Billet du 27 juin 2025 : Lettre à Bernard Drainville

Monsieur Drainville,

Lundi dernier, en point de presse tôt le matin, l’exécutif de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a réclamé votre départ à titre de ministre de l’Éducation. Plus tard en journée, vous leur avez répondu ceci, à partir de votre compte Facebook :

Une réponse courte, à laquelle je n’apporterai aucun autre qualificatif, mais qui suscite chez moi plusieurs éléments de réplique. Je ne sais pas trop par où commencer, alors je vous laisserai m’imposer l’ordre en y allant chronologiquement.

« Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un syndicat qui a privé nos enfants d’école pendant 5 semaines de grève et qui utilise l’argent de ses membres pour contester la loi sur la laïcité. »

Vos premiers mots m’incitent à commencer par une boutade. Personne n’est mieux placé que les enseignantes et les enseignants pour donner des leçons. C’est leur travail. Le problème, et vous devez en assumer une part de responsabilité, c’est qu’il s’en trouve de plus en plus pour le faire sans détenir de brevet d’enseignement. Malgré cette lacune importante, vous avez trouvé une façon d’en « qualifier légalement » un grand nombre, avec une manipulation administrative que Radio-Canada a dévoilée, cette semaine. 1

« Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un syndicat qui a privé nos enfants d’école pendant 5 semaines de grève et qui utilise l’argent de ses membres pour contester la loi sur la laïcité. »

Dois-je vous rappeler, monsieur Drainville, que ce syndicat bénéficiait d’un vaste appui populaire durant ces cinq semaines de grève ? Malgré ce qu’il leur en coûtait, les familles réalisaient les piètres conditions du système d’éducation dans lequel ils envoient leurs enfants au quotidien. Et c’est au gouvernement, beaucoup plus qu’aux syndicats de l’enseignement, qu’ils en imputaient la responsabilité.

Vous déteniez d’ailleurs le pouvoir de mettre fin à cette grève en tout temps, par une loi spéciale adoptée grâce à votre majorité à l’Assemblée nationale ou par décret. Si vous aviez réellement cru à ce point en la gravité de la situation, j’ose croire que vous l’auriez fait.

« Je n’ai pas de leçon à recevoir d’un syndicat qui a privé nos enfants d’école pendant 5 semaines de grève et qui utilise l’argent de ses membres pour contester la loi sur la laïcité. »

La FAE a été le syndicat qui m’a représenté durant une grande partie de ma carrière. Croyez-moi, je me suis maintes fois opposé à certaines de ses positions. Mais cette fois-ci, j’accueille favorablement sa démarche devant les tribunaux. Je suis entièrement en faveur de la laïcité de l’État. La FAE l’est aussi, du moins en principe. Ce qu’elle conteste, c’est la disposition qui empêche plusieurs de ses membres de porter certains signes religieux au travail. Ces personnes paient des cotisations, comme les autres. Elles ont le droit d’être défendues.

« L’école existe pour nos enfants, nos élèves.
C’est pour eux que je me bats, jour après jour. »

Ici, monsieur Drainville, j’aurais besoin de précisions. Les enseignantes et les enseignants se battent quotidiennement pour leurs élèves. Les professionnels de l’éducation également. Comme les directions d’écoles. Les orthopédagogues, les techniciennes en éducation spécialisée, les aides pédagogiques, le personnel des services de garde, tous ces gens se dévouent pour les élèves. Je le sais, je suis sur le terrain depuis plus de 30 ans.

Vous êtes ministre de l’Éducation depuis près de trois ans. Je cherche encore une situation où je vous aurais vu vous battre à nos côtés. Quand vous affirmez le faire jour après jour, j’aimerais des exemples. Parce que ceux que j’ai en tête vont dans l’autre sens.

