Billet du 4 novembre 2022 : La logique mathématique

Nous sommes dans la soirée du 29 septembre 2004, au Stade olympique de Montréal. Dans les gradins, le long de la ligne de démarcation du champ droit, nous sommes un groupe d’amis venus assister au dernier match des Expos dans la métropole québécoise. Parmi nous se trouve un journaliste du cahier des sports du quotidien La Presse. S’il est question de baseball dans presque toutes nos discussions, nous abordons quand même le thème de la politique québécoise, notamment parce que ses représentants des années précédentes ont choisi de se retirer du projet de construction d’un nouvel amphithéâtre, rendant ainsi imminent le départ de l’équipe. Au fil de nos paroles, le scribe nous lance qu’un de ses collègues lui a déjà affirmé qu’un reporter de la tribune parlementaire pouvait bénéficier d’une carrière complète à partir de trois sujets : le débat linguistique, le débat constitutionnel et les chicanes au Parti québécois.

Force est d’admettre, depuis les derniers jours, que le PQ ne détient plus le monopole des luttes intestines amenées dans l’arène publique. Historiquement, et son existence est vieille d’un siècle et demi, le Parti libéral du Québec a toujours pris un soin jaloux de conserver à l’interne les discussions discordantes vis-à-vis de ses chefs. Jusqu’à cette semaine.

Désolant ? Ce l’était pour le PQ, ce l’est autant pour le PLQ. Puis on réalise que ces deux formations, qui se sont partagé le pouvoir en alternance durant 48 ans, n’occupent maintenant qu’un total de 23 des 125 sièges de l’Assemblée nationale. C’est une logique mathématique : à force de diviser, les quotients s’amenuisent.


Dans le cours de français

Encore cette année, dans des publicités et autres documents plus ou moins officiels, j’ai vu passer des Joyeuse Halloween et des Joyeux Halloween. Alors, quelle est la bonne orthographe ? Comme Halloween est un nom féminin, l’adjectif qui l’accompagne prend le même genre. Il faut donc opter pour joyeuse.

Également, s’il est recommandé d’écrire Halloween avec un H majuscule, plusieurs auteurs, ne lui reconnaissant pas le statut de fête officielle, utilisent la première lettre minuscule. L’événement faisant partie des mœurs au Québec, on parlera de l’Halloween, alors qu’en France, on laissera tomber le déterminant, pour fêter Halloween.


Dans le cours de français, deuxième période

La plus haute distinction littéraire accordée par le gouvernement du Québec est le prix Athanase-David. Depuis 1968, il récompense annuellement l’ensemble de l’œuvre d’une écrivaine ou d’un écrivain.

Cette semaine, pour la première fois, ce prix a été octroyé à un auteur de romans graphiques. Michel Rabagliati, à qui l’on doit la série des Paul, en est le récipiendaire. Ceci s’ajoute aux nombreuses distinctions déjà obtenues par Rabagliati. Et au-delà de tout cela, il s’agit d’une reconnaissance sans équivoque de la bande dessinée dans l’univers littéraire. Peu importe sa forme, la lecture demeure la lecture. Cette ouverture mérite d’être soulignée.


Dans le cours de musique

J’aime quand Patrice Michaud sort du nouveau matériel. Je le considère comme l’un de nos meilleurs auteurs-compositeurs-interprètes. Ses plus récentes pièces originales remontent à 2021. Toutefois, la semaine dernière, il nous a offert un mini-album dans lequel cinq de ses chansons sont revues par d’autres artistes d’ici, en collaboration avec lui.

Le mini-album s’intitule Petit voyage organisé. Pour la #musiquebleue de cette semaine, mon choix s’est arrêté sur la pièce Je t’aime quand je mens, d’après une relecture d’Alex McMahon.

Patrice Michaud – Je t’aime quand je mens (relecture d’Alex McMahon) – Petit voyage organisé – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Jamais deux sans trois ! Après Florence et Anvers, Félix Auger-Aliassime a remporté le tournoi de Bâle, en plus de gagner son premier affrontement au Masters de Paris. À 22 ans, il occupe maintenant le huitième rang au classement de l’ATP. Un autre joueur canadien est-il déjà monté aussi haut dans ce palmarès ? En double, Daniel Nestor et Grant Connell ont jadis occupé le premier rang. En simple, le Montréalais Greg Rusedski est monté jusqu’au 4e échelon, mais c’était en 1997, soit deux ans après qu’il eut troqué l’unifolié canadien pour le Drapeau royal de l’Union britannique. Milos Raonic est actuellement le tennisman canadien ayant grimpé le plus haut chez les professionnels, franchissant la troisième position.


