Si les États-Unis avaient investi, il y a plusieurs décennies, dans un système d’éducation réellement accessible, équitable et ambitieux, Donald Trump n’aurait probablement pas été élu président. L’histoire récente le montre cruellement : un gouvernement qui souhaite contrôler son peuple commence souvent par l’affaiblir intellectuellement, en décourageant l’esprit critique et en sous-finançant l’école publique. Car une population moins instruite est plus facile à diviser, à manipuler et à distraire.
Cette dynamique est bien connue : qui contrôle l’éducation contrôle les esprits. Ce n’est donc pas un hasard si les régimes autoritaires s’attaquent souvent à l’école avant de museler complètement les médias.
L’histoire en regorge d’exemples : l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler a d’abord transformé les programmes scolaires et enrôlé la jeunesse dans la Hitlerjugend avant de prendre le contrôle total de la presse ; l’Union soviétique de Joseph Staline a façonné le « nouvel homme soviétique » dès les bancs d’école via la Jeunesse communiste (Komsomol) ; la Chine de Mao Zedong, pendant la Révolution culturelle, a purgé les enseignants et remplacé les cours par l’endoctrinement ; plus récemment, la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan a commencé par réécrire les manuels scolaires avant de museler la presse critique.
Parce que l’école touche tous les enfants et captive leur attention pendant des années, la mainmise sur l’éducation est le moyen le plus efficace de remodeler durablement une société à l’image du régime.
Et ce phénomène ne se limite plus aux régimes autoritaires. Des démocraties réputées stables empruntent aujourd’hui le même sentier glissant. Aux États-Unis, plusieurs États ont entrepris de réécrire leurs manuels scolaires pour les aligner sur une vision idéologique :
en Floride, sous l’impulsion du gouverneur Ron DeSantis, des manuels d’histoire minimisent l’esclavage et censurent les questions de racisme ou d’identité de genre ;
au Texas, certains contenus ont été modifiés pour atténuer les violences de la ségrégation et présenter l’Holocauste de façon « équilibrée » ;
ailleurs, comme en Oklahoma ou au Tennessee, on impose désormais aux enseignants de ne pas évoquer le racisme systémique ni les privilèges liés à la race.
Même au Canada, la province de l’Alberta vient récemment de retirer des bibliothèques scolaires plusieurs livres jugés « controversés ». On ne nie pas les faits : on les édulcore, on les relativise ou on les passe sous silence, pour fabriquer un récit plus confortable. Un récit qui rassure, mais qui appauvrit la pensée.
Et si, sans même s’en rendre compte, le Québec était tranquillement en train d’emprunter cette voie ?
Cette semaine, le vice-président de Debout pour l’école, Jean Trudelle, publiait dans Le Devoir une lettre d’opinion qui sonnait l’alarme : « changer de ministre sans changer de philosophie ne mènera nulle part. » Il y rappelait les mots du regretté sociologue Guy Rocher, qui disait avoir « honte de ce qu’est devenu le système scolaire au Québec ». 1
Dans ce texte, Trudelle décrivait une école à trois vitesses qui accentue les inégalités sociales, une explosion du nombre d’élèves à besoins particuliers sans les ressources suffisantes pour les soutenir, une pénurie d’enseignants masquée par l’embauche massive de personnes non qualifiées et une approche comptable centrée sur les taux de réussite plutôt que sur la qualité réelle des apprentissages.
Il soutenait que remplacer Bernard Drainville par Sonia LeBel ne changerait rien si la philosophie de gestion restait la même.
Cette gestion à courte vue de l’éducation publique n’est pas neutre, ajoutait Trudelle. Laisser l’éducation se décatir à petit feu, c’est courir à la catastrophe. C’est exactement ce qui s’est produit aux États-Unis, avec les conséquences sociales et politiques que l’on connaît.
Lorsque l’on accepte :
que des milliers d’enfants soient privés de services essentiels,
que l’on distribue des diplômes sans que les bases soient réellement maîtrisées,
que les inégalités deviennent structurelles,
on crée peu à peu les conditions d’une société plus docile, moins exigeante envers ses dirigeants, plus vulnérable aux discours simplistes et populistes.
Et pendant que le réseau public d’éducation se fragilise, un phénomène intrigant se manifeste : le soutien à l’option indépendantiste progresse rapidement chez les 18 à 34 ans, selon plusieurs sondages récents. On peut bien sûr y voir un regain de nationalisme, mais je crois qu’il s’agit de tout autre chose. Ces jeunes — qui sont pourtant les enfants de la mondialisation, du métissage culturel et de l’hyperconnectivité — ne réclament pas tant un pays qu’un projet. Un cap collectif. Une idée mobilisatrice capable de donner un sens à leurs efforts et à leur participation démocratique.