Vous avez beau prétendre qu’il n’y a pas de coupes en éducation, il est difficile de vous croire quand les montants précis nous ont été communiqués. Et de refuser de garantir que chaque élève recevra les services éducatifs auxquels il a droit donne plutôt à penser que le camp que vous avez choisi est celui des politiques de votre gouvernement, pas celui des élèves. 2

Les centres de services scolaires, pris en étau entre les directives ministérielles et les compressions budgétaires déguisées, n’ont souvent d’autre choix que de jongler avec les ressources pour limiter les dégâts.

« Je vais continuer. »

Autorisez-moi donc une suggestion : faites-le avec les personnes qui ont réellement une passion pour l’éducation, et non avec celles qui l’évoquent seulement pour des raisons électorales. Et surtout, faites-le sur le terrain. Parce qu’actuellement, l’image que les gens du milieu se forgent de leur ministre reflète la condescendance et la méconnaissance des dossiers. Et quand, au gré de certaines déclarations maladroites, vous les avez heurtés sur leur salaire 3, leur tâche 4 ou leur formation 5, il m’est difficile de les blâmer.

Veuillez agréer, monsieur Drainville, l’expression de mes sentiments distingués.

Jean-Frédéric Martin, pédagogue

1 Bussières McNicoll, F. (2025, 26 juin). Plus d’enseignants légalement qualifiés « par magie ». ICI Radio‑Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2175568/enseignants-legalement-qualifies-regles-quebec

2 98.5 Montréal. (2025, 18 juin). « Je ne peux pas garantir que chaque élève va avoir tout ce dont il a besoin » [Fichier audio]. https://www.985fm.ca/audio/706665/je-ne-peux-pas-garantir-que-chaque-eleve-va-avoir-tout-ce-dont-il-a-besoin?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Threads%23Echobox%3D1750251426

3 Radio‑Canada. (2023, 17 mai). Salaire des enseignants : Le ministre Bernard Drainville dans la tourmente [Texte en ligne]. Consulté le 27 juin 2025, sur https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1980263/controverse-drainville-salaire-professeur

4 Le Devoir. (2023, 17 août). Éducation : les classes de maternelle sont moins exigeantes, dit Drainville. Le Devoir. Repéré à https://www.ledevoir.com/societe/education/796435/education-les-classes-de-maternelle-sont-moins-exigeantes-dit-drainville

5 Le Devoir. (2023, 29 août). Bernard Drainville confiant qu’il y a un adulte dans chaque classe pour la rentrée. Le Devoir. Repéré à https://www.ledevoir.com/politique/quebec/797043/bernard-drainville-confiant-qu-il-y-a-un-adulte-dans-chaque-classe-pour-la-rentree


Dans mes écouteurs

Salut Serge !

OSM – Un musicien parmi tant d’autres – Harmonium symphonique – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Quelle excellente nouvelle pour les cinéphiles québécois : le prochain film de la célèbre série James Bond sera réalisé par Denis Villeneuve. Oui, le Denis Villeneuve, enfant de Bécancour, formé ici, chez nous, dans nos écoles. L’annonce faite cette semaine confirme que, non seulement il sera réalisateur, mais aussi producteur exécutif, en compagnie de sa conjointe, Tanya Lapointe. Voir un créateur québécois à la tête d’un projet aussi emblématique, c’est plus qu’une fierté nationale : c’est la preuve qu’un regard façonné par notre culture peut maintenant éclairer l’un des univers cinématographiques les plus suivis de la planète.

Le choix de Villeneuve s’impose avec évidence. Son approche cinématographique, à la fois sobre, puissante et empreinte d’une grande humanité, pourrait bien redonner souffle à une série qui cherche constamment à se réinventer. Après Arrival, Blade Runner 2049 et Dune, on sait qu’il saura conjuguer profondeur narrative et puissance visuelle. C’est un moment marquant pour le cinéma québécois : non seulement un des nôtres fait son entrée dans la grande famille Bond, mais il le fait en y apportant son intégrité artistique et sa sensibilité. Cette fois, ce n’est pas seulement l’agent secret qui est en mission spéciale… c’est aussi le Québec.


