Monsieur Drainville,
Lundi dernier, en point de presse tôt le matin, l’exécutif de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a réclamé votre départ à titre de ministre de l’Éducation. Plus tard en journée, vous leur avez répondu ceci, à partir de votre compte Facebook :
Une réponse courte, à laquelle je n’apporterai aucun autre qualificatif, mais qui suscite chez moi plusieurs éléments de réplique. Je ne sais pas trop par où commencer, alors je vous laisserai m’imposer l’ordre en y allant chronologiquement.
« Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un syndicat qui a privé nos enfants d’école pendant 5 semaines de grève et qui utilise l’argent de ses membres pour contester la loi sur la laïcité. »
Vos premiers mots m’incitent à commencer par une boutade. Personne n’est mieux placé que les enseignantes et les enseignants pour donner des leçons. C’est leur travail. Le problème, et vous devez en assumer une part de responsabilité, c’est qu’il s’en trouve de plus en plus pour le faire sans détenir de brevet d’enseignement. Malgré cette lacune importante, vous avez trouvé une façon d’en « qualifier légalement » un grand nombre, avec une manipulation administrative que Radio-Canada a dévoilée, cette semaine. 1
« Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un syndicat qui a privé nos enfants d’école pendant 5 semaines de grève et qui utilise l’argent de ses membres pour contester la loi sur la laïcité. »
Dois-je vous rappeler, monsieur Drainville, que ce syndicat bénéficiait d’un vaste appui populaire durant ces cinq semaines de grève ? Malgré ce qu’il leur en coûtait, les familles réalisaient les piètres conditions du système d’éducation dans lequel ils envoient leurs enfants au quotidien. Et c’est au gouvernement, beaucoup plus qu’aux syndicats de l’enseignement, qu’ils en imputaient la responsabilité.
Vous déteniez d’ailleurs le pouvoir de mettre fin à cette grève en tout temps, par une loi spéciale adoptée grâce à votre majorité à l’Assemblée nationale ou par décret. Si vous aviez réellement cru à ce point en la gravité de la situation, j’ose croire que vous l’auriez fait.
« Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un syndicat qui a privé nos enfants d’école pendant 5 semaines de grève et qui utilise l’argent de ses membres pour contester la loi sur la laïcité. »
La FAE a été le syndicat qui m’a représenté durant une grande partie de ma carrière. Croyez-moi, je me suis maintes fois opposé à certaines de ses positions. Mais cette fois-ci, j’accueille favorablement sa démarche devant les tribunaux. Je suis entièrement en faveur de la laïcité de l’État. La FAE l’est aussi, du moins en principe. Ce qu’elle conteste, c’est la disposition qui empêche plusieurs de ses membres de porter certains signes religieux au travail. Ces personnes paient des cotisations, comme les autres. Elles ont le droit d’être défendues.
« L’école existe pour nos enfants, nos élèves.
C’est pour eux que je me bats, jour après jour. »
Ici, monsieur Drainville, j’aurais besoin de précisions. Les enseignantes et les enseignants se battent quotidiennement pour leurs élèves. Les professionnels de l’éducation également. Comme les directions d’écoles. Les orthopédagogues, les techniciennes en éducation spécialisée, les aides pédagogiques, le personnel des services de garde, tous ces gens se dévouent pour les élèves. Je le sais, je suis sur le terrain depuis plus de 30 ans.
Vous êtes ministre de l’Éducation depuis près de trois ans. Je cherche encore une situation où je vous aurais vu vous battre à nos côtés. Quand vous affirmez le faire jour après jour, j’aimerais des exemples. Parce que ceux que j’ai en tête vont dans l’autre sens.
Vous avez beau prétendre qu’il n’y a pas de coupes en éducation, il est difficile de vous croire quand les montants précis nous ont été communiqués. Et de refuser de garantir que chaque élève recevra les services éducatifs auxquels il a droit donne plutôt à penser que le camp que vous avez choisi est celui des politiques de votre gouvernement, pas celui des élèves. 2
Les centres de services scolaires, pris en étau entre les directives ministérielles et les compressions budgétaires déguisées, n’ont souvent d’autre choix que de jongler avec les ressources pour limiter les dégâts.
« Je vais continuer. »
Autorisez-moi donc une suggestion : faites-le avec les personnes qui ont réellement une passion pour l’éducation, et non avec celles qui l’évoquent seulement pour des raisons électorales. Et surtout, faites-le sur le terrain. Parce qu’actuellement, l’image que les gens du milieu se forgent de leur ministre reflète la condescendance et la méconnaissance des dossiers. Et quand, au gré de certaines déclarations maladroites, vous les avez heurtés sur leur salaire 3, leur tâche 4 ou leur formation 5, il m’est difficile de les blâmer.
Veuillez agréer, monsieur Drainville, l’expression de mes sentiments distingués.
Jean-Frédéric Martin, pédagogue
1 Bussières McNicoll, F. (2025, 26 juin). Plus d’enseignants légalement qualifiés « par magie ». ICI Radio‑Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2175568/enseignants-legalement-qualifies-regles-quebec
2 98.5 Montréal. (2025, 18 juin). « Je ne peux pas garantir que chaque élève va avoir tout ce dont il a besoin » [Fichier audio]. https://www.985fm.ca/audio/706665/je-ne-peux-pas-garantir-que-chaque-eleve-va-avoir-tout-ce-dont-il-a-besoin?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Threads%23Echobox%3D1750251426
3 Radio‑Canada. (2023, 17 mai). Salaire des enseignants : Le ministre Bernard Drainville dans la tourmente [Texte en ligne]. Consulté le 27 juin 2025, sur https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1980263/controverse-drainville-salaire-professeur
4 Le Devoir. (2023, 17 août). Éducation : les classes de maternelle sont moins exigeantes, dit Drainville. Le Devoir. Repéré à https://www.ledevoir.com/societe/education/796435/education-les-classes-de-maternelle-sont-moins-exigeantes-dit-drainville
5 Le Devoir. (2023, 29 août). Bernard Drainville confiant qu’il y a un adulte dans chaque classe pour la rentrée. Le Devoir. Repéré à https://www.ledevoir.com/politique/quebec/797043/bernard-drainville-confiant-qu-il-y-a-un-adulte-dans-chaque-classe-pour-la-rentree
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Salut Serge !
La bonne nouvelle de cette semaine
Quelle excellente nouvelle pour les cinéphiles québécois : le prochain film de la célèbre série James Bond sera réalisé par Denis Villeneuve. Oui, le Denis Villeneuve, enfant de Bécancour, formé ici, chez nous, dans nos écoles. L’annonce faite cette semaine confirme que, non seulement il sera réalisateur, mais aussi producteur exécutif, en compagnie de sa conjointe, Tanya Lapointe. Voir un créateur québécois à la tête d’un projet aussi emblématique, c’est plus qu’une fierté nationale : c’est la preuve qu’un regard façonné par notre culture peut maintenant éclairer l’un des univers cinématographiques les plus suivis de la planète.
Le choix de Villeneuve s’impose avec évidence. Son approche cinématographique, à la fois sobre, puissante et empreinte d’une grande humanité, pourrait bien redonner souffle à une série qui cherche constamment à se réinventer. Après Arrival, Blade Runner 2049 et Dune, on sait qu’il saura conjuguer profondeur narrative et puissance visuelle. C’est un moment marquant pour le cinéma québécois : non seulement un des nôtres fait son entrée dans la grande famille Bond, mais il le fait en y apportant son intégrité artistique et sa sensibilité. Cette fois, ce n’est pas seulement l’agent secret qui est en mission spéciale… c’est aussi le Québec.










