Billet du 28 février 2025 : Le culte des leaders charismatiques

Le blogueur Jonathan le Prof m’a coupé l’herbe sous le pied, cette semaine. En fait, il m’a plutôt enlevé les mots de la bouche. Pour être exact, il a publié mercredi ce que je m’apprêtais à écrire ici aujourd’hui. Lui et moi, nous nous rejoignons sur toute la ligne.

Mon blogue se veut pédagogique. Pourtant, depuis les dernières semaines, il est beaucoup question d’Elon Musk et de Donald Trump. Y a-t-il ici une incompatibilité ? Absolument pas. Nous vivons actuellement un tournant important de l’histoire et nous devons en retenir toutes les leçons. Les leçons actuelles, bien sûr, mais surtout celles du passé. La pédagogie dans son état le plus pur.

Voici un extrait de ce que Jonathan écrivait, pour justifier ses dénonciations quotidiennes du duo Musk-Trump :

« Dans les années 1920 et 1930, beaucoup ont sous-estimé les déclarations de Hitler et Mussolini, les voyant comme de simples extrémistes radicaux et bruyants, ou des personnages marginaux, excentriques et inoffensifs.

Les médias ne les prenaient pas au sérieux, et il n’y avait donc pas ou très peu de contrepoids à leurs discours et leurs actions.

Cette attitude de négligence et de complaisance a grandement facilité leur ascension au pouvoir et à faciliter à abolir la démocratie et l’état de droit, entraînant ensuite une histoire horrible que vous connaissez tous. »

Et l’histoire semble ici se répéter avec Trump et Musk. La suite vous intéresse ? Je vous invite à en prendre connaissance.

Jonathan le Prof. (2025, 26 février). Vous êtes nombreux à me demander en commentaires pourquoi je n’arrête pas de dénoncer les dérives fascistes du duo Trump-Musk [Statut Facebook]. Facebook.


C’est ce qui m’amène la question suivante : pourquoi certaines personnes, souvent très intelligentes, vouent-elles un véritable culte à des individus ? Qu’est-ce qui crée ce culte et le rend généralement inconditionnel ? L’histoire regorge de figures autour desquelles s’est construite une adoration sans failles, qu’il s’agisse de leaders religieux, de chefs politiques, de gourous ou même de personnalités contemporaines, comme Donald Trump. Ce phénomène s’explique par un mélange de besoins psychologiques, de dynamiques de groupe et de stratégies de manipulation de la part des figures charismatiques qui savent capter l’attention et renforcer la loyauté de leurs adeptes.

L’adhésion à un leader repose d’abord sur un besoin fondamental de sécurité et de sens. Dans des périodes d’incertitude, beaucoup cherchent des repères clairs, et un individu charismatique proposant une vision simple du monde peut rapidement devenir un phare rassurant. Ce phénomène est renforcé par des biais cognitifs, comme la dissonance cognitive : lorsqu’une personne a investi temps et énergie dans une croyance ou un mouvement, il devient difficile de reconnaître qu’elle s’est trompée. Pire, les critiques extérieures renforcent souvent l’attachement au leader, non pas parce qu’il est objectivement persécuté, mais parce qu’il se présente comme un martyr, prétendant être la cible d’un complot ou d’un acharnement injuste. Comme l’écrivait le sociologue allemand Erich Fromm dans Escape from Freedom : « Pour ceux qui ont peur de la liberté, un leader qui leur dit quoi penser et comment agir devient non seulement un guide, mais un refuge contre l’angoisse existentielle. » 1

Ce culte devient inconditionnel grâce à la polarisation et à la création d’un ennemi commun. En désignant un adversaire – les élites, les médias, un groupe social ou une idéologie –, le leader soude son groupe et empêche toute remise en question interne. Ce mécanisme explique pourquoi certains continuent à défendre un leader malgré ses erreurs manifestes. En se positionnant comme victime d’un système hostile, il transforme chaque attaque en preuve de sa légitimité. Ainsi, ses partisans ne le soutiennent plus seulement pour ses idées, mais parce qu’il incarne leur combat. Le culte dépasse alors la personne elle-même : il devient un symbole identitaire, une cause à défendre à tout prix. Ainsi, plus un leader crie à l’injustice, plus ses fidèles s’accrochent à lui… à croire que, dans ce grand théâtre du pouvoir, rien ne vaut un bon rôle de victime pour décrocher une ovation debout.