Billet du 18 mars 2022 : De Popeye à Dirty Plotte

Il sera question de bandes dessinées au début et à la fin de ce billet hebdomadaire. Si la seconde est bien québécoise et plutôt contemporaine, la première est directement tirée du répertoire américain. Le personnage de Popeye, créé en 1929 par Elzie Crisler Segar, est inspiré par Frank Fiegel, un célibataire natif de Chester, Illinois, tout comme Segar.

Bagarreur et fumant la pipe de maïs, Fiegel amusait l’enfant qu’était Segar. C’est pourquoi il s’en est inspiré pour créer ce qui fut d’abord un personnage secondaire de sa bande dessinée The Thimble Theatre, avant de devenir la vedette de ses propres aventures. Généreux et reconnaissant, E.C. Segar a partagé avec Fiegel une partie de la fortune que lui ont rapportée la bande dessinée Popeye et ses produits dérivés.

Illustration réalisée à partir d’une photo floue de Frank Fiegel. (Source : Baskerville Productions)

Lire Sur les traces du vrai Popeye, magazine Sphères, 23 mars 2020.


L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est en voie de rejeter la demande de recommandation du vaccin québécois Medicago, contre la COVID-19. C’est Guillaume Lemay-Thivierge qui sera déçu. Mais beaucoup d’autres à travers le monde aussi.

La raison ? Un des actionnaires de Medicago, dont les produits sont tous à base d’herbes, est le cigarettier Philip Morris. Depuis longtemps, l’OMS rejette toute collaboration et toute entente avec des acteurs de l’industrie du tabac. Les règles du jeu étaient claires et Medicago a décidé de s’essayer quand même.

J’ose croire qu’aucun des actionnaires de Johnson & Johnson, Pfizer ou Moderna n’œuvre dans une industrie dont les produits s’avèrent néfastes pour la santé des humains. Sinon, ce serait un tantinet hypocrite.


Dans le cours de français

Un Chromebook est un ordinateur portable fonctionnant sans système d’exploitation. Il constitue un terminal internet offrant plusieurs possibilités à partir d’applications, plutôt que de logiciels.

Dans l’exercice de mes fonctions, je dois régulièrement écrire Chromebook au pluriel. Comme il s’agit d’un nom propre, j’avais d’abord tendance à lui garder son C majuscule et à le laisser invariable, mais quelque chose me dérangeait chaque fois. D’autres marques, comme Frigidaire et Mobylette, sont devenues tellement courantes dans l’usage qu’on en a fait des noms communs. On peut ainsi oublier la majuscule et les accorder en nombre.

Du côté de mes collègues, qui attachent la même importance que moi à la qualité de la langue française, les avis sont partagés. Certains accordent, d’autres non. Je me suis donc décidé à demander l’avis de l’Office québécois de la langue française (OQLF). Voici un extrait de la réponse que j’ai reçue :

Chromebook étant une marque de commerce, il faut considérer le mot comme un nom propre réservé dont l’usage est destiné à une utilisation précise dans un contexte commercial. Ces noms s’écrivent en romain et prennent généralement une majuscule initiale marquant leur caractère propre. Puisqu’il s’agit d’un nom propre, Chromebook ne prendra pas la marque du pluriel. En contexte, nous vous suggérons d’écrire, par exemple : «n’oubliez pas de vous présenter en classe demain avec vos Chromebook» ou «je vous invite à ouvrir vos portables Chromebook».

OQLF, le 16 mars 2022.

C’est maintenant clair, on n’accorde pas !


Dans le cours d’économie

Il n’y a pas de cours d’économie à l’école primaire, mais bon.

Voulez-vous un bel exemple d’investissement à long terme qui, 15 ans plus tard, rapporte encore d’importants dividendes ?

En février 2007, le Canadien de Montréal échangeait son défenseur Craig Rivet aux Sharks de San Jose, en retour de Josh Gorges et d’un choix de première ronde au repêchage. Ce choix allait permettre au tricolore de mettre la main sur son futur capitaine, Max Pacioretty.