Aucun projet de société digne de ce nom n’a émergé ici depuis la Révolution tranquille. Depuis des décennies, la politique québécoise carbure aux petits calculs budgétaires, aux réformes cosmétiques et aux promesses rabotées à la mesure des sondages. Pendant ce temps, on a cessé de nourrir ce qui rend une société vivante : la vision, l’éducation, la culture, la créativité, le courage de rêver grand.
Et quand l’école publique elle-même se vide de son souffle, quand elle cesse d’être le lieu où l’on prépare l’avenir ensemble, comment s’étonner que les jeunes cherchent ailleurs ce que leurs institutions ne leur donnent plus ?
Investir dans l’éducation publique n’est pas un luxe : c’est un rempart contre l’autoritarisme, l’ignorance et la manipulation. Tant que les gouvernements traiteront l’école comme un simple poste budgétaire, et non comme un pilier démocratique, les dérives continueront.
Parce qu’affaiblir l’école, c’est préparer le terrain aux démagogues. Si nous laissons s’éteindre l’éducation publique, nous ouvrirons toute grande la porte à ceux qui rêvent d’un peuple docile et d’un pouvoir sans contrepoids.
Peut-être serait-il temps, comme le propose Trudelle, de convoquer de véritables États généraux sur l’éducation et de redonner la parole à celles et ceux qui vivent l’école au quotidien. Car c’est aussi là que se joue notre avenir démocratique.
Décédé la semaine dernière, Guy Rocher laisse derrière lui un vide immense et une œuvre magistrale. Je voue à ce sociologue québécois une profonde admiration. Artisan discret de la Révolution tranquille, dernier survivant de la commission Parent qui nous a donné le ministère de l’Éducation, il a su conjuguer rigueur intellectuelle et grande humanité. Par ses écrits limpides et ses interventions toujours mesurées, il nous rappelait que penser la société n’est pas un geste neutre, mais un acte de responsabilité. Il portait en lui cette rare alliance de lucidité et d’espérance, de mémoire et de vision. Alors que sa voix s’éteint, son œuvre, je l’espère, continuera de résonner comme une invitation à comprendre pour mieux transformer.
Dans mes écouteurs
Belle surprise pour moi, alors que Michel Rivard nous donne en avant-goût deux des treize pistes qui composeront son nouvel album, Après, on va où ?, qui sortira le 31 octobre prochain. Sublime, la pièce Magnolia magnolia constitue en quelque sorte son testament musical. Les paroles, la mélodie, les orchestrations, tout dans cette chanson se laisse savourer. Pour en compléter la poésie, mentionnons que le magnolia offre une magnifique floraison qui ne dure qu’une dizaine de jours, au printemps.
Michel Rivard – Magnolia magnolia – Après, on va où ? – #musiquebleue
La bonne nouvelle de cette semaine
À 18 ans, Ludovic Tamaro a reçu un diagnostic brutal : une leucémie myéloïde aiguë qui ne lui laissait que deux petites années devant lui. Six ans plus tard, il rayonne de santé grâce à un traitement expérimental mis au point à Montréal par l’hématologue Guy Sauvageau et la chercheuse Anne Marinier. Cette thérapie cellulaire novatrice, baptisée UM171, utilise des cellules souches provenant du sang de cordons ombilicaux pour reconfigurer la moelle osseuse et redonner vie au système sanguin.
Aujourd’hui étudiant en psychologie et de retour sur les terrains de soccer, Ludovic savoure chaque instant et rêve déjà à une future maîtrise. Il est reconnaissant envers toutes les mamans qui ont donné leur cordon, rappelant que leur geste a sauvé sa vie. Son histoire, empreinte de courage et d’espoir, illustre merveilleusement la puissance de la science et de la solidarité humaine : quand elles unissent leurs forces, même les pronostics les plus sombres peuvent être renversés.
Pour une quatrième semaine consécutive, je souhaite que le chapitre hebdomadaire de mon journal de grève soit le dernier. Mercredi, le premier ministre s’est même avancé sur un retour en classe dès lundi. Ça, c’est comme pour le père Noël : on voudrait y croire, mais la réalité l’emporte.
Dans ce billet, je cède ma plume à d’autres. Il existe des enjeux qui ont besoin d’être démystifiés, en ce qui regarde le quotidien du monde de l’enseignement, afin de contrer ou de préciser certaines croyances populaires. Si j’y fais ponctuellement allusion à l’intérieur de mes écrits, des collègues et des observateurs en ont fait autant ces derniers jours. Cette semaine, mon espace leur appartient.
