On aime mentionner que l’éducation est une priorité nationale. Pour François Legault, ce n’était pas seulement une priorité, c’était la priorité. Il l’a affirmé à plusieurs reprises, martelé dans ses discours, répété en campagne électorale. En 2018, alors qu’il cherchait à se faire élire, il promettait que « jamais » un gouvernement de la CAQ ne couperait dans les services aux élèves. Cette déclaration, encore en ligne sur sa page Facebook, visait à rassurer un réseau scolaire échaudé par des années de compressions.
Mais certaines promesses, comme certains fantômes, finissent toujours par revenir nous hanter.
Car aujourd’hui, c’est bien un vent glacial de restrictions qui souffle sur notre système public d’éducation. Officiellement, on parle d’un effort budgétaire de 510 millions. En réalité, lorsqu’on additionne les mesures dites d’« optimisation » exigées en parallèle, le manque à gagner frôle le milliard de dollars. Et, contrairement à ce que certains aimeraient faire croire, ces compressions ne s’arrêteront pas aux bureaux administratifs.
Je prends ici un exemple concret. Dans un centre de services scolaire que je connais bien, on a calculé que même en fermant entièrement le centre administratif, et en remerciant tout le personnel qui y travaille, on ne réussirait à combler que 58 % de l’effort budgétaire exigé par le gouvernement. Autrement dit, les 42 % restants devront être retranchés dans les écoles, auprès des élèves. Et cela, même en sacrifiant des emplois déjà essentiels au bon fonctionnement du réseau.
Ce qui mérite d’être souligné à grands traits, c’est la coïncidence troublante entre les efforts exigés du réseau scolaire et les investissements publics improvisés des dernières années. On demande aujourd’hui à l’éducation de générer près d’un milliard de dollars en économies, pendant qu’on a perdu 1,33 milliard $ dans une poignée de projets mal planifiés ou précipités : Northvolt (270 M$), SAAQclic (500 M$), Lion électrique (177 M$), Medicago (283 M$) et les études entourant le troisième lien (100 M$). L’éducation devient ici le contrepoids d’une série de bourdes gouvernementales.
Une priorité de la CAQ, l’éducation ? Permettez-moi d’en rire.
Dans mes écouteurs
Neli Ivanova est une artiste émergente dont la voix enveloppante et la sensibilité à fleur de peau rappellent immanquablement Lhasa de Sela. Avec la même intensité et ce mélange de fragilité et de force, Ivanova tisse une œuvre poétique et introspective, entre chanson, folk et influences du monde. Loin de l’imitation, elle s’inscrit dans une filiation émotive, portant une parole singulière et magnifiquement assumée.
Avec Frères, elle propose une ambiance sonore feutrée. Les arrangements minimalistes laissent toute la place à la voix, soutenue par quelques textures discrètes et des cordes subtiles. Le résultat donne une chanson sobre, raffinée et parfaitement maîtrisée sur le plan acoustique.
Neli Ivanova – Frères – Invisible – #musiquebleue
La bonne nouvelle de cette semaine
Un nom : Claire Bell. Et une immense reconnaissance envers les bénévoles et les membres des services d’urgence qui ont toujours cru à la possibilité de la retrouver saine et sauve. Et qui ont tout mis en œuvre pour y arriver. L’être humain dans ce qu’il a de plus beau à offrir.
L’intolérance crasse de la société d’aujourd’hui se manifeste de manière flagrante dans des situations comme celle du cabaret La Tulipe à Montréal. Ce lieu emblématique, qui a longtemps été un pilier de la scène culturelle locale, a été contraint de fermer ses portes en raison des plaintes répétées d’un seul individu concernant le bruit. Malgré les efforts de l’institution pour se conformer aux réglementations, le voisin a continué à exercer une pression intense, menant à une décision judiciaire qui a scellé le sort du cabaret. Cette situation illustre une tendance inquiétante où la tolérance et la coexistence sont sacrifiées sur l’autel du confort personnel.
Cette intolérance ne se limite pas aux nuisances sonores. Elle s’étend à divers aspects de la vie quotidienne, où les différences et les désagréments mineurs sont de moins en moins tolérés. Un récent article de La Presse souligne également les façons dont des pratiques aussi inoffensives que l’utilisation d’huiles essentielles peuvent devenir des points de discorde dans des communautés de plus en plus polarisées.1 Cette hypersensibilité aux inconforts mineurs reflète une société où l’individualisme prime sur le bien commun, et où la moindre divergence est perçue comme une attaque personnelle.
Le dénouement de l’histoire de La Tulipe a provoqué une onde de choc dans la communauté artistique québécoise, qui voit cette fermeture comme une perte irréparable. En réponse, la Ville de Montréal a promis de revoir ses réglementations pour éviter que d’autres établissements ne subissent le même sort. Cependant, cette promesse arrive peut-être trop tard pour La Tulipe, et soulève des questions plus larges sur notre capacité à vivre ensemble dans une société de plus en plus intolérante. Il est primordial de réévaluer nos priorités et de redécouvrir la valeur de la tolérance et de la coexistence pacifique pour préserver la richesse de notre vie communautaire.
« Je commence dans les médias. Je débute ma deuxième année de contrat. Cette semaine, pour la première fois, toute la haine et les messages irrespectueux qu’on reçoit me frappent solidement ! Nous ne sommes plus capable de débattre ou de parler dans le respect ? C’est si simple ! »
– Alexandre Lanctôt, journaliste à BPM Sports, le 2 octobre 2024.
