Billet du 4 juillet 2025 : Pourquoi nos personnalités politiques réagissent-elles comme des ados ?

Chez certains leaders politiques, les réactions publiques ressemblent de plus en plus à des réflexes adolescents : impulsifs, théâtraux et hermétiques à la critique. Donald Trump, de passage en Floride, s’est récemment illustré en plaisantant sur des migrants enfermés dans un centre surnommé Alligator Alcatraz, allant jusqu’à expliquer comment fuir un alligator en zigzag. Le tout avec un sérieux à glacer le sang… ou à faire lever les yeux au ciel. Chez nous, France-Élaine Duranceau, ministre de l’Habitation, a suggéré que les problèmes de logement découlaient souvent de troubles personnels, et que du « coaching » aiderait les locataires à mieux se vendre aux propriétaires. Traduction libre : si tu ne trouves pas d’appart, c’est peut-être parce que tu ne fais pas bonne impression. Et Bernard Drainville, interpellé par la FAE qui réclame son départ, s’est contenté d’une ligne lapidaire sur Facebook, comme on claque la porte d’un texto. Une réponse froide, sans ouverture, qui laisse entendre qu’il n’a rien à se reprocher. Des adultes au pouvoir, oui, mais parfois bien peu portés sur l’introspection.

Il serait tentant de croire qu’il s’agit là de simples stratégies médiatiques ou d’un style personnel plus abrasif. Mais quand les réactions sont systématiquement impulsives, défensives et centrées sur l’image plutôt que sur le dialogue, on peut y voir autre chose. Les neurosciences nous apprennent que certaines structures du cerveau, comme l’amygdale, prennent parfois le dessus sur le cortex préfrontal, celui qui régule nos comportements rationnels. Quand la peur, la frustration ou l’ego sont activés, les décisions ne passent plus par la réflexion, mais par le réflexe. C’est ce que le psychologue Daniel Goleman appelle un détournement amygdalien dans son ouvrage L’intelligence émotionnelle (1997).1 Et ce phénomène n’épargne pas les gens de pouvoir. Il les touche même d’autant plus qu’ils évoluent dans un environnement où la nuance est souvent perçue comme un signe de faiblesse.

Mais au-delà de la biologie, il faut aussi regarder l’écosystème. Les réseaux sociaux favorisent la rapidité d’exécution plutôt que la profondeur de pensée. La politique spectacle récompense les sorties de scène, pas les entrées en matière, comme dans une téléréalité où l’on se distingue davantage en claquant la porte qu’en tenant un propos sensé. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que celles et ceux qui gravitent au sommet se mettent à ressembler aux ados qu’on accuse souvent de manquer de maturité : hypersensibles au regard des autres, prompts à la réaction, allergiques au doute. Peut-être est-ce là le vrai drame de notre époque : les postes sont plus influents, les enjeux plus complexes, les conséquences plus lourdes, mais les réflexes, eux, n’ont pas suivi.

Quand des cerveaux en mode survie occupent des fonctions qui exigent clairvoyance et maîtrise de soi, ce n’est pas toujours l’expérience qui fait défaut, c’est souvent la maturité.

1 Goleman, D. (1997). L’intelligence émotionnelle : Accepter ses émotions pour développer une intelligence nouvelle. Paris : Robert Laffont. (Édition originale : Emotional Intelligence: Why It Can Matter More Than IQ, 1995)


Dans mes écouteurs

Tommy Demers est un auteur-compositeur-interprète originaire de Valcourt qui s’est fait connaître du grand public lors de son passage remarqué à La Voix en 2023. Avant cela, il avait multiplié les expériences scéniques, tant en musique qu’en comédies musicales, ce qui lui confère une présence et une sensibilité artistique affirmées. Son style navigue entre la pop francophone, la chanson intimiste et des accents rock rétro qui rappellent parfois Vincent Vallières, Richard Séguin ou même Jean Leloup, selon les pièces. Son tout premier album, À cœur ouvert, sorti la semaine dernière, témoigne d’une sincérité désarmante et d’une grande variété d’ambiances, allant du festif au mélancolique.

Voici la pièce Omis de la liste.