Sur l’exode du personnel et la désertion des étudiants en enseignement
Son homonyme est acteur, mais le Frédéric Pierre dont il est question ici est informaticien. Il appuie le personnel scolaire et celui de la santé dans leurs revendications. Voici ce qu’il publiait sur le réseau social Bluesky, le 11 décembre dernier.
« Une prof me disait que plus le gouvernement prend du temps pour négocier, certains profs songent quitter et se trouver autre chose. Aussi, sa fille étudie en enseignement : – 1ère année : il y avait 120 étudiants. — 3e année : il en reste 30 ! Avec une autre année à faire. 😕 » Source : Bluesky (@fredericpierre.bsky.social)
Évidemment, ces chiffres ne sont pas vérifiés et confirmés. Mais ils reflètent ceux de l’étude réalisée par Le Devoir, il y a deux ans, à laquelle je faisais référence dans mon billet du 24 novembre dernier. 1
Depuis le début des moyens de pression du personnel enseignant, le gouvernement exige de nous de la souplesse pour modifier le processus d’affectations. Nous reviendrons plus bas sur la souplesse. Pour ce qui est des affectations, mon ex-collègue Marie-Josée Dupont a très bien résumé la situation.
Source : Facebook
Ce que le gouvernement voudrait, c’est que les enseignantes et enseignants permanents soient exclus de l’affectation d’août. Bien que l’ancienneté constitue notre seul atout pour améliorer nos conditions, la FAE a tout de même consenti à une ouverture sur ce point. Pourquoi Bernard Drainville et François Legault en font-ils un enjeu majeur alors que ça ne concerne qu’une quantité négligeable de postes ? Ma seule réponse est qu’ils font preuve d’une méconnaissance marquée de la situation.
Sur notre réalité
Le cri du cœur d’Anne-Marie Vignola, enseignante au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), expose un portrait limpide et complet de notre quotidien.
« Bonjour, Je m’appelle Anne-Marie et je suis enseignante depuis plus de 20 ans. J’ai étudié quatre ans à l’université pour obtenir un baccalauréat en éducation. Je suis sans contrat de travail depuis 10 mois et sans salaire depuis trois semaines parce que mon patron trouve que je manque de souplesse. J’ai pourtant l’impression de faire des acrobaties incroyables pour parvenir à faire mon boulot. Je n’ai rien d’extraordinaire… Nous sommes plus de 60 000 dans les rues depuis bientôt trois semaines. (FAE) Cette semaine des milliers d’autres travailleuses vont se joindre à nous. ✨❤️ Nous vous attendions ! ✨ Je suis une fille travaillante ! Je fais des heures supplémentaires à toutes les semaines et je ne demande jamais d’obtenir un salaire supplémentaire. Je fais tout ça bénévolement. Je mange régulièrement le souvenir d’un yogourt sur l’heure du midi parce que je manque de temps et je préfère travailler. En 20 ans, je n’ai jamais reçu une seule plainte de ma direction. Je dépense annuellement entre 500 $ à 1000 $ de mes sous pour acheter des jeux, jouets, livres ou ateliers. Le 250 $ attribué pour ma classe est insuffisant et j’adore avoir du matériel pédagogique actuel. Je suis toujours à l’heure au travail. Depuis deux ans, je n’ai jamais été malade. Je ne prends jamais de congés parce que je n’aime pas prendre deux heures de mon temps, déjà si précieux, pour écrire les explications du déroulement de la journée à un remplaçant. Il y a aussi le fait que ce sont souvent des collègues qui doivent remplacer les absents parce qu’il n’y a plus de suppléants… Je demeure presque toujours calme lorsque quelqu’un lance une chaise. 🧘🏻♀️ Je suis immunisée contre les insultes. Je suis excellente en gestion des conflits. Je peux faire rire quelqu’un qui pleure. Je sais que mes bras sont réconfortants. Je peux faire 5 tâches en même temps. Je fais environ 20 heures de formation par année parce que je trouve important de demeurer au fait des pratiques innovantes dans mon domaine. J’ai repeint une partie de mon local en cachette et j’ai découpé des petites marguerites en papier pour cacher les trous du mur de ma classe. Encore une fois, j’ai gardé la facture pour moi. Mon patron trouve que je manque de souplesse, mais moi, j’ignore ce que je peux faire de plus… Tous les spécialistes de l’enfance (médecins, pédiatres, psychologues) sont en accord avec les demandes de la FAE. On ne demande pas d’avoir l’air climatisé, un système de ventilation adéquat et un parc informatique fonctionnel… Nous souhaitons que nos élèves les plus vulnérables puissent obtenir des services offerts par des personnes compétentes. LA BASE ! Ce travail, je l’aime profondément et ça me fait mal de me sentir aussi peu respecté par mon employeur. À force de me plier en quatre pour y arriver, je suis brisée et je ne veux plus continuer comme ça. L’attitude du gouvernement envers cette marée de petites tuques rouges me dégoûte ! Nous sommes des guerrières ! Nous arrivons à bout des enfants les plus rebelles… Si son souhait est d’étirer la négociation pour épuiser nos troupes et semer le chaos, il va trouver le temps long. Les troupes sont épuisées depuis une décennie et elles appuient le méchant monstre syndical qui, pour l’instant, est le seul à nous protéger dans cette lutte… Après trois semaines, ces femmes sont affamées et déterminées à continuer de lutter contre les injustices du système de l’éducation et de votre exploitation de notre bonté ! »🔴
Je l’ai écrit plusieurs fois, nos semaines de vacances sont nombreuses, mais elles sont toutes à nos frais. Qui plus est, le gouvernement conserve temporairement une partie de notre argent et le fait fructifier, avant de nous en remettre le capital tout en conservant les intérêts. Le dimanche 10 décembre, Valérie Larin l’a très bien expliqué.