1 Fromm, Erich. Escape from Freedom. Farrar & Rinehart, 1941.


Dans le cours de musique

Cette semaine, un artiste établi et une de ses plus belles compositions. Les Yankees, de Richard Desjardins, est un chef-d’oeuvre, tant au niveau musical que pour sa poésie et son engagement. Maintenant âgée de 37 ans, cette chanson surprend par ses paroles qui, de fictives et apocalyptiques qu’elles pouvaient alors sembler, s’avèrent maintenant très actuelles.

Richard Desjardins – Les Yankees – Les derniers humains – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Plusieurs fois par année, je me rends dans les salles d’Odyscène pour profiter de spectacles qui allient talent, créativité et émotion. Ce diffuseur culturel des Laurentides a su s’imposer comme un incontournable pour les amateurs de théâtre, de musique et d’humour. Son engagement envers la diversité artistique et la qualité de ses programmations en fait une référence dans le milieu culturel québécois. Il n’est donc pas surprenant qu’Odyscène ait récemment été couronné « Diffuseur de l’année » par le RIDEAU, une reconnaissance bien méritée pour son travail exceptionnel dans le rayonnement des arts vivants.

Cette distinction met en lumière l’importance des diffuseurs régionaux dans l’accès à la culture. Grâce à Odyscène, le public des Laurentides peut découvrir des artistes de renom, tout comme des talents émergents, sans devoir se déplacer jusqu’à Montréal. Chaque visite dans leurs salles est une promesse d’émerveillement, de réflexion et d’émotions brutes. C’est un privilège d’avoir accès à une programmation aussi riche et variée, portée par une équipe passionnée qui fait vivre la culture avec brio.


Billet du 14 mai 2021 : « Se caresser et manger sur les terrances »

Au moment où j’écris ces lignes, le Kraken de Seattle, nouvelle formation de la Ligue nationale de hockey qui entamera ses activités l’automne prochain, n’aligne qu’un seul joueur. Il s’agit de Luke Henman, le capitaine de l’Armada de Blainville-Boisbriand, dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Bien sûr, l’équipe se garnira au cours des prochains mois. On construira autour de Henman. Comme quoi il y a du talent dans la LHJMQ.

Le Canadien de Montréal l’a aussi reconnu, cette semaine, quand il a fait signer un contrat d’entrée à Rafaël Harvey-Pinard. Ironie du sort, cette signature est survenue quelques heures seulement après que le CH ait été pointé du doigt pour n’avoir disposé d’aucun joueur Québécois en uniforme lors d’un match, cette semaine, une première en 112 ans d’histoire. Il faut cependant préciser que si aucun joueur de sa formation n’était né au Québec, trois d’entre eux, Jake Allen, Paul Byron et Michael Frolik, sont des produits de la LHJMQ.

Faut-il s’en insurger ? Peut-être pas, il n’y a après tout rien d’étonnant dans cette situation et on s’y habitue rapidement, malheureusement. Pensez à la fois où on a fait grand éclat de l’absence totale de mots en français, même dans ses salutations, dans le premier discours de Saku Koivu à titre de capitaine de l’équipe. Inacceptable, c’était. Non seulement Koivu a-t-il poursuivi dans la même veine durant son long règne de capitaine du Tricolore, mais la plupart de ceux qui lui ont succédé ont suivi la tendance. Alors sans nécessairement s’en insurger, il faut constater que des correctifs peuvent être apportés et que la situation peut être facilement améliorée.

