Billet du 17 avril 2020 : Il ne faut jamais prioriser un déconfinement

Dans le cours de français

Que priorisera le gouvernement du Québec, lorsqu’il commandera le début du déconfinement ?

Priorisera. Du verbe prioriser. Croyez-le ou non, après toutes ces années d’enseignement et de journalisme, c’est la première fois que j’emploie ce verbe dans une de mes phrases. C’est que malgré son emploi fréquent dans tous les médias, ainsi que dans plusieurs ouvrages littéraires, ce n’est qu’en 2014 qu’il a fait son entrée dans le Robert et dans le Larousse. L’Office québécois de la langue française accepte maintenant son utilisation, sans toutefois la recommander. L’Académie française, de son côté, continue de proscrire le verbe prioriser.

Jusqu’en 2014, le Multidictionnaire de la langue française, un ouvrage de référence québécois, était le seul dictionnaire spécialisé dans la langue de Molière à permettre son utilisation, soulignant cependant son impropriété.

Alors, que priorisera le gouvernement du Québec, lorsqu’il commandera le début du déconfinement ?

Déconfinement ? Vraiment ? Sachez que le verbe déconfiner n’est présent que dans le dictionnaire de l’encyclopédie Universalis. Le nom déconfinement est absent de tous les ouvrages et aucun organisme voué au bon emploi de la langue française ne fait mention de son existence. Il faudra donc attendre avant de pouvoir l’utiliser correctement, n’en déplaise aux scribes québécois.

#LeProfCorrige

Je reprends encore ma question :

À quels secteurs d’activité le gouvernement du Québec donnera-t-il priorité, lorsqu’il commandera la fin graduelle du confinement ?

Je l’ignore autant que vous !


Dans le cours d’éthique et culture religieuse

S’il est une leçon que la tragédie du Walmart de Sherbrooke nous permet de tirer, c’est qu’il faut s’abstenir de juger et de tirer des conclusions quand on n’a pas tous les éléments en main. Celui que la société avait déjà condamné, lui accolant une multitude de qualificatifs haineux, verra possiblement toutes les accusations déposées contre lui être levées, pour cause de légitime défense.

C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai de mentionner quoi que ce soit sur les propriétaires et administrateurs du CHSLD Herron. Je laisserai plutôt les trois enquêtes suivre leur cours et attendrai leurs conclusions.

Mais les faits demeurent : il y a plus d’une trentaine de résidents de cet établissement qui, en l’espace de quelques jours, sont décédés de la COVID-19. Et cette nouvelle s’est avérée le point de départ d’une série d’histoires d’horreur en CHSLD, dont l’actualité a été ponctuée tout au long de la semaine.

Le mahatma Gandhi a déclaré un jour qu’on reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. Je m’inscris en faux contre cette affirmation de ce personnage pourtant admirable. Selon moi, le degré de civilisation d’un peuple se mesure à la manière dont il traite ses enfants et ses aînés.

Sauf quelques rares exceptions, les Québécois traitent bien leurs animaux. Et j’aurai certainement l’occasion de revenir, au gré de l’actualité des prochains mois, sur notre façon de traiter nos enfants. Sur la manière de traiter nos aînés, le chat commence à sortir du sac et les premiers constats ne sont guère reluisants. Comme si, durant plusieurs années, nous avions fermé individuellement les yeux sur des situations gênantes qui, une ou deux générations plus tard, éclatent au grand jour et nous plongent collectivement dans la honte.

Mais je vous rappelle que je ne dispose présentement pas de tous les éléments et que, par conséquent, il m’est difficile d’exprimer ici une position juste et crédible. Je laisserai donc parler quelques chiffres.


Dans le cours de mathématiques

Nous nous attarderons aux statistiques. Ensuite, nous verrons s’il y a lieu d’établir une corrélation avec l’opinion de certains experts.

Hier midi, j’ai lancé une recherche visant à comparer les fameuses courbes dont il est abondamment question, depuis le début de la crise. Un élément a d’abord retenu mon attention. Il se trouve sur le graphique suivant, qui illustre le nombre de personnes atteintes du coronavirus, par bloc de 100 000 habitants.