Tommy Demers – Omis de la liste – Le coeur ouvert – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Il y a des peluches qu’on garde pour la nostalgie, d’autres qui accompagnent nos enfants dans leur sommeil… et puis il y a celles qui soulagent vraiment. C’était le cas de l’ourson thérapeutique Béké Bobo, conçu au Québec par une mère pour apaiser les douleurs chroniques de sa fille, et qui a connu une reconnaissance internationale inespérée. De décembre 2024 à juin 2025, Béké Bobo a trôné dans une vitrine du Musée des Arts décoratifs de Paris (MAD), voisin du Louvre, dans une exposition consacrée à l’histoire de l’ours en peluche. L’ourson québécois y figurait non seulement comme jouet, mais aussi comme véritable outil de mieux-être, aux côtés d’œuvres de l’UNICEF. Une distinction rare, pour ne pas dire exceptionnelle, pour une PME familiale d’ici.

Ce n’est pas tous les jours qu’une entreprise québécoise se retrouve à l’honneur dans un musée parisien, encore moins dans une exposition où les peluches sont traitées comme objets d’art et de soin. La fondatrice, Maggy-Nadyne Lamarche, avait d’ailleurs d’abord cru à une arnaque en recevant l’invitation officielle. Mais non : c’était bien l’innovation, l’altruisme et la tendresse de Béké Bobo qui avaient retenu l’attention du MAD. Pour une fois, ce n’était ni un exploit technologique, ni un brevet industriel, ni un jeu vidéo qui faisait parler de nous en France, mais un petit sac de céréales déguisé en ourson. Cela montre que le réconfort, lui aussi, peut mettre en évidence notre savoir-faire.


Horaire d’été

Suivant mes habitudes des dernières années, je profiterai de la saison estivale pour ralentir le rythme. Jusqu’à la prochaine rentrée scolaire, mon billet hebdomadaire cédera sa place à un billet quinzomadaire. On se donne donc rendez-vous le 18 juillet.


Dossier Intelligence artificielle générative

Vous l’aurez deviné, l’illustration qui accompagne ce billet a été générée par l’intelligence artificielle. Dans la réalité, je doute fort qu’on retrouve un jour ces trois mêmes personnes dans une seule image. Est-ce que je me suis amusé en passant ma commande et en évaluant chaque proposition avant d’arrêter mon choix ? Absolument ! 😊


Billet du 13 juin 2025 : Contester les normes

Cette semaine, un article du Réseau d’information pour la réussite éducative (RIRE) a capté toute mon attention : « La pédagogie queer comme solution à l’intolérance » 1. Bien que le mot queer réfère d’abord aux questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre, l’approche décrite ici va bien au-delà. Elle invite le personnel enseignant à remettre en question les normes implicites qui structurent l’école et la société. Il ne s’agit pas seulement d’inclure les élèves issus de la diversité sexuelle, mais de revoir nos façons d’aborder toute forme de différence, qu’elle soit culturelle, cognitive, linguistique ou autre. L’objectif n’est pas de nier qu’une majorité existe, mais de refuser que cette majorité soit vue comme la seule référence valable.

Un passage m’a particulièrement marqué : « Le rôle de l’enseignant ne s’y résume donc pas à enseigner l’ouverture et la tolérance face à la différence, mais plutôt à amener les élèves à contester les normes. » Cette phrase contient à elle seule une autre manière de concevoir l’éducation. Plutôt que de présenter certains élèves comme étant « différents » à tolérer, on invite à reconnaître que chaque élève est unique, avec sa propre trajectoire, ses repères, ses façons d’être. La pédagogie queer propose ainsi de déplacer le regard : au lieu de demander aux jeunes de s’ajuster aux attentes implicites du groupe dominant, on leur donne la permission, ainsi que les outils, pour interroger ce qui semble aller de soi.

C’est là, à mon sens, un formidable levier pour développer l’esprit critique des élèves. En les amenant à réfléchir aux normes plutôt qu’à simplement s’y conformer, on les aide à comprendre le monde avec plus de lucidité, mais aussi à y prendre leur place de façon plus libre et plus consciente. En tant que conseiller pédagogique, je vois dans cette approche un appel à élargir notre conception de l’inclusion : non pas un simple ajout, mais une transformation. Et si c’était justement ça, enseigner autrement.