Quelqu’un me faisait remarquer qu’il n’y avait peut-être pas de joueurs québécois chez le Canadien, mais qu’il n’y avait pas plus de joueurs albertains chez les Oilers d’Edmonton, son adversaire, ce soir-là. Peut-être. Mais le Canadien de Montréal se doit de puiser dans son fief pour construire ses alignements. Cette obligation, il la doit à son histoire, la plus grandiose et la plus prestigieuse de toutes les équipes sportives d’Amérique du Nord, avec celle des Yankees de New York. Ses équipes victorieuses de 24 Coupes Stanley, la Sainte-Flanelle les a bâties avec des joueurs d’ici et des joueurs qui ont été développés par l’organisation. Actuellement, les proportions sont faibles dans les deux catégories. Il suffit de lire les premières pages du livre Georges Vézina : L’habitant silencieux, de Mikaël Lalancette, pour comprendre que le Canadien de Montréal était l’équipe des francophones, des Canadiens français, dès le début de son histoire. Quand on parle de Tradition avec un grand T, chez le Canadien, ce n’est pas seulement celle des bras meurtris qui tendent le flambeau, c’est celle des Georges Vézina, des Maurice Richard, des Jean Béliveau, des Guy Lafleur, des Patrick Roy, des Stéphane Richer et des nombreux autres joueurs d’ici qui ont vu leur nom être gravé sur la Coupe.

J’ai couvert les activités de l’Armada de Blainville-Boisbriand durant ses six premières saisons. La loge des dépisteurs des équipes de la LNH n’est pas très loin de la galerie de presse, au Centre d’excellence sports Rousseau. Je peux affirmer y avoir vu des représentants de plusieurs équipes beaucoup plus souvent que ceux du Canadien.

Bien sûr, le nombre de joueurs de la LHJMQ ayant gradué dans la LNH a considérablement chuté, au cours des dernières décennies. On parle d’une cinquantaine, actuellement, soit une moyenne d’un peu plus d’un joueur par équipe. Mais il se trouve quand même des Penguins de Pittsburgh ou un Lightning de Tampa Bay qui ont su donner leur chance à plusieurs jeunes joueurs issus du Québec et qui en comptent en ce moment plus que le Canadien. Les Penguins ont même procédé, à Pittsburgh, à une soirée entièrement francophone, il y a deux ou trois ans.

Chaque année, au repêchage amateur, le talent se situe dans les deux premières rondes. Au-delà de la deuxième ronde, le repêchage devient pratiquement un coup de dés. Marc Bergevin et Trevor Timmins devraient comprendre qu’ils ont tout intérêt à ne pas laisser les autres équipes venir leur damer le pion dans leur propre cour. Après tout, quand on regarde le peu de joueurs repêchés par le Canadien qui ont joué 100 matchs et plus dans la LNH au cours des 15 dernières années, on se dit qu’il n’y a pas grand chose à perdre à tenter sa chance avec les talents locaux.


Dans le cours de français

Je le mentionne chaque année à mes élèves, le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue au Canada. Les neuf autres provinces n’ont qu’une seule langue officielle, le français pour le Québec, l’anglais pour les autres.

La ville ontarienne d’Ottawa possède cependant le statut de ville bilingue, en tant que capitale du Canada qui, lui, est un pays fondé à partir de deux langues officielles. Ceci en théorie, bien sûr, parce qu’en pratique, l’une des deux langues peut se retrouver avec quelques imperfections.

C’est ainsi que jeudi après-midi, Santé publique Ottawa a diffusé un message dans un français plutôt approximatif sur Twitter. En voici un extrait :

Difficile de ne pas avoir certaines images dans sa tête…

#LeProfCorrige

Je n’aurai pas à mettre de trop grands efforts pour corriger, Santé publique Ottawa ayant fait amende honorable moins d’une heure plus tard. L’organisme a d’abord présenté ses excuses, avant de publier des phrases revues et corrigées.

On remarque que ces phrases ne sont toujours pas très bien construites, mais elles se tiennent beaucoup mieux.