Je suis demeuré étonné de constater à quel point la courbe du Québec se confond avec celle des États-Unis. Je rappelle que depuis le début, on entend dire que la situation est sous contrôle au Québec, alors que celle de nos voisins du Sud semble beaucoup plus chaotique, selon différents bulletins de nouvelles. Les deux courbes sont même supérieures à celles de la France et de l’Italie, dont les réalités nous ont effrayés quelques semaines avant l’éclosion chez nous.

La courbe du Canada, malgré qu’elle inclue celle du Québec, s’approche de celles des états les moins touchés dans la catégorie.

Voyons maintenant les courbes illustrant le nombre de décès par 100 000 habitants. (Source : radio-canada.ca)

Ici, deux réalités. D’abord, si on se fie au premier tableau, il est évident que toutes proportions gardées, on meurt moins au Québec qu’en Espagne, en Italie, en France et aux États-Unis, ce dernier pays nous ayant récemment distancés à ce chapitre.

Le deuxième tableau, celui des mortalités canadiennes, nous montre une courbe québécoise beaucoup plus élevée et moins linéaire que la moyenne du pays. Notons que seulement quatre provinces apparaissent sur ce diagramme, les six autres et les trois territoires ne présentant pas la combinaison minimale de 1000 cas et 10 décès pour en faire partie. Leurs statistiques sont cependant incluses dans la courbe du Canada.

Il y a lieu de s’interroger sur la part importante de cas et de décès au Québec, comparé au reste du Canada. Dans les deux cas, en date d’hier, on parle de 53% du total canadien. François Legault a fourni un premier argument plausible lorsqu’il a mentionné que notre semaine de relâche était arrivée à un bien mauvais moment. Et il est vrai que les quatre premiers décès, survenus dans une résidence pour retraités de Lanoraie, sont directement reliés à une seule personne infectée lors d’un voyage, durant la relâche scolaire.

Une autre statistique, dévoilée au Téléjournal de Radio-Canada d’hier soir, ajoute une explication importante. Au Québec, 70% des décès liés à la COVID-19 concernent des gens vivant dans des résidences pour aînés, qui incluent les CHSLD. Et retenez bien ce qui suit : au Canada, 6% des aînés vivent dans de telles résidences. Au Québec, cette proportion grimpe à 20%.


Dans le cours d’éthique et culture religieuse, deuxième période

Ici, on parle de choix de société. Un aîné sur cinq est parqué dans une résidence, alors que le reste du Canada favorise, et de loin, les soins gériatriques à domicile. Il est maintenant clair que ceci pèse lourd dans les statistiques québécoises. A-t-on négligé les CHSLD dans les budgets du ministère de la Santé et des Services sociaux ? Chose certaine, ils ont réussi à garder la tête hors de l’eau, jusqu’à la présente crise. Mais maintenant, comme je mentionnais plus haut, la gêne individuelle fait place à la honte collective.

Cette semaine, Yves Boisvert a publié un excellent texte sur les dérapages du système et sa sortie de piste en ce temps de crise. Dans sa chronique, il cite deux médecins qui n’évoquent rien de moins qu’un génocide gériatrique au Québec.

Je refuse de croire que nous en sommes là. Mais il faut agir. Et vite.


Dans le cours de mathématiques, deuxième période

Chaque année, lorsque j’enseigne les diagrammes à mes élèves, mon préféré demeure le diagramme en arbre. C’est à partir de tels diagrammes qu’on bâtit les algorithmes des programmes informatiques, incluant les jeux vidéos, ainsi que les romans dont vous êtes le héros. Ils sont aussi très utiles pour le calcul des probabilités.

Et ils constituent également le modèle de base de tout organigramme. À ce sujet, je vous invite à jeter un œil sur l’organigramme du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Quand ce sera fait, vous comprendrez sans doute la lourdeur du système, pourquoi n’importe quelle décision risque de se perdre dans les méandres de ces nombreux paliers. Et je devine que c’est souvent ce qui arrive.

Pour paraphraser la devise d’une défunte institution québécoise, c’est pas parce qu’on rit que c’est drôle.


