Billet du 9 février 2024 : Doigt d’honneur à l’index

La littérature jeunesse québécoise s’est retrouvée sur la sellette, ce jeudi.

D’abord au Missouri, quand Valentina Gomez, candidate républicaine au poste de secrétaire d’État de l’endroit, dans un geste d’éclat, a brûlé au lance-flammes un exemplaire du livre Naked, version traduite de Tout nu !, un lexique de 150 mots sur la sexualité s’adressant aux adolescents. Ce bouquin, écrit par Myriam Daguzan Bernier et illustré par Cécile Gariépy, aborde différents thèmes comme l’identité et l’estime de soi, mais aussi la masturbation, l’avortement et les infections transmises sexuellement.

C’est ce que madame Gomez, une militante MAGA (Make America Great Again), veut combattre. Je précise ici que sa mise en scène survient au lendemain d’un vote au Sénat du Missouri, où les avortements sont interdits depuis deux ans. Ce vote stipule que les interruptions de grossesse demeurent illégales même dans les cas de viols et d’inceste. 1 On ne peut même plus qualifier ces politiques de conservatrices. Elles reculent le temps en ramenant une population plus d’un demi-siècle en arrière.

L’autre nouvelle relate un événement qui s’est produit à Montréal. La Bibliothèque juive de Montréal a fait retirer de ses rayons tous les livres de l’autrice et illustratrice Élise Gravel. Non, ce n’est pas parce que madame Gravel a parlé de fesses dans un de ses livres. C’est plutôt en raison de cette publication, le 2 janvier dernier, sur sa page Facebook :

Source : Facebook (Élise Gravel)

Aïe, aïe, aïe ! Et je m’aperçois que je me suis même permis un « J’adore » quand elle a publié. Je souscris toujours à ses propos cinq semaines plus tard. Le peuple juif a souffert de l’Holocauste. Je dénonce l’Holocauste. Le peuple palestinien souffre de ce que lui fait subir le gouvernement israélien. Je dénonce les attaques israéliennes qui, effectivement, peuvent maintenant être qualifiées de génocide, quoi qu’en disent plusieurs personnalités politiques d’ici et d’ailleurs. Je dénonce aussi les violences du Hamas. Mais le Hamas, ce n’est pas la Palestine. Et le gouvernement israélien n’est pas tout le peuple juif. Je dénonce haut et fort les récentes attaques à l’arme à feu contre des écoles juives de Montréal.

Élise Gravel s’affiche comme pacifiste, ce qui a valu la mise à l’index de ses œuvres par une institution littéraire montréalaise. Quel message faut-il y décoder ?

J’espère que les dérapages s’arrêteront ici.

1 Ballentine, Summer. Missouri : Le Sénat vote contre l’avortement en cas de viol ou d’inceste. La Presse, Montréal, selon Associated Press. Le 7 février 2024.


Dans le cours de français

Mes élèves écrivaient, cette semaine. L’un d’eux m’a demandé s’il pouvait utiliser le mot week-end. Je le fais moi-même parfois, mais dans un contexte scolaire francophone, c’est différent. Je lui ai mentionné que, comme le mot cool, week-end est un mot de langue anglaise maintenant intégré dans les dictionnaires francophones. Toutefois, s’il existe une expression française équivalente, c’est cette dernière qui doit être employée dans sa composition.

Qu’est-ce que le premier ministre aurait dû dire, ici ?

#LeProfCorrige

Les jeunes trouvent ça amusant, ou sympathique, plutôt que cool.

En passant, monsieur Déry, « priceless » ne se trouve dans aucun dictionnaire francophone, contrairement au cool de François Legault !


Dans le cours de musique

Elle est Montréalaise, elle possède toute une voix et elle a remporté un prix Grammy, dimanche dernier. Avec sa chanson Eve Was Black, voici Allisson Russell.

Allisson Russell – Eve Was Black – The Returner – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Je ne me lasserai jamais de voir des Québécois nous faire rayonner sur la planète. La chanteuse folk Allisson Russell et le maestro Yannick Nézet-Séguin l’ont fait dimanche dernier, remportant chacun un prix Grammy à la grand-messe de la musique américaine.

Allisson Russell a remporté le prestigieux trophée dans la catégorie Roots americana, grâce à sa chanson Eve Was Black, alors que Yannick Nézet-Séguin, avec le Metropolitan Opera, a remporté celui du meilleur album d’opéra, avec Blanchard : Champion.