Dans le cours de mathématiques

Cette semaine, je me suis replongé dans mes souvenirs du début de mon secondaire, alors que je devais enseigner à mes élèves l’ensemble des entiers naturels et l’ensemble des entiers relatifs. Bien entendu, en 6e année du primaire, on ne parle que des nombres entiers, sans préciser s’ils sont naturels ou relatifs.

Comme il m’arrive souvent de le faire, j’ai toutefois procédé à une incursion dans la matière du secondaire, histoire de montrer aux élèves les fameuses lettres à pattes supplémentaires que j’aimais beaucoup dessiner. Ainsi, les nombres entiers naturels étaient représentés par un , alors les entiers relatifs s’affichaient avec un .

Les nombres entiers naturels sont les nombres entiers de 0 jusqu’à l’infini.

ℕ = {0, 1, 2, 3, 4, …}

Il y avait aussi le fameux ℕ *, qu’on appelait N étoilé, qui comprenait la même séquence, à l’exception du 0.

ℕ * = {1, 2, 3, 4, …}

Quant à l’ensemble des entiers relatifs, il comprend tous les entiers négatifs et tous les entiers positifs.

= {…, −3, −2, −1, 0, 1, 2, 3, …}

Évidemment, on pousse plus loin au secondaire, avec les nombres rationnels et les nombres réels. Mais là-dessus, je me garde une réserve devant mes jeunes élèves. Chaque chose en son temps !


Dans le cours de musique

Depuis les dernières années, la tendance est aux « covers », ces reprises musicales de chansons ou de pièces instrumentales plus ou moins anciennes. Plusieurs artistes de tous azimuts s’y sont ainsi adonnés. Parmi les derniers en lice, Tire le coyote et Jeannot Bournival, qui ont lancé la semaine dernière un court recueil de reprises acoustiques de six chansons québécoises, ayant pour titre Le temps des autres. Dans le lot, mon coup de coeur va à Boom boom, ce merveilleux poème musical de Richard Desjardins.

C’est cependant La vie d’factrie, de Clémence Desrochers, que je vous propose aujourd’hui. Si cette chanson vieille de près de 60 ans a connu quelques reprises à travers les années, je pense entre autres à celles de Renée Claude et de Marie Michèle Desrosiers, c’est à ma connaissance la première fois qu’elle est interprétée par un homme, alors que Tire le coyote lui prête sa voix.

Tire le coyote et Jeannot Bournival – La vie d’factrie – Le temps des autres – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Cette nouvelle, j’ai bien failli ne pas l’inclure dans cette rubrique, pour une question environnementale. Les arrangements convenus entre les diverses parties impliquées me permettent toutefois d’en faire mention ici.

C’est à Beauharnois, en Montérégie, que Google implantera son premier centre de données au Canada. L’investissement de l’entreprise s’élèvera à 735 millions $ et créera une trentaine d’emplois permanents, après que la construction ait nécessité l’embauche de plusieurs centaines de travailleurs d’ici. Des zones infonuagiques sont exploitées à Montréal et à Toronto depuis les deux dernières années.

Le centre sera érigé sur un terrain appartenant actuellement à Hydro-Québec, et de cela auraient pu découler quelques conséquences politiques, en lien avec la question environnementale. C’est que le terrain en question est situé en zone agricole et que malgré l’interdiction de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) d’y construire le bâtiment, le gouvernement du Québec a décrété une mesure d’exception et outrepassé la décision de la CPTAQ en autorisant la construction en zone verte.

Hydro-Québec a ainsi imposé son terrain, malgré l’offre de la ville voisine de Salaberry-de-Valleyfield d’offrir un terrain similaire en zone dédiée aux télécommunications. La société d’état compensera en offrant d’autres terres pour au moins l’équivalent des pertes de territoires agricoles, alors que le gouvernement du Québec investira plus de 6 millions $ dans des organismes et projets voués à l’agriculture. Au final, il semble que tout le monde soit heureux.