Dans le cours de musique

Cette semaine, je vous suggère une pièce du violoniste Alexandre Da Costa, tirée de son album Stradivarius BaROCK. Alexandre Da Costa est un virtuose montréalais de 41 ans, qui cumule déjà plus de 30 années de récitals et d’études musicales. Dans cet album, paru l’automne dernier, il mêle allègrement le rythme au classique, appuyé par quelques belles voix locales, dont La Bronze et Bruno Pelletier.

Dans l’extrait que je vous propose, le titre parle de lui-même : Toccate & Boogie. À quoi ressemblerait l’une des œuvres les plus connues de Bach si on lui accolait un rythme de piano afro-américain du siècle dernier ? Je vous laisse le découvrir ! En ce qui me concerne, le résultat est très intéressant.

#musiquebleue


La bonne nouvelle de cette semaine

Moins de 24 heures après le cri du cœur du premier ministre François Legault, ce sont plus de 2000 médecins spécialistes qui ont répondu à son appel et qui se présenteront dans les CHSLD pour combler les besoins en main-d’œuvre. Ils acceptent ainsi d’effectuer des tâches pour lesquelles ils se savent surqualifiés. C’est tout à leur honneur.

Mesdames, messieurs, bravo et merci.

Billet du 10 avril 2020 : Fantaisie bleue

C’est bien le titre d’une chanson de Michel Fugain qui a inspiré celui de mon billet de ce matin. Parce que pour plusieurs raisons, et de plusieurs manières, la dernière semaine nous a fait voir la vie en bleu.

***

Dans le cours d’univers social

En fait, si j’étais enseignant au secondaire, j’aurais sous-titré Dans le cours d’économie. Au primaire, j’imagine qu’on inclurait ce qui suit dans les périodes d’univers social.

À l’intérieur de mon billet de la semaine dernière, je suggérais que le Québec produise ses propres masques N95, à défaut de pouvoir compter sur des livraisons fiables de ses partenaires. J’étais loin de me douter que c’était un projet d’autosuffisance de beaucoup plus grande envergure qui se trouvait sur la planche à dessin.

L’idée de créer le Panier Bleu allait de soi, particulièrement dans le contexte pandémique actuel. Je m’étonne cependant qu’elle surgisse aussi tard qu’en 2020, alors que le Québec a quand même vu défiler plusieurs dirigeants politiques autonomistes, au cours des 50 dernières années.

Quoi qu’il en soit, le mérite est grand et il revient au gouvernement actuel, qui a su plancher très rapidement sur le sujet et lancer le projet à l’intérieur de délais très courts. L’engouement des Québécois ne se dément pas, chacun manifestant sa volonté de suivre le guide. Les problèmes avec les serveurs hébergeant le site, dans les heures qui ont suivi l’annonce, en constituent un exemple. L’emballement sur les réseaux sociaux en illustre un autre. Moins d’une semaine après son lancement, la page Facebook Le Panier Bleu compte plus de 11 000 membres. Quant à la page J’achète Québécois, lancée par Humania Marketing, c’est près de 116 000 adeptes qu’elle regroupe, en date d’aujourd’hui.

Acheter des produits fabriqués ici, dans des commerces d’ici, c’est bien sûr encourager les travailleurs d’ici et conserver les capitaux ici. Mais c’est aussi limiter les importations, avec tout ce que cette réduction du transport de marchandises peut avoir de bénéfique pour l’environnement.

Acheter bleu contribue donc à nous rendre plus verts !

***

Dans le cours de français

Le confinement semble être en train d’avoir raison d’une des plus terribles fautes de français que le Québec subit, particulièrement depuis l’émergence des réseaux sociaux. Avec l’apparition du mouvement Ça va bien aller et des nombreux arcs-en-ciel arborant ce thème, avez-vous remarqué à quel point les « Sa va… » sont pratiquement devenus inexistants dans les publications populaires ?

C’est à souligner. Ou à surligner en bleu.