« FONCTIONNEMENT RÉEL DU SALAIRE D’UN PROF Je fais ce post en toute transparence. Je suis prof au primaire. Je suis actuellement à l’échelon 5. Selon la convention actuelle, mon salaire annuel est de 56 550 $. Une année compte 52 semaines (365 jours). Si on exclut les week-ends, ça nous donne 260 jours au total. Je travaille 200 jours par année (180 jours en présence d’élèves plus 20 journées pédagogiques, qui sont loin d’être des « congés » comme certains le pensent : réunions, planification, correction, impressions, paperasse, achats pour la classe, etc.). Logiquement, je devrais être payée 1/200 de 56 550 $ pour chaque jour travaillé, c’est à dire 282,75 $ par jour (brut) et être au chômage durant l’été. Sachez que ce n’est pas le cas ! Il y a plusieurs années, une loi est venue exclure les enseignants ayant un poste permanent du droit au chômage durant l’été. Pourquoi ? Aucune idée ! Ça, c’est la première aberration. En voici une deuxième : comme le gouvernement semble juger que nous ne sommes pas assez autonomes pour gérer nos sous nous-mêmes et nous en mettre de côté pour la période estivale, il me paie 1/260, donc 217,50 $ au lieu de 282,75 $. Le gouvernement ramasse donc 65,50 $ sur chacune de mes paies (aux deux semaines) pour me le redonner durant les mois d’été. Au total, dans l’année, c’est 15 660 $ qu’il garde pour lui en le faisant fructifier pendant que moi, je ne peux pas, même si c’est MON argent. Je vous rappelle que je ne suis qu’à l’échelon 5. Imaginez quelle somme cela peut représenter sur l’ensemble des profs au Québec ! En voulez-vous une autre ? La loi sur les normes du travail prévoit 2 semaines de vacances payées pour les salariés ayant cumulé entre un an et 3 ans de travail continu, ainsi que 3 semaines payées après 3 ans. Nous, les profs ? Rien. Nada. Nous n’avons aucun congé payé par l’employeur. Nous finançons tous nos congés (vacances et jours fériés) à partir de notre propre paie. Donc, si vous pensiez encore que les profs ont « deux mois de congés payés durant l’été », j’espère que cette rectification vous a permis de comprendre que c’est loin d’être le cas ! »
Cette fameuse souplesse que réclament François Legault et au moins deux de ses ministres ! Est-ce que nous en démontrons suffisamment ? Marie-Ève Couture, enseignante spécialiste en anglais, a également lancé ce cri du cœur.