Monsieur Lanctôt a raison. Il a raison sur toute la ligne. Les médias sociaux offrant la même tribune à tous, voilà en théorie un magnifique véhicule pour la démocratie. Le problème vient du fait que pour une majorité, l’écran de l’ordinateur ou du téléphone intelligent est également perçu comme un écran de protection. On exprime des propos qu’on n’oserait jamais prononcer si l’interlocuteur se trouvait face à nous.
Une plateforme comme X présente en prime un autre problème : les gens qui s’invitent dans tous les débats. Qu’elles le fassent respectueusement ou non, ces personnes manifestent généralement des opinions très rigides et opposent une fin de non-recevoir à quiconque ose avancer un point de vue sous un angle différent. Et presque toujours, ça finit par déraper ou aller trop loin. C’est ce qui vient d’arriver avec l’auteur-compositeur Stéphane Venne.
Contrairement à plusieurs personnes de mon entourage, j’ai continué de suivre monsieur Venne sur X. Je le fais malgré mes nombreux désaccords avec lui, justement parce que je trouve important de connaître les arguments accolés aux positions qui diffèrent des miennes. La semaine dernière, il s’est retrouvé au cœur d’une vive controverse après avoir commenté une photo de l’autrice et féministe Léa Clermont-Dion.
Dans un message qu’il a supprimé cinq jours plus tard, Venne a suggéré que la pose de madame Clermont-Dion sur cette image constituait un « code sexuel hyper connu ». Cette interprétation très subjective et moralisatrice a rapidement suscité l’indignation sur les réseaux sociaux, où de nombreuses personnalités et internautes ont dénoncé ces propos comme étant misogynes et irrespectueux. La polémique a rapidement dégénéré, entraînant une vague de soutien envers l’autrice et soulevant des questions sur le harcèlement en ligne et la place des femmes dans l’espace public.
Venne a ainsi relancé le débat ancien sur la masculinité toxique et le sexisme ordinaire. Ses propos ont mis en lumière la persistance de stéréotypes sexistes et la difficulté pour les femmes de s’exprimer librement sur les réseaux sociaux sans être confrontées à des commentaires dégradants.
Il s’est publiquement excusé à Léa Clermont-Dion, mais a réitéré sa position et son interprétation de la pose qu’elle adoptait sur la fameuse photo. Loin d’apaiser les tensions qu’il a créées, ses excuses ont plutôt eu l’heur de jeter de l’huile sur le feu. Et voici ce qu’il publiait ce mercredi, une semaine après avoir lancé la controverse :
« Ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison. » (Coluche)
Quand j’évoque la rigidité des gens qui s’invitent dans tous les débats, Stéphane Venne en illustre un excellent exemple.
Dans le cours de français
D’où origine l’expression apprendre par cœur ?
L’expression remonte à une époque où le cœur était considéré comme le siège de la mémoire, des émotions et de l’intelligence. Cette idée trouve ses racines dans les cultures de l’Antiquité, notamment chez les Grecs et les Romains. Même si cette croyance n’est plus d’actualité, l’expression continue d’être utilisée pour évoquer une mémorisation mécanique et approfondie.
Et comme l’a mentionné Voltaire : « Ce qui touche le cœur se grave dans la mémoire. »
Sur le babillard
Marwah Rizqy a fait preuve d’un courage admirable et d’un don de soi exceptionnel en annonçant cette semaine qu’elle quitterait ses fonctions actuelles dans deux ans pour se consacrer pleinement à son rôle de jeune mère. Cette décision, motivée par son désir de passer plus de temps avec ses deux garçons, témoigne de son engagement profond envers sa famille et de sa capacité à faire des choix difficiles pour le bien-être de ses proches.
Madame Rizqy, je peux en témoigner, est une personnalité politique très appréciée dans le domaine de l’éducation, qui n’est pourtant pas reconnu pour ses allégeances libérales. Sa rigueur et sa verve nous manqueront.
Dans le cours de musique
Lhasa de Sela est décédée le 1er janvier 2010, à l’âge de 37 ans. Jamais je n’aurais cru que nous aurions droit à un album posthume, près de 15 ans après qu’elle ait été emportée par un cancer. C’est son premier collaborateur, Yves Desrosiers, qui a sorti et retravaillé les démos qu’ils avaient enregistrés ensemble, en 1994. Sur les douze pistes, on trouve entre autres une première mouture de Los Peces, grand succès de Lhasa paru en 1998. C’est cependant une version inédite de El Cosechero que je vous propose cette semaine, en #musiquebleue.
Lhasa de Sela et Yves Desrosiers – El Cosechero – First Recordings – #musiquebleue
La bonne nouvelle de cette semaine
Depuis le 1er octobre 2024, Claudia Sheinbaum est officiellement devenue la première femme présidente du Mexique, marquant une étape historique pour le pays. Ancienne mairesse de Mexico, elle a remporté l’élection présidentielle avec près de 60 % des voix en juin 2024, succédant à Andres Manuel Lopez Obrador. Sa présidence est accueillie avec enthousiasme, et elle est attendue pour relever des défis majeurs, notamment la réforme du système judiciaire et la lutte contre les cartels.