***

Dans le cours d’univers social, deuxième période

J’ai passé une grande partie de la semaine à me promener autour du monde. Virtuellement, bien sûr. Avec le téléviseur de mon bureau qui, depuis trois semaines, diffusait RDI presque sans arrêt, j’ai ressenti le besoin de prendre une pause. Donc, entre le Horacio Show de 13:00 et l’entrevue quotidienne avec le Docteur Weiss, à 17:30, j’ai syntonisé EarthTV.com. C’est une chaîne YouTube qui alterne aux 12 secondes les images en direct de webcaméras situées dans plusieurs grandes villes de la planète.

Deux éléments ont particulièrement retenu mon attention. Le premier, ce sont les rues, les boulevards et les plages déserts partout, vraiment partout. Il y a quelque chose de rassurant dans ce constat, en ce sens où des règles d’isolement sont observées par toutes les nations touchées par la COVID-19. Mais il y a aussi cette image un brin apocalyptique, digne d’un film de science-fiction, qui donne un peu froid dans le dos.

Le second élément qui a retenu mon attention, c’est que le ciel est toujours bleu quelque part. Et de ce côté, tout est rassurant.

***

Dans le cours d’univers social, troisième période

Suite à une discussion que j’ai suivie sur Twitter, dimanche soir, j’ai installé l’application Flightradar24 sur mon téléphone cellulaire. Toute la semaine, à plusieurs moments de la journée, je me suis rendu vérifier le trafic aérien sur la planète. En ce temps de confinement mondial, je pensais sincèrement que les avions, mis à part le cargo, étaient cloués au sol.

Cette capture d’écran a été prise le jeudi 9 avril, vers midi. Elle reflète bien ce que j’ai pu constater toute la semaine. Le résultat donne presque une peur bleue.

***

Dans le cours de musique

Suivant le même principe que le Panier bleu, l’auteur-compositeur-interprète Philémon Cimon a proposé, cette semaine, le mot-clic #musiquebleue. Il veut de cette façon sensibiliser la population à la réalité vécue par les artistes, durant la pandémie de la COVID-19. Rappelons ici que les annonces d’annulations de spectacles, printaniers d’abord, estivaux ensuite, se sont succédées au cours des derniers jours.

Ainsi, il suggère entre autres solutions que les stations de radio de la province revoient leur programmation, de manière à augmenter considérablement la diffusion de musique québécoise. Peu importe la langue dans laquelle la chanson est écrite et chantée, en autant qu’elle le soit par une artiste ou un artiste d’ici. Déjà, plusieurs stations ont répondu favorablement à cette initiative. De diffuser sa musique contribue grandement à faire connaître un artisan, ce qui a d’ordinaire un effet important sur la hausse des ventes de son matériel.

De mon côté, j’utiliserai mon billet hebdomadaire, sur cette plateforme, pour présenter bien humblement une oeuvre d’un artiste d’ici.

Je commence cette semaine avec Maude Audet et sa chanson Demande-moi. J’ai découvert cette artiste très récemment. De ses chansons, je retiens des textes poétiques et un son qui évoque plusieurs chansons de Gainsbourg, servies à la sauce d’aujourd’hui. Dans ses arrangements musicaux, elle ose la harpe et la flûte traversière qui, mêlées à d’autres instruments et sa voix empreinte de naïveté, donnent un résultat qui joue en boucle dans mes écouteurs, ce qui est plutôt rare pour l’amant de variété que je suis.

Je le précise, je paie pour la musique que j’écoute.

***

La bonne nouvelle de cette semaine

Les nouvelles des derniers jours ont démontré à quel point il fallait prendre soin de nos aînés. Je salue ici l’initiative de gens de Charlesbourg, en banlieue de Québec, qui ont vu à organiser un bingo pour les résidents d’une maison pour personnes âgées de l’endroit. L’activité respectait toutes les règles édictées par le gouvernement du Québec et la direction nationale de la Santé publique. Et surtout, elle a soigné les bleus à l’âme de tous ces confinés.

Le court reportage qu’en a fait Radio-Canada vaut la peine d’être visionné.

***

Bon week-end de Pâques à vous ! Les rencontres se voudront différentes, cette année, mais il existe plusieurs façons de les rendre agréables et mémorables. En cuisinant le repas en famille, par exemple. Chacune et chacun pourra ainsi mettre à profit ses talents de… cordon bleu !