« D’après monsieur Legault, je manque de souplesse… En tant que spécialiste, prof d’anglais, j’ai 2 écoles, 15 groupes donc environ 300 élèves… Je ne me plains pas, mais vous dites que je manque de souplesse… 🤔 Je fais partie des privilégiés qui possèdent un local où je peux enseigner adéquatement. Mais seulement dans une école ! Faudrait pas ambitionner, quand même !! À l’autre école, je prends la place de l’enseignant qui doit sortir de son local et se trouver une place où travailler durant cette heure…. Qui est souvent le salon du personnel où ça va et vient constamment ! …. Parfait pour travailler et se concentrer ! Mais, ON manque de souplesse ! Je change 5 fois de local dans une journée en oubliant souvent des trucs ici et là… Je dois me promener de classe en classe avec des livres, mon ordi, mon sac, les photocopies, les jeux, les dictionnaires… puisque je n’ai pas de local pour enseigner !!!! Mais, je manque de souplesse ! Le budget classe pour acheter des livres ou du matériel est largement insuffisant… 150 $ environ par école et c’est pas une blague ! Donc, vous me voyez venir ! Je dépense facilement 500 $ par année pour que les élèves aient : des nouveaux livres intéressants, une boîte de récompenses, des jeux au goût du jour, des activités intéressantes, des décorations et des affiches pour rendre les cours plus vivants, etc. Mais, je manque de souplesse ! À la récré, je garde des fois des élèves pour régler un conflit, leur donner du temps supplémentaire pour finir l’examen, avoir une discussion parce que l’élève vit des choses difficiles à la maison (oui bien sûr qu’on est psychologue et ça presque au moins une fois par semaine !), pour reprendre la notion enseignée, etc. J’avais vraiment envie d’aller aux toilettes, mais bon, j’irai au dîner, l’élève est plus important ! Mais, je manque de souplesse ! Idéalement, dans un cours, je dois enseigner, expliquer l’exercice à faire, répondre aux questions et si possible corriger en grand groupe ! Et le tout en une heure ! Car on voit en général nos groupes seulement une heure par semaine ! Bon, OK ! 8 h 05 Je commence le cours… que dis-je… j’attends qu’environ 3 à 5 élèves finissent d’enlever tous les vêtements p.c.q. ils sont habitués de prendre leur temps à la maison et qu’il n’est pas question qu’ils se dépêchent à l’école…. Faudrait pas les brusquer, mais plutôt attendre et s’adapter à leur rythme… pendant ce temps-là, il y en a 15 qui sont prêts, s’impatientent et qui commencent à vouloir bouger. C’est normal, c’est des enfants !!! Mais moi, j’attends les autres tout en essayant de gérer les comportements des autres. 8 h 15 : Une fois tout le monde assis et « attentif » 😉😂 🤞Je peux commencer à enseigner ! Dans plusieurs groupes, j’ai un élève TSA qui nécessite une approche différente pour chacune des interventions. Par exemple, si je demande de sortir leur cahier, l’élève se met à crier, car il n’aime pas les changements… je dois donc le préparer mentalement à l’avance pour chaque transition ! Bien sûr, nous avons des TES formidables pour aider, mais qui ne peuvent pas se séparer en 10 non plus ! Il y a en souvent un avec un trouble de comportement qui est très souvent en opposition, impoli avec moi ou les autres. Souvent en conflit qui doit être réglé tout de suite pour ne pas que ça dégénère…. Il y a facilement 5 à 7 élèves par groupe avec des plans d’intervention puisqu’ils ont de gros troubles d’apprentissage. Ce qui veut dire que je dois adapter mon cours pour eux parce qu’un a droit à son ordi (donc je dois m’assurer que l’élève a son ordi et que j’ai préparé à l’avance le document qui devra être lu par un logiciel prévu à cet effet). Un autre a droit à un temps supplémentaire pour finir (que je dois aussi prévoir dans mon planning) et je pourrais continuer longtemps encore ! Il y a ceux qui n’ont pas de troubles d’apprentissage, mais qui ne sont pas motivés et que l’on essaye par tous les moyens de motiver… Il y a ceux qui ne comprennent pas le français….. Et qui sont oubliés ? Ceux pour qui ça va bien et qui n’ont pas de problèmes d’apprentissage et/ou de comportement… 8 h 30 : après avoir demandé je ne sais pas combien de fois à un élève de s’asseoir et d’arrêter de déranger autour de lui p.c.q. il n’a pas pris sa médication ce matin-là et qu’il est impossible pour lui de rester en place et bien je finis par tolérer qu’il soit debout p.c.q. je suis juste tannée d’intervenir. Je réussis à les faire commencer l’exercice, et un de me dire qu’il n’a pas de crayons, l’autre qu’il ne trouve pas son cahier, l’autre qu’il ne sait pas quoi faire quand je viens de passer 10 minutes à expliquer pendant que lui jouait avec son efface, que mon TSA a besoin de moi constamment pour le rassurer ! J’ai ceux qui ont des questions p.c.q. ils ne comprennent pas encore le français et moi je leur demande d’apprendre une troisième langue…. J’ai aussi les anglophones qui finissent le travail en quelques minutes et je dois avoir prévu des trucs supplémentaires pour eux qui les challengent un peu ! Êtes-vous essoufflés ??? Moi, oui ! Mais, je manque de souplesse ! 9 heures : plusieurs n’ont pas fini l’exercice, j’ai géré 2 conflits à travers toutes les questions et mon TSA décide qu’il jette par terre tout ce qu’il trouve autour de lui ! 9 h 05 : je dois me dépêcher à tout ramasser mes trucs, mon ordi, mon sac, mes jeux, etc., pour changer de local, car je donne un cours à 9 h 05 à l’étage du dessus… Mais, je manque de souplesse ! On répète la scène 5 fois par jour, 5 jours par semaine ! De septembre à fin juin ! MAIS !!!! Je manque de souplesse ! 🤔🤔🤔🤔🤔🤔🤷🏻♀️🤷🏻♀️🤷🏻♀️ »
Sur nos revendications
Ce que nous réclamons, c’est de l’aide et la sauvegarde de l’école publique. La hausse salariale est accessoire et vise surtout à rendre notre profession attrayante pour arrêter la désertion massive qu’elle subit actuellement. Cette grève générale illimitée, sans salaire, sans fonds de grève, ce piquetage sous des températures hivernales, c’est pour nos élèves et ceux qui les suivront que nous le faisons.