Billet du 3 février 2024 : Barrette avait raison

Le 23 novembre dernier, au tout premier jour de la grève générale illimitée des enseignantes et enseignants affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Gaétan Barrette a déclaré, sur les ondes de l’émission La Joute, à TVA, que le conflit se règlerait « avec du cash», en ce sens où une hausse salariale acceptable ramènerait le personnel enseignant en classe 1. Ma réaction fut immédiate : pas cette fois. Les troupes sont trop mobilisées et déterminées à aller jusqu’au bout pour améliorer les conditions de travail abominables dans lesquelles nous baignons depuis des années, me disais-je.

J’ai été naïf.

La hausse salariale nous assure le maintien de notre pouvoir d’achat pour les cinq prochaines années. C’est considérable quand on estime qu’une forte majorité de contribuables québécois n’obtiendront pas ce privilège. Toutefois, le reste de l’entente assure également le maintien de la dégradation de nos conditions et ne contribuera aucunement à ralentir la saignée du personnel scolaire. Tout ce qui, sur papier, peut ressembler à une avancée dans cette entente est assorti de conditions tellement hors du réalisme que la concrétisation s’avérera au mieux improbable, voire impossible.

Et ça, tout le monde dans le milieu de l’éducation en est conscient. Il reste que l’appât du revenu annuel dans les six chiffres a relégué le reste au second plan pour une majorité. Une courte majorité, mais une majorité tout de même. Pour moi, Jean-Frédéric Martin, c’est presque avantageux lorsque j’observe la situation avec un regard strictement égocentrique. J’écoulerai les trois années qui restent à ma carrière en collectant une augmentation rétroactive d’un an, ce qui bonifiera considérablement mon fonds de retraite. Mais je suis inquiet et très préoccupé pour mes jeunes collègues et pour l’avenir de ma profession.

Gaétan Barrette avait raison : c’est avec du cash que ça s’est réglé. Nous avons fait cinq semaines de grève pour ça.

1 Grève des enseignants: «Ça va se finir avec le « cash »». TVA, Montréal. Le 23 novembre 2023.


Dans le cours d’univers social
Volet éducation à la citoyenneté

J’aurais bien sûr souhaité une issue différente. Je suis convaincu qu’une nouvelle ronde de négociations consécutive à un rejet de l’entente de principe aurait débouché rapidement sur davantage de gains. Cependant, la démocratie ne me décevra jamais.

Mais justement, après avoir lu et entendu tant de choses sur le sujet, le processus de consultation des instances de la FAE était-il démocratique ? Ma réponse est claire, oui.

Ce processus démocratique peut-il être amélioré ? Encore une fois, oui.

Patrick Lagacé a visé juste dans une de ses chroniques de la semaine dernière 2, les assemblées syndicales et les assemblées étudiantes possèdent plusieurs éléments communs qui se montrent complètement dépassés en 2024. Parmi ces éléments, on trouve le fait d’étirer les rencontres pour lester les personnes moins motivées et conserver en salle uniquement celles qui sont « crinquées » (selon l’expression de Lagacé).

Lors de notre rencontre locale, une enseignante a demandé que la période de votation soit prolongée afin de permettre à un maximum de collègues d’exprimer leur choix. On n’a même pas pu en faire une proposition parce que, semble-t-il, la logistique et la technologie ne permettaient pas de donner suite à ce souhait de l’enseignante. Le syndicat de la Haute-Yamaska (SEHY), dernière instance de la FAE à se prononcer, a pourtant pu le faire cette semaine.

