves à défis, qui auront préalablement été identifiés par un comité suivant des règles rigoureuses, dont on ignore pour l’instant la teneur précise. Ceci est conditionnel à la disponibilité du personnel. Dans le cas où ledit personnel ne serait pas disponible, une obscure compensation financière serait offerte à la personne titulaire de la classe. Relisez ce paragraphe.

La réalité ? Mon groupe d’élèves de cette année se classe parmi mes cinq plus difficiles en carrière. Je gère plus que j’enseigne. Je réussis à avancer, mais je suis complètement épuisé quand je termine mes journées et je suis fait fort. J’ai déjà de l’aide parce que mes collègues de niveau et moi avons pris le taureau par les cornes, l’an dernier, en instaurant une structure nous permettant de travailler les défis de notre future cohorte. Mais nous avons pu le faire, à même les budgets de l’école, parce que nous formons une équipe solide et que nous avons obtenu l’aval de notre direction et la collaboration de nos techniciennes en éducation spécialisée (T.E.S.). Les autres membres du personnel ont aussi participé en nous permettant d’obtenir un horaire adapté. Enlevez un seul de ces éléments, uniques à notre école, et plus rien ne tient. Et combien avons-nous d’élèves à défis ? En me basant sur mes propres critères, à défaut de connaître ceux qui viendront, je dirais entre 20 % et 25 %. On est loin des 50 % requis pour de l’aide officielle.

J’ai vécu une situation similaire il y a une vingtaine d’années, l’aide du personnel en moins, et j’avais réglé mon problème en m’affectant dans un autre milieu. Cette fois-ci, j’enseigne dans une des plus belles écoles de mon centre de services, située dans un des plus beaux milieux. Malgré cela, j’ai des collègues qui tombent au combat. Et une collègue du même niveau que moi qui, la semaine dernière, a carrément démissionné pour aller relever de nouveaux défis. Une excellente enseignante, très dévouée.

Ce que j’aurais aimé voir, ce qui m’aurait convaincu, c’est un plan d’action à long terme. Des engagements qui vont au-delà de la simple reconnaissance du problème et qui apportent des solutions dont les résultats se feront peut-être sentir plus tard, mais qui au moins donneront de l’espoir à celles et ceux qui finiront par en profiter. Il faut quatre années de baccalauréat et quatre stages non rémunérés pour obtenir un brevet d’enseignement. Pourrait-on remplacer la quatrième année par un stage d’une année complète, rémunéré, en milieu de travail ? L’expérience vaudrait tous les cours ainsi remplacés et on pourvoirait, par des personnes qualifiées ou en voie de l’être, bon nombre de postes jusqu’ici occupés par les « adultes » du ministre Drainville 1.

Pour permettre aux enseignants d’enseigner, il faut aussi considérer l’ajout de classes d’adaptation scolaire. L’intégration à tout prix a permis de sensibiliser les intervenants et la population à la réalité de plusieurs enfants injustement marginalisés jusque dans les années 1990, mais elle a créé l’éducation à trois vitesses et une dévalorisation importante de l’école publique. Entre deux extrêmes, il existe un juste milieu.

Il faut également valoriser le métier de T.E.S. et investir dans leur formation. Ce sont ces personnes qui apporteront la plus grande aide dans les classes. En collaboration avec l’enseignante ou l’enseignant, elles peuvent intervenir en classe ou à l’extérieur de celle-ci, avec un élève ou un petit groupe, tant pour des problèmes d’attitude que pour certaines situations didactiques. Elles soulagent les titulaires d’une multitude de tâches qu’on leur a octroyées à travers les décennies et qui n’ont pas grand-chose à voir avec ce pour quoi ils ont étudié.

Finalement, il faut investir dans les bâtiments et le matériel. Si les nouvelles écoles sont construites pour répondre aux réalités du 21e siècle, il en existe aussi qui ont été inaugurées dans les années 1960, 1970 ou 1980 et pour lesquelles les infrastructures ont été entretenues, mais peu ou pas modifiées. Et certains ajouteront que même au niveau de l’entretien, les responsabilités n’ont pas été assumées.

Alors voilà. Même si on nous propose une augmentation salariale substantielle, elle est sans intérêt si aucune mesure n’est prise pour améliorer les conditions de travail en éducation. Cet accord de principe ne mérite donc pas notre appui. Depuis les trente dernières années, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de marteler que l’éducation constituait leur priorité, mais, chaque fois, ils ont géré au jour le jour et n’ont jamais élaboré de plan à long terme. On a vu des bâtiments en décrépitude, un écart s’accentuer entre l’école publique et l’école privée, des départs massifs de membres du personnel et des facultés universitaires qui se vident. On panse les plaies, mais on ne se préoccupe pas de la guérison du malade.

Jusqu’à récemment, je me suis tenu loin des questions syndicales. Pour être franc, ça m’ennuyait. Le militantisme me rebutait. J’ai mené cette fois la bataille parce que la cause était juste. Je pense que nous avons convaincu la population de la gravité de la situation. Ce qu’il faut maintenant comprendre, c’est qu’elle deviendra critique si on se contente de ce qui nous est proposé.

Mercredi prochain, je voterai contre l’entente de principe.

1 Saint-Arnaud, Pierre. Bernard Drainville confiant qu’il y a un adulte dans chaque classe pour la rentrée. Le Devoir, Montréal, d’après la Presse canadienne. Le 29 août 2023.


Dans le cours de français

On m’a fait parvenir cette photo, prise dans la vitrine d’une boutique d’un centre commercial.

#LeProfCorrige

Un manteau, des manteaux.
Un mental, des mentaux.

Rien à ajouter.


Dans le cours de musique

Victoria Malenfant est née à Paris, mais vit à Montréal depuis son adolescence. Donnant parfois dans la chanson française et parfois dans le jazz, elle combine ici les deux pour nous offrir sa version personnelle de La Javanaise, de Serge Gainsbourg.

Victoria Malenfant – La Javanaise – Live Session at Sud-Ouest Studio – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Plusieurs journalistes et chroniqueurs de La Presse, dont Mayssa Ferah, Hugo Dumas, Isabelle Hachey, Rima Elkouri et Yves Boisvert, ont fourbi leurs premières armes en participant aux stages d’été qu’offre depuis toujours le quotidien montréalais. Chaque été, je me plais d’ailleurs à rechercher la mention stagiaire sous le nom de l’autrice ou de l’auteur des articles. Eh bien, La Presse embauchera de nouveau des étudiants en journalisme et en photographie l’été prochain, afin de leur donner leur première chance. Une dizaine d’entre eux seront retenus, parmi celles et ceux qui auront soumis leur candidature avant le 16 février.

La relève journalistique, c’est mon Star Académie à moi !