Dans une lettre ouverte à François Legault, Bernard Drainville et Sonia LeBel, plus de 75 pédiatres et médecins de famille ont pris position en notre faveur et en faveur de leurs collègues du domaine de la santé. Voici un extrait de leur missive.
« Croyez-nous, nous sommes au premier rang pour constater la dure réalité des familles qui perdent présentement des revenus considérables, en raison de journées de travail annulées. Plus particulièrement, nous avons cette pensée sincère pour les enseignantes et les enseignants qui sont maintenant sans salaire depuis presque trois semaines à se battre pour de meilleures conditions de travail, mais aussi de meilleures conditions d’apprentissage pour les élèves, bref pour un meilleur système d’éducation publique, en adéquation avec nos jeunes institutions fondatrices.
Nous joignons fièrement nos voix à la leur, de même qu’à celles de tous les travailleurs de la santé, également mus par de courageux engagements. Nous militons pour un meilleur système d’éducation publique, qui valorise à juste titre le travail de tous ses professionnels, tout en demeurant profondément inquiets pour notre système de santé déjà fragilisé et qui l’est d’autant plus que de nombreux travailleurs de la santé, également des parents, y sont déchirés entre leurs responsabilités professionnelles inconciliables avec leurs obligations familiales. »
Finalement, s’il vous reste du temps et de l’énergie, je vous invite à lire la chronique de Patrick Lagacé, publiée jeudi matin. Il résume bien la part du système à trois vitesses dans les déboires vécus par tout le réseau de l’éducation québécoise. J’admets cependant être plus optimiste que lui quant à la suite des choses. Un peu.
Près de 50 ans après que Walter Murphy nous eut donné sa version disco de la 5e symphonie de Beethoven, voici qu’Emmanuelle Boucher nous offre Minuit, chrétiens en rock country.
A-t-il vaincu sa dépression sévère ? Peut-être pas tout à fait, mais toujours est-il que le comédien Serge Thériault participera à une émission radiophonique le 24 décembre, sur les ondes d’ICI Première. Animée par Stéphane Laporte, l’émission spéciale portera sur ses collaborations avec son complice Claude Meunier.
Reclus à son domicile depuis plusieurs années, Thériault avait récemment quitté son ermitage le temps de tourner la scène finale, quelques secondes à peine, des nouveaux épisodes de La p’tite vie. Contrairement à toutes les autres scènes, celle-ci n’avait pas été enregistrée devant public.
Cette fois, de nombreux invités défileront en studio pour rendre hommage au célèbre duo.
Autre collecte de dons pour le personnel affilié à la FAE
Celle-ci aura lieu le samedi 23 décembre, aux endroits indiqués ci-dessous.
J’ai l’habitude d’écrire à la première personne du singulier. Je trouve présomptueux de se servir du pronom « nous » pour faire valoir sa position. Cependant, après de nombreux échanges avec les collègues, je peux affirmer que nous avons vécu deux grandes déceptions, cette semaine.
La première est survenue lundi. La veille, en soirée, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) avait soumis une contre-offre à la plus récente proposition gouvernementale. En matinée, la présidente du Conseil du trésor la rejetait devant les médias, avant même d’en avoir informé le syndicat. Cette façon de procéder propre au gouvernement actuel a été dénoncée seulement deux jours plus tard par six professeurs spécialisés en relations de travail à l’Université de Montréal 1.
Et je cite :
« On utilise le micro et les médias pour faire des déclarations alarmistes et aller chercher l’appui de la population. On se rend compte que ça n’aide pas aux tables de négociation, ça crée des braquages et des gens en colère. »
Mélanie Laroche, professeure en relations industrielles, Université de Montréal, le 6 décembre 2023. (Source : La Presse)
Tôt lundi matin, avant cette sortie de la ministre LeBel, nous étions certains que le retour en classe était imminent. Sincèrement, il y avait de la joie et de la bonne humeur sur les lignes de piquetage. Nous avons brutalement été ramenés à la réalité.