Onze ans plus tard, en 2018, Pacioretty a pris le chemin de Las Vegas, moyennant Tomas Tatar, qui a rendu de fiers services au CH, et Nick Suzuki. Ce dernier représente le futur de l’équipe, celui qui en sera la grande vedette, probablement le capitaine. Il est sous contrat jusqu’en 2030 avec le Canadien. S’il se rend jusqu’à terme, l’échange de Craig Rivet, réalisé par Bob Gainey, aura échelonné ses retombées sur 23 ans. Rien de moins.


Dans le cours d’univers social, section histoire

En 1991, l’Ukraine a voté à 90 % son retrait de l’URSS. D’aucuns prétendent que Vladimir Poutine est actuellement en train de lui faire payer l’éclatement de l’URSS.

Pourtant, le grand responsable de l’éclatement de l’URSS est Mikhaïl Gorbachev, aujourd’hui âgé de 91 ans. À voir le président russe bombarder sans scrupule les civils ukrainiens, incluant de nombreux enfants, je me demande ce qu’il pense de la situation.


Dans le cours d’art dramatique

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, s’est adressé au Parlement canadien et au Congrès américain, cette semaine.

Aux Canadiens, il a dit et répété : «Imaginez si…».

Aux Américains, il a montré des images.

Dans les deux cas, il a touché les cœurs. Il a démontré à quel point il est un excellent communicateur.


Dans le cours de musique

J’ai appris que le groupe montréalais Men Without Hats avait lancé un nouvel album, le 11 mars. Celui-ci a pour titre Again, part 2. Le nom m’a ainsi incité à fouiller sa discographie afin de dénicher le « part 1 » qui m’avait complètement échappé. Ce dernier est en fait un EP paru en 2021, alors que la sortie de la semaine dernière constitue la première compilation de nouveautés en plus de dix ans pour le groupe.

À travers la pièce If the World Should End Today, que je vous suggère en #musiquebleue dans ce billet hebdomadaire, le son new wave que Men Without Hats nous avait offert dans ses succès des années 1980 nous revient immédiatement en tête. C’est un retour dans le passé, celui de mon adolescence, avec du matériel entièrement nouveau.

Men Without Hats – If the World Should End Today – Again, part 2 – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

On appelle fanzine une publication créée par des passionnés, pour des passionnés. Parmi les plus populaires, il y a les bandes dessinées. Et dans le lot, se trouve la série Dirty Plotte, de l’auteure québécoise Julie Doucet, publiée entre 1991 et 1998 par Drawn & Quarterly. C’est pour l’ensemble de cette œuvre que madame Doucet, le 16 mars, a remporté le Grand Prix du Festival de la BD d’Angoulême, en France.

Ce festival est à la bande dessinée ce que le prix Goncourt est au reste de la littérature. Établi depuis 1974, c’est la première fois qu’il remet sa plus haute distinction à une personne originaire du Québec, et la troisième fois qu’il sacre une femme. Michel Rabagliati a déjà été récompensé deux fois lors de cet événement annuel, mais dans d’autres catégories que le Grand Prix.

En entrevue à France Culture, Julie Doucet a dû expliquer au journaliste Tewfik Hakem la signification du nom de sa série. Ceci a donné lieu à un moment de radio des plus amusants !

Lire le reportage et entendre l’entrevue de Julie Doucet sur France Culture.


Billet du 4 février 2022 : Des clins d’œil et des camions

Il y a longtemps que l’actualité n’avait pas été aussi généreuse que cette semaine. Même si la pandémie demeurait en trame de fond d’à peu près toutes les nouvelles, ça faisait changement de voir la santé publique et les hôpitaux être relégués au second plan. La liste de sujets à commenter est longue. Alors, ne perdons pas de temps.

Clin d’œil d’univers social

Il y a un an et demi, Erin O’Toole suggérait, dans une vidéo devenue virale, que le bureau de Justin Trudeau soit déménagé dans une toilette chimique installée près du parlement.

Voir la vidéo

Où se trouve le bureau de monsieur O’Toole, depuis mercredi soir ?


Dans le cours de musique

Suivant Neil Young et Joni Mitchell, Gilles Vigneault a lui aussi demandé à la plateforme Spotify de cesser de diffuser sa musique. Les trois artistes réagissent ainsi afin de protester devant la diffusion du balado de Joe Rogan, qui propage à grande échelle de la désinformation concernant les mesures sanitaires. Les demandes ont été déposées il y a plusieurs jours, déjà. Au moment où j’écris ces lignes, leurs titres demeurent disponibles pour écoute sur Spotify. Est-ce une partie de bras de fer qui s’annonce ?