Le processus de consultation que j’aimerais voir s’appliquer est le suivant :

  1. Inscription sur une liste de membres habilités à voter;
  2. Dépôt des documents et vidéo explicative sur un site intranet;
  3. Ouverture d’un forum de questions et réponses, actif jusqu’au moment du vote;
  4. Période de votation en ligne d’une durée de 24 à 36 heures, au plus tard une semaine après le début du processus;
  5. Ce processus serait identique et simultané pour toutes les instances.

Sur ce dernier point, la FAE et les mouvements syndicaux en général ont été beaucoup critiqués. On semble mal admettre que certaines instances puissent voter tout en connaissant les résultats de celles s’étant exprimées avant elles. Les élections fédérales canadiennes constituent pourtant un précédent très similaire, en ce sens où jusqu’à un passé plutôt récent, les électrices et électeurs de la Colombie-Britannique et de l’Ouest canadien pouvaient se rendre aux urnes en connaissant les premiers résultats dans les Maritimes, le Québec et l’Ontario.

Je réitère néanmoins que malgré les améliorations souhaitées, le mode de consultation se voulait démocratique. Je suis à même de constater que les résultats finaux, tant pour mon syndicat local que pour l’ensemble de la profession, reflètent ce que je perçois sur le terrain.

2 Lagacé, Patrick. La démocratie syndicalezzzzzzzzz. La Presse, Montréal. Le 26 janvier 2024.


Dans le cours d’univers social
Volet éducation à la citoyenneté, 2e période

Jeudi soir, une amie m’a fait parvenir les dates des épreuves du ministère en français et en mathématiques. Ces dates venaient d’être publiées sur le site du ministère de l’Éducation. Ces épreuves ont généralement lieu entre la fin-mai et la mi-juin. Cette année, en raison de la grève, on a d’abord annoncé le report aux deux dernières semaines de l’année scolaire, jusqu’à l’avant-dernière journée du calendrier.

J’ai relayé l’information par télémessage à mes collègues de 6e année. S’en est suivi un cocasse échange de jurons sur nos écrans de cellulaires. Une seule journée pour la correction de cinq ou six volumineux examens, élèves n’ayant plus la tête ni le coeur à l’école, parents devançant les vacances estivales familiales pour épargner sur les billets d’avion, chaleurs insupportables dans des bâtiments non climatisés, etc. Sur les réseaux sociaux, on a de plus évoqué les sorties de fin d’année réservées, ainsi que les stages d’insertion déjà prévus.

Il a fallu moins de 24 heures pour que le ministère ne ramène ses dates à une plage plus raisonnable. Messieurs et mesdames les fonctionnaires du ministère de l’Éducation n’avaient pas vu tout ça, selon ce qui a été rapporté à La Presse. 3

Comme bien d’autres choses, messieurs et mesdames du ministère, comme bien d’autres choses.

3 Pilon-Larose, Hugo. Québec se ravise face à la grogne. La Presse, Montréal. Le 2 février 2024.


Dans le cours de musique

Je vais vous raconter une façon singulière de découvrir un artiste. Sur Facebook, dimanche, j’ai vu passer une publication commanditée qui m’a intrigué. Un jeune artiste offrait gratuitement, à qui en voulait bien, une cassette de son album. Oui, une cassette. Un virement de 5$ pour couvrir les frais postaux et je recevais, quelques jours plus tard, l’objet autographié, accompagné d’un code de téléchargement.

Cet artiste a pour nom Olivier Pépin, mais s’affiche sous celui de JALOUSE. Il compose par ordinateur, y mêlant quelques instruments. Le résultat donne un son très français, aux accents québécois. Le coup de marketing est réussi, j’ai fait une belle découverte musicale !

De l’album Nature morte, voici la pièce Caniche en laisse.

JALOUSE – Caniche en laisse – Nature morte – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Il est toujours agréable de voir quelqu’un vaincre la maladie. Cette semaine marquait le retour de Sophie Thibault à l’animation du bulletin de nouvelles de 18 heures, à TVA. Ayant combattu un cancer de la peau, madame Thibault peut maintenant reprendre ses activités.