C’est mercredi soir que nous avons vécu la seconde déception : l’annonce de l’offre de bonification salariale de 12,7 % sur cinq ans (16,7 % pour une infime minorité d’employés du secteur public). Selon les prédictions rapportées par plusieurs médias, l’inflation pour cette même période devrait atteindre 18,1 %.
D’abord, comme je l’indiquais dans mon billet du 24 novembre dernier 2, la question salariale ne constitue qu’un élément parmi d’autres dans nos revendications. Malgré le fait que notre rémunération se situe bien en deçà de la moyenne canadienne, nous ne réclamons dans le contexte actuel qu’une indexation au taux d’inflation. Là-dessus, je rappelle qu’à l’automne 2022, les députés se sont voté une hausse salariale de 30 %, pas sur cinq ans, mais sur un an. Je rappelle également qu’en septembre dernier, ce gouvernement offrait une augmentation de 21 % aux policiers de la Sûreté du Québec. Préalablement acceptée en entente de principe, l’offre a finalement été rejetée quand les syndiqués se sont prononcés dessus.
Donc, les députés s’octroient 30 % sur un an, les policiers refusent 21 % sur cinq ans et on n’offre que 12,7 % aux enseignantes et enseignants.
Je reprends mon « Je ». La déception était certes collective, mais après deux semaines de grève du personnel affilié à la FAE, à l’aube d’une grève de six jours du front commun qui viendra fermer toutes les écoles encore ouvertes, si le gouvernement n’offre que 12,7 % un 6 décembre, il est clair à mon esprit que c’est parce qu’il est déterminé à faire perdurer les négociations jusqu’après la période des Fêtes. Je l’ai mentionné dans mon dernier billet et j’ai continué de le constater cette semaine, l’appui de la population à notre cause est toujours aussi fort. Cette stratégie risque de coûter cher à François Legault.
La députée Christine Labrie est enseignante de formation. Elle s’est portée à la défense de ses ex-collègues à quelques reprises, cette semaine, à l’Assemblée nationale. Ce faisant, elle a employé une épithète que la présidence lui a demandé de retirer. Sur sa page Facebook, madame Labrie a demandé à ses abonnés de lui suggérer un synonyme. Elle s’est cependant permis une liberté que je me permets de dénoncer ici.
Ici, le Fac ne passe pas ! Personne ne devrait écrire comme il ou elle parle. On aurait pu utiliser plusieurs marqueurs de relation pour débuter la phrase. Donc, alors, ce qui fait que, etc. Le reste de sa publication demeure impeccable.
Et pour tout le reste, madame Labrie, je vous remercie ! 🙏
Dans mes écouteurs
Musique intéressante que celle du duo Babylones. Actif depuis une dizaine d’années, il vient de produire un deuxième album complet, Humains. Je vous propose la pièce Cannibale.
On constate un bel élan de solidarité de la part de la population envers les enseignantes et enseignants en grève. Les médias l’ont maintes fois répété, nous ne disposons pas d’un fonds de grève. Cela signifie que nous ne recevons aucun salaire depuis le 23 novembre et cela perdurera jusqu’à notre retour en classe, quand la grève générale illimitée aura pris fin.
Si la situation actuelle est financièrement difficile pour nous tous, elle est précaire et déjà critique pour plusieurs. À l’initiative de citoyens, des groupes d’entraide se sont rapidement formés. Ce samedi, 9 décembre, les personnes désirant aider le personnel scolaire en grève pourront effectuer des dons (on évite l’argent) à différents endroits.
Depuis que j’ai démarré ce blogue, en février 2020, on peut y lire mes billets hebdomadaires, mes journaux de vacances d’été et mes journaux de vacances des Fêtes. Voici mon premier journal de grève.
Contrairement à mes journaux de vacances, dont je connais d’avance le nombre et les dates de publication, j’ignore complètement à quel moment je cesserai la publication de mes journaux de grève pour reprendre mes billets périodiques, ce débrayage dans lequel nous sommes entrés se réclamant général et illimité.
Allons-y donc une semaine à la fois !
À la manifestation (Clin d’œil aux Cowboys Fringants)
Combien étions-nous à Montréal, hier, 23 novembre ? Au moment où j’écris ces lignes, j’attends toujours qu’un média s’avance sur les chiffres. Les images diffusées impressionnent, cependant.
La mobilisation est grande. En vingt-huit ans d’enseignement, j’ai vécu quelques journées de grève, bien réparties à travers les années. Chaque fois, même si une majorité de membres du syndicat votaient pour l’arrêt de travail, plusieurs choisissaient l’option inverse. Cet automne, sur une proposition de grève générale illimitée, c’est avec une quasi-unanimité que les 12 syndicats affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ont voté en faveur.