Billet du 15 septembre 2023 : Portes closes

Il y a quelques semaines, la direction d’une école secondaire a écrit aux parents des élèves qu’elle accueille pour leur signifier que des travaux seraient effectués dans l’établissement. Dans le cadre de ces rénovations, on projette de transformer les toilettes genrées en toilettes mixtes. La lettre a fait le tour des réseaux sociaux et des médias québécois. Elle a suscité plusieurs réactions. Il y avait les contres et il y avait les autres. Les premiers s’opposaient, décriaient, se moquaient. Les seconds s’interrogeaient sur le bien-fondé de la décision.

La réponse est pourtant claire : même chez les plus jeunes, l’identification à un genre ne correspond pas toujours à son sexe, alors que c’est ce dernier qui détermine les salles de bain qu’on doit utiliser lorsqu’elles ne sont pas mixtes. Et ceci soulève un autre débat : à quel âge peut-on choisir légalement le genre auquel on s’identifie ? Comme c’est souvent le cas, plusieurs s’improvisent experts en la matière et prennent position sans connaître tous les tenants et aboutissants.

Le ministre de l’Éducation annonce tout d’un coup qu’il n’acceptera jamais des toilettes mixtes dans une école. Problème, non seulement l’école dont il est question plus haut a démarré ses travaux, mais durant la polémique, d’autres écoles sont sorties de l’ombre et ont indiqué qu’elles possédaient déjà des toilettes non genrées. Que fait-on, maintenant ?

Des toilettes mixtes, pourtant, il s’en trouve à une multitude d’endroits. À l’école où j’enseigne, celles du personnel le sont. Il y a celles des avions, celles de plusieurs restaurants, de cliniques et autres endroits publics. À la fin du mois d’août, j’ai vu la pièce Grandeur minimale requise, au Petit théâtre du Nord. Les salles de bain de l’endroit ne disposent que d’une seule entrée, pour tout le monde. Ceci correspond à une réalité contemporaine.

En éducation, autant on peut laisser traîner des situations intenables, autant on peut en balayer d’autres du revers de la main sans en avoir convenablement étudié ses impacts. Opinion publique, quand tu nous tiens.


Et je cite :

« Ça fait des années que nos ministres de l’Éducation regardent nos écoles tomber en ruine, et des milliers d’élèves arriver à l’école le ventre vide, sans rien faire. Mais quand il est question de toilettes ou de prières, c’est réglé en dix minutes… »

Patrick Déry, chroniqueur et analyste, le 13 septembre 2023.

Je ne saurais mieux dire.


Dans le cours de français

Je suis un enseignant. Je transmets des connaissances à mes élèves. En ce sens, je leur apprends des choses.

Mes élèves reçoivent ce que je leur transmets. Ils apprennent de mon enseignement.

Le verbe apprendre peut être utilisé dans les deux sens. C’est la même chose pour le verbe louer. Tant le locateur que le locataire peuvent prétendre louer un appartement ou un véhicule.

Cette semaine, j’ai découvert qu’on appelle énantiosème un mot qui exprime à la fois une chose et son contraire. Outre apprendre et louer, on trouve dans cette catégorie des mots comme amateur (connaisseur et débutant), hôte (qui invite ou qui est invité), quelqu’un (personne quelconque ou personne extraordinaire) et unisexe (genres séparés ou genres réunis).

L’extension ne va cependant pas jusqu’à suggérer la tendance énantiosémique d’une personnalité politique. Et pourtant !


Dans le cours de musique

Entre 2005 et 2012, le groupe Karkwa a lancé cinq albums, dont un hors-série et un en public. Il aura fallu attendre onze ans pour les voir récidiver, mais treize pour goûter de nouveau à du matériel original. Avec la parution de Dans la seconde, c’est un retour agréable pour la formation musicale. L’extrait que je vous propose a pour titre Parfaite à l’écran.

Karkwa – Parfaite à l’écran – Dans la seconde – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Le roman Que notre joie demeure, de l’auteur québécois Kevin Lambert, se retrouve en lice pour le prestigieux Prix Goncourt, édition 2023. La première sélection comprend seize titres. Le mois prochain, on la réduira à huit, puis à quatre, avant d’annoncer le gagnant en novembre.