1 CTREQ. La pédagogie queer comme solution à l’intolérance, RIRE, 15 mai 2025.


Diversion tactique

Attaqué par Elon Musk, Donald Trump s’est retourné et a frappé Los Angeles. En réaction aux critiques récentes du patron de X, notamment sur les politiques fédérales concernant les véhicules électriques, Trump a ordonné le déploiement d’environ 4 000 membres de la Garde nationale et 700 Marines à Los Angeles, en réponse à des manifestations déclenchées par une série de raids menés par l’ICE, l’agence fédérale chargée du contrôle de l’immigration (Immigration and Customs Enforcement). Plus de 400 personnes ont été arrêtées, et la mairesse Karen Bass, appuyée par le gouverneur Gavin Newsom, a dénoncé ce qu’elle qualifie de militarisation abusive. En somme, Los Angeles incarne tout ce que Trump s’emploie à combattre : une ville cosmopolite, farouchement démocrate, foyer d’initiatives progressistes et bastion de résistance à son autoritarisme. En la ciblant, il ne frappe pas seulement un territoire géographique : il attaque l’idée même d’une Amérique ouverte, plurielle et libre, celle qui lui échappe, électoralement comme symboliquement.

À ce stade, une question s’impose : quel genre d’individu s’en prend à autrui parce qu’un tiers l’a attaqué ? Les philosophes y verraient un déplacement, les psychanalystes un mécanisme de défense, et les stratèges une diversion tactique. Le commun des mortels y reconnaîtrait peut-être l’enfant qui, frustré, écrase le jouet d’un camarade au lieu de confronter celui qui l’a humilié. Ce n’est pas un hasard si Musk, dans cette scène, a joué la prudence calculée : il s’est contenté de relayer sur X un message de Trump et un autre de J.D. Vance, sans ajouter le moindre commentaire. Ni soutien explicite ni désaveu. D’un côté, Trump instrumentalise les tensions pour se poser en restaurateur de l’ordre ; de l’autre, Musk préserve ses alliances en laissant parler les autres à sa place. Ce n’est pas un rapprochement, c’est un jeu d’ombres : chacun utilisant l’autre comme levier, sans jamais tendre franchement la main.

Jeudi soir, la tension a pris une tournure encore plus symbolique, lorsque le sénateur Alex Padilla, voix californienne éminente, a été violemment expulsé d’une conférence de presse tenue à Los Angeles. Il avait tenté d’interpeller la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, sur la légalité et l’ampleur des rafles et du déploiement militaire. Il a été plaqué au sol, menotté, et écarté, ce que ses alliés à Washington dénoncent comme un passage à tabac politique, un signe supplémentaire de militarisation du débat public. Ce nouvel incident résonne douloureusement avec le mécanisme de déplacement analysé plus tôt : face à une critique gênante, ici un sénateur élu, l’exécutif répond par la force, en choisissant la facilité de l’arrestation politique plutôt que l’affrontement argumenté.

Quand le pouvoir frappe à côté de la cible, ce n’est jamais par hasard, c’est pour que tout le monde regarde ailleurs. Et tant que les projecteurs restent braqués sur le fracas, personne ne pose de questions sur ce qui se joue vraiment en coulisses.


Dans mes écouteurs

Félix Dyotte, né à Montréal, est un auteur-compositeur-interprète acclamé de la scène québécoise. Reconnu pour ses textes sensibles et sa voix feutrée, il s’est illustré avec plusieurs albums solo, en plus de collaborer avec des artistes tels que Pierre Lapointe et Jean Leloup. Patrick Krief, aussi montréalais, s’est d’abord fait connaître comme guitariste du groupe The Dears, avant d’embrasser une carrière solo marquée par des sonorités rock et psychédéliques. Ensemble, ces deux artistes aux univers complémentaires unissent leurs forces pour créer une œuvre singulière.

Sorti la semaine dernière, Scarabée est le résultat de cette rencontre musicale. L’album propose dix pièces où la pop francophone se teinte de guitares nerveuses et d’arrangements raffinés. La chanson BMW en est un bel exemple : portée par une énergie rock et des cordes élégantes, elle évoque à la fois la vitesse, la fuite et la fragilité humaine. Une proposition aussi accrocheuse que mélancolique, qui révèle toute la richesse de cette collaboration.

Félix Dyotte et Patrick Krief – BMW – Scarabée – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Le Paris Saint-Germain a remporté la Ligue des champions, et c’est toute son organisation qui en récoltera les fruits. Fidèle à une promesse faite en début d’année, le président du club, Nasser Al-Khelaïfi, a confirmé que la prime de victoire serait partagée avec les 700 salariés du club, toutes fonctions confondues. Du personnel d’entretien aux employés de bureau, en passant par les équipes de logistique et d’administration, chacun recevra une part de cette récompense collective. Un geste concret de reconnaissance, qui dépasse largement les mots et souligne l’importance de ceux qu’on ne voit pas sur le terrain, mais sans qui rien ne serait possible.