Hier, le premier ministre a offert de bonifier l’offre salariale aux enseignants, à condition que nous démontrions plus de flexibilité dans les conventions collectives. Par plus de flexibilité, il entend de ramener à la convention nationale un des éléments les plus importants des conventions locales, soit les affectations dans les écoles. Ceci dans le but d’éviter des situations comme lors des dernières rentrées scolaires, alors que plusieurs centaines de postes d’enseignants n’étaient pas pourvus. Le gouvernement imposerait alors de tenir les affectations en mai ou en juin, plutôt qu’en août.
Le problème est que les affectations se tiennent déjà en mai. Si les centres de services scolaire ont été obligés d’en instaurer une autre en août, de moindre envergure, c’est parce que cette dernière est rendue nécessaire à la suite de changements survenus en été, notamment par des ouvertures de classes faisant suite à des déménagements ou des révisions de zones de desserte. Oui, il est vrai que des enseignantes ou enseignants permanents peuvent damer le pion à des collègues à statut précaire lors de l’affectation d’août, ce qu’ont dénoncé Gaétan Barrette et Marc-André Leclerc lors de l’émission La Joute, à TVA1. Toutefois, je précise ici que, n’en déplaise aux panélistes de La Joute, qui hier ont erré dans plusieurs de leurs propos, l’ancienneté demeure le seul élément pouvant permettre aux titulaires d’améliorer leurs conditions en choisissant un milieu de travail qui leur convient. Contrairement à d’autres corps d’emplois, il est impossible en enseignement de négocier un meilleur salaire ou d’autres avantages avec son employeur.
Autre problème, l’offre salariale n’est qu’un des éléments de nos revendications. Et j’oserais ajouter que cet élément se voudrait négligeable, n’eût été la hausse astronomique du taux d’inflation, depuis la signature de notre dernière convention. L’élément le plus important de nos demandes concerne l’allégement de la tâche et l’aide professionnelle. Là-dessus, la ministre Sonia LeBel s’est montrée directe en affirmant que même si elle disposait des ressources financières nécessaires, le manque de main-d’œuvre l’empêcherait de donner suite à un potentiel engagement en ce sens. Nous en sommes conscients. Mais peut-on commencer dès maintenant à établir une structure qui, à plus long terme, ira dans cette direction ? Nous nous trouvons actuellement dans ce bourbier parce que les différents gouvernements qui se sont succédé ont fait la sourde oreille quand les premiers signaux d’alarme, et tous les suivants, ont été lancés. En toute chose, laisser aller un problème par souci d’économie résulte généralement en investissements majeurs dans des rénovations. C’est là où nous en sommes.
Enfin, pour tous les Mario Dumont de ce monde qui stipulent qu’une réponse favorable à nos demandes coûterait des milliards de dollars, je réplique qu’il en coûtera des dizaines de milliards avant longtemps si on n’agit pas maintenant. Nous en sommes aujourd’hui à plus de 40 % des nouveaux enseignants qui décrochent du milieu dans les cinq premières années de leur carrière, alors qu’un nombre de plus en plus grandissant de vétérans quittent également l’enseignement pour préserver leur santé physique ou mentale. Ajoutons que les facultés de l’éducation des universités québécoises se vident de plus en plus chaque année, quand 50 % des étudiants abandonnent après la première année et que 50 % de ceux qui restent abandonnent à leur tour après la deuxième 2. Si les investissements nécessaires ne sont pas effectués dès maintenant pour rendre la profession attrayante, on se dirige à toute vitesse vers un mur de béton.
Et je cite :
« Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ».
Abraham Lincoln
C’est l’avenir du réseau de l’éducation au Québec qui se joue actuellement. Rien de moins.
Le sentier de neige n’est pas la chanson du temps des Fêtes qui a le plus marqué la discographie québécoise, mais elle a très bien vieilli. D’abord interprétée par les Classels au milieu des années 1960, elle a été reprise dans plusieurs versions, toutes enregistrées au cours des quelques dernières années.
La dernière en lice est celle de Klô Pelgag. C’est elle que je vous propose cette semaine, en #musiquebleue.
Vous aimez Foresta Lumina et Montréal en histoire ? Moi aussi !
Si certains investissements annoncés par le gouvernement du Québec peuvent paraître douteux, je considère que celui de 34 millions $ dans l’industrie numérique constitue une excellente nouvelle. Il s’agit d’un domaine en pleine expansion pour lequel le Québec possède toutes les chances de développer son expertise et de devenir un leader mondial.