Clin d’œil de mathématiques

À propos de Joe Rogan, il a mentionné en ondes, la semaine dernière, que plus de 50 000 camions convergeaient vers Ottawa. Selon les chiffres de la police de la capitale canadienne, il faudrait diviser ce nombre par 25.


Clin d’œil d’éthique et culture religieuse

La cause des camionneurs mérite d’être entendue. Qu’on soit d’accord ou non, la parité qu’ils demandent avec le personnel de la santé, en ce qui concerne la non-obligation vaccinale, se justifie aisément. Les dérapages et les changements de revendications, d’ailleurs dénoncés par les instigateurs de la manifestation, viennent plutôt de groupes de droite qui ont infiltré le convoi. Ces derniers, en outre, ont profané la Tombe du Soldat inconnu (vidéo), la statue de Terry Fox (article) et ont intimidé les bénévoles d’une soupe populaire d’Ottawa, jusqu’à obtenir des repas gratuits qui n’ont ainsi pas pu être distribués aux gens démunis à qui ils étaient destinés.

Si vous désirez aider financièrement l’organisme qui gère la soupe populaire, vous pouvez le faire en suivant ce lien.


Clin d’œil de français

Les camions klaxonnent toute la journée, à Ottawa. Aux dires du député Alexis Brunelle-Duceppe, ils dérangent les travailleurs de nuit.

#LeProfCorrige

Ici, on aurait dû lire travailleurs de nuit, avec nuit au singulier, plutôt que travailleurs de nuits. Il faut sous-entendre les travailleurs de la nuit.

De plus, l’Office québécois de la langue française réclame qu’on inscrive 7 h 08 (7 h 8 est également accepté par certaines références), avec un espace avant et après le h mis pour heures, et non 7:08.


Autre clin d’œil d’univers social

N’en déplaise aux anti-monarchistes, une reine règne sur le Canada, partie de son empire, et c’est Élisabeth II. Mais voilà qu’une autre « reine du Canada », celle-là autoproclamée, commence à occuper l’espace public. Une illuminée ? Peut-être. N’empêche que Romana Didulo, une conspirationniste liée à QAnon, bénéficiait de l’écoute de plus de 70 000 adeptes sur ses réseaux sociaux, en novembre dernier. Elle les avait alors sommés de tuer toute personne ayant vacciné des enfants. La GRC l’avait par la suite interpellée.

Jeudi après-midi, elle s’est présentée, entourée de gardes du corps, à la manifestation des camionneurs, à Ottawa. Encouragée par une foule nombreuse, elle y a brûlé un drapeau canadien. J’ai hâte de voir à laquelle des deux reines l’armée canadienne obéira si jamais elle était appelée en renfort dans ce conflit. J’ai ma petite idée, mais bon.

Voir la « reine Romana » arrivant sur les lieux de la manifestation

La « reine Romana » s’adressant aux manifestants


Dans le cours de musique, deuxième période

Nous restons dans les accents du Sud, cette semaine, même si la pièce se veut typiquement montréalaise. Le quintette Clay and Friends se définit comme « des amis qui font de la musique qui fait du bien ». Il n’est donc pas étonnant que les producteurs de la téléréalité Occupation double aient requis les services d’un des membres du groupe, Mike Clay, pour leur composer Côte à côte, une référence au Coast to Coast canadien.

À peine avais-je démarré la chanson, que mon épouse se pointait dans mon bureau en dansant ! La voici donc (la chanson, pas mon épouse !) en #musiquebleue.

Mike Clay – Côte à côte – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Je furetais dans une librairie, il y a une vingtaine d’années, quand j’ai découvert une nouveauté : Paul a un travail d’été, le deuxième tome de la série des Paul, du Montréalais Michel Rabagliati. Je suis rapidement devenu un inconditionnel. Plusieurs bandes dessinées et romans graphiques garnissent une étagère de ma bibliothèque, mais seulement deux collections y apparaissent en œuvres complètes, Tintin et Paul.

La semaine dernière, les éditions de La Pastèque ont annoncé que l’auteur Michel Rabagliati avait été fait chevalier de l’Ordre des arts et des lettres de France. Si cet honneur constitue un des nombreux fruits du travail du bédéiste québécois, c’est sur toute une population qu’en rejaillit la fierté.

Cette distinction vise « à récompenser les personnes qui se sont distinguées par leurs créations dans le domaine artistique ou littéraire ».