Billet du 6 décembre 2024 : Marqué à vie

Le 6 décembre 1989. Je me souviens d’à peu près tout ce que j’ai fait ce jour-là. Je me souviens d’un lendemain de tempête qui avait laissé une forte accumulation au sol. Je me souviens d’un mercure qui avait ensuite considérablement chuté. Je me souviens être allé chercher une amie sur la Rive-Sud. Nous devions aller dîner avant de rejoindre d’autres amis, avec qui nous allions assister à un spectacle en soirée. Des billets que nous possédions depuis le mois d’avril.

Le dîner n’avait finalement pas eu lieu. Pas comme prévu, en tout cas. En me rendant chez mon amie, j’avais dû passer par une intersection à travers laquelle un chasse-neige avait laissé une imposante bande de neige, durcie par le froid intense. Dans ma jeune vingtaine impatiente de l’époque, j’avais choisi de foncer, plutôt que d’attendre. Le silencieux de ma Plymouth Horizon grise y était resté. Le garage s’était donc substitué au restaurant prévu ce midi-là.

En début de soirée, nous étions une dizaine d’amis dans un bar du Complexe Desjardins, quand la radio a commencé à annoncer que des coups de feu auraient été entendus à l’École Polytechnique de Montréal, comme on l’appelait à l’époque. La nouvelle avait capté notre attention, mais était passée au second plan quand était venu le temps de vider nos verres pour enfiler nos manteaux et nous diriger vers le lieu de notre souper-spectacle.

Nous nous y étions amusés. Nous avions ri et festoyé, sans savoir l’horreur qui se déroulait à huit kilomètres d’où nous nous trouvions.


L’irréel pour nous était survenu en fin de soirée, quand nous retournions chacune et chacun chez nous. Personnellement, je conduisais ma voiture (dotée d’un silencieux tout neuf) avec un ami à mes côtés. J’allais le déposer chez lui, à une trentaine de kilomètres du centre-ville de Montréal. Une distance que nous avions parcourue en étant branchés sur les ondes de CKAC. Nous avions alors réalisé, avec une consternation certaine, que tout le Québec était au courant de ce qui était survenu, sauf nous. Les commentaires radiophoniques ne précisaient aucun détail, les auditeurs les connaissant déjà. Quand mon ami était descendu de mon véhicule, après trois quarts d’heure de route, tout ce que nous avions réussi à savoir, c’était qu’il y avait eu fusillade, que cette fusillade avait fait plusieurs victimes, et que le crime avait une connotation sexiste. Nous commencions à réaliser l’horreur, mais pas son ampleur.


J’étudiais le droit, à l’époque, avant de bifurquer vers l’enseignement. À partir du moment où je me suis retrouvé titulaire d’une classe, quelques années après le drame, il ne s’est pas trouvé un seul début décembre, jusqu’en 2022, sans que j’en parle à mes élèves. En 2023, nous étions en grève. Cette année, j’apprivoise mon nouveau rôle de conseiller pédagogique, sans élèves. Ce devoir de mémoire incombe à tous les enseignants de groupes d’élèves en âge de comprendre.

À travers ces années, plusieurs de mes élèves se sont exprimés de brillante façon sur le sujet. Beaucoup d’opinions, de questions pertinentes, mais aussi de liens marquants. Le témoignage m’ayant le plus touché est celui d’Antoine, un élève que j’ai eu il y a une vingtaine d’années. Deux parents ingénieurs. Son père, alors étudiant, faisait partie des jeunes hommes qui avaient été chassés de la classe des victimes par le tireur, Marc Lépine. Sa mère, également étudiante, devait se trouver dans ce cours. Elle avait toutefois choisi de s’en absenter pour préparer un examen prévu le lendemain. Si elle avait pris une autre décision, Antoine n’aurait peut-être jamais vu le jour.


Nathalie Provost est une des victimes ayant survécu aux balles du tireur. Dès le lendemain, elle avait donné un point de presse à partir de son lit d’hôpital. Un courage qui l’honore, mais pas autant que son engagement, depuis 35 ans, pour le contrôle des armes à feu au Canada.

Depuis le drame de Polytechnique, le contrôle des armes à feu au Canada est resté une question vive et controversée. La tragédie a mené à la création du registre des armes d’épaule en 1995, un pas significatif vers une meilleure réglementation. Toutefois, son abolition en 2012, sous Stephen Harper, a ravivé les tensions, opposant sécurité publique et droits des propriétaires d’armes. Ces dernières années, des mesures plus strictes, comme l’interdiction des armes d’assaut, ont été adoptées pour répondre à des fusillades tragiques et à une mobilisation citoyenne accrue. Jeudi dernier, le 5 décembre, le gouvernement de Justin Trudeau a ajouté 324 marques et modèles uniques d’armes à feu de style arme d’assaut à la liste des armes interdites au Canada. Cette interdiction s’inscrit dans une stratégie visant à empêcher la prolifération d’armes adaptées pour des usages dangereux tout en promettant de protéger les droits des chasseurs responsables.

Malgré tout, 35 ans après Polytechnique, le débat demeure polarisé, témoignant de la complexité d’instaurer un consensus durable sur cette question. Il est étonnant de constater que la perte d’un nombre important de vies humaines ne suffit justement pas à établir un consensus.



Dans le cours de musique

Parmi tout ce qui représente pour moi le temps des Fêtes, il y a Ciné-cadeau, à Télé-Québec. Avec cette tradition qui nous revient chaque mois de décembre, Télé-Québec réalise quotidiennement ce que la dinde sur la table fait à Noël : réunir la famille. Nouveauté cette année, JS Houle et FouKi nous offrent une chanson hommage à ce grand classique annuel. Ça commence ce samedi 7 décembre.

JS Houle et FouKi – Le plus beau moment Ciné-cadeau – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Samuel Benastick, un jeune homme de 20 ans, a survécu 50 jours dans des conditions extrêmes après s’être perdu lors d’une expédition de camping dans le parc provincial Redfern-Keily en Colombie-Britannique. Parti seul le 7 octobre, il a été retrouvé par des travailleurs de l’industrie pétrolière après avoir bravé des températures descendant jusqu’à -20 °C. Grâce à sa détermination et à ses compétences en survie, il a construit un abri et trouvé des moyens de subsister malgré les conditions hostiles. Cette histoire inspirante démontre la résilience humaine et l’importance de l’espoir et de la solidarité, illustrée par les efforts des bénévoles qui ont participé aux recherches.