Dans un milieu souvent critiqué pour ses excès, ce choix détonne et fait du bien. En redistribuant une partie des millions liés à la victoire, le PSG rappelle qu’un club de soccer, ce n’est pas seulement onze joueurs, mais bien une communauté entière qui travaille dans l’ombre, au quotidien. Une belle manière d’honorer les coulisses d’un succès, et de donner un peu d’écho à l’idée que la performance est toujours le fruit d’un effort collectif. Voilà une bonne nouvelle qui mérite d’être soulignée.


Billet du 25 novembre 2022 : Une bonne bouffée d’air frais

Selon ce que je constate, les médias sentent le besoin de s’éloigner, au moins le temps d’une pause, des nouvelles concernant l’Ukraine et la COVID. De quoi a-t-il été question, au cours de la dernière semaine ? De la Coupe du Monde de la FIFA, de sa présence au Qatar, de l’enquête publique sur l’occupation d’Ottawa par les camionneurs, de la carrière de Jean Lapointe, de la coupe Grey, des remous créés par le lancement du livre de Pierre Gervais et d’un troupeau de vaches qui s’est enfui dans la nature, en Mauricie.

Personnellement, ça me fait du bien de lire et d’entendre autre chose. Prenons une bonne bouffée d’air frais.


Dans le cours de français

Voyez-vous la faute dans le titre de cet article publié dans La Presse, le dimanche 20 novembre ?

#LeProfCorrige

Bien sûr, il aurait fallu lire Pourquoi tous les chemins y mènent, avec le tous au pluriel. Le mot étant ici employé comme déterminant indéfini, il doit prendre le genre et le nombre du nom qu’il accompagne, c’est-à-dire chemins, qui est masculin pluriel.

Après plusieurs heures en ligne, la faute a finalement été corrigée par le quotidien.


Dans le cours de français, deuxième période

Cette faute d’accord de La Presse a cependant été supplantée par une grotesque erreur de vocabulaire publiée par Le Devoir. Voici ce que le quotidien a imprimé, le 18 novembre, dans son édition papier, tel que rapporté sur Twitter par le député Alexandre Leduc :

#LeProfCorrige

Il faut bien sûr évoquer les luttes intestines, plutôt qu’intestinales. Bien que les deux plongent les belligérants dans la saleté, un seul des deux mots est propre à l’expression.

Le Devoir n’a évidemment pas pu apporter un correctif dans son édition papier, mais l’a fait sur Internet.1


Et je cite :

« Quand tu comprends qu’il n’y a rien à attendre du monde, alors tu peux commencer à vivre une vie délicieuse. »

Olivier de Kersauson, écrivain et navigateur, le 24 novembre 2022.

Dans le cours de musique

Pour souligner les 40 ans de carrière de Jean Leloup, ICI Musique a invité plusieurs artistes d’ici à reprendre ses plus grands succès. C’est donc une de ces pièces que je propose en #musiquebleue, cette semaine. Ayant l’embarras du choix, j’ai opté pour 1990, moins pour la chanson elle-même que pour ses interprètes, Salomé Leclerc et Marie-Pierre Arthur.

Marie-Pierre Arthur et Salomé Leclerc – 1990 – ICI Musique – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

« Moi, si j’avais des enfants qui étaient obligés de quitter le pays pour être en sécurité, pour avoir un avenir, j’aimerais ça qu’une autre maman dans un autre pays prenne la relève. Moi, je suis ta maman de ce côté-ci de l’Amérique… Si tu es mal prise, tu m’appelles. Si tu as besoin de quelque chose, tu m’appelles. Je suis là comme une maman. »

Ces paroles sont celles d’une infirmière retraitée de Brossard, qui a pris sous son aile une famille mexicaine ayant demandé l’asile au Canada. J’ai toujours voué une grande admiration aux gens dotés d’une âme missionnaire. Consacrer une partie de sa vie à améliorer le sort des autres est pour moi la plus belle expression du don de soi.

Le dévouement de cette dame est relaté dans un reportage signé Rima Elkouri, publié dimanche dernier.2

S’il y a de la place pour ajouter une autre belle bouffée d’air frais dans votre journée, je vous invite à en prendre connaissance. Sa lecture ne vous demandera que deux minutes. Peut-être trois.


1 La lourde responsabilité du chef intérimaire. Le Devoir. Le 18 novembre 2022.

2 Comme une maman de secours. La Presse. Le 20 novembre 2022.