À demain !

Je ferai ce matin une entorse à mes habitudes. Exceptionnellement, je publierai mon billet hebdomadaire demain, samedi, plutôt que ce vendredi. Comme nous saurons vendredi après-midi si la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) reçoit le mandat d’accepter ou de rejeter l’entente de principe conclue avec le gouvernement du Québec, je commenterai la nouvelle rapidement, dans un billet complet.

Alors on se retrouve demain matin !


Billet du 12 janvier 2024 : Retour en force

J’ai sourcillé en lisant la chronique de Francis Vailles1, cette semaine. Je me suis surtout demandé quelle était la motivation, quel était l’objectif, derrière cette publication dans La Presse ? Les enseignantes et enseignants au sommet de leur échelle salariale dépasseront les 100 000 $ par année dès avril prochain ? Et puis quoi ? Quand on tourne autour du pot comme il le fait, c’est qu’on espère que les lecteurs tireront leurs conclusions à partir de sous-entendus.

Dans son texte, Vailles qualifie quand même cette entente salariale de satisfaisante. Pourquoi ? Parce qu’elle fait franchir à des profs du primaire et du secondaire la « barre magique » des 100 000 $ ? À ce que je sache, il est pas mal toujours resté silencieux lorsqu’il s’agissait des salaires des ingénieurs, des pompiers ou des cols bleus de la Ville de Montréal, pour ne citer que ces quelques exemples.

Personnellement, ce ne sont pas les 100 000 $ que je retiens dans cette entente salariale. Ce sont plutôt les 17,4 % sur cinq ans, auxquels s’ajoute une clause d’indexation à l’inflation pour les trois dernières années de la convention collective. C’est ce qui permettra aux enseignantes et enseignants de maintenir leur pouvoir d’achat.

Au final, est-ce que mes collègues affiliés à la FAE et moi-même avons fait 22 jours de grève pour obtenir un salaire annuel de 100 000 $ ? Absolument pas. Je l’ai mentionné dans mon billet de la semaine dernière 2, je ne serai personnellement satisfait des ententes que si elles permettent d’arrêter l’exode du personnel scolaire et si elles ramènent des étudiantes et des étudiants en éducation dans les universités. Le salaire y contribuera sans doute un peu, mais c’est avec des changements au niveau de la composition des classes et avec un allégement de la tâche qu’on y parviendra. Et là-dessus, aucun élément de l’entente de principe n’a encore été dévoilé.

1 Vailles, Francis. Les enseignants passent au-dessus de 100 000 $. La Presse, Montréal. Le 9 janvier 2024.

2 Billet du 5 janvier 2024 : Journal de vacances des Fêtes (2e de 2).


Dans le cours de mathématiques

Quelques heures après avoir pointé la FAE du doigt pour manipulation de l’opinion publique 3, la journaliste Emmanuelle Latraverse s’y est elle-même risquée en faisant une déclaration, sur les ondes de TVA nouvelles, qui n’a probablement pas manqué d’influencer l’opinion des téléspectateurs. Elle a mentionné que les élèves des écoles fermées en raison des 22 jours de grève de la FAE avaient ainsi été privés de 528 heures de cours. Sachant qu’une année scolaire complète compte 900 heures de cours, je savais bien que l’information n’avait aucun sens.

Les élèves fréquentent l’école pendant 7 heures par jour, mais en déduisant le temps requis pour le repas et les récréations, chaque jour, ils ont 5 heures de classe. Le bon calcul est donc le suivant : 22 jours de grève x 5 heures de cours = 110 heures perdues. C’est beaucoup, mais on est loin des 528 prétendues.

Comment madame Latraverse en est-elle donc arrivée à 528 heures ?

On obtient 528 heures si on tient pour acquis que les élèves reçoivent des cours durant une journée entière, soit 24 heures. (22 x 24 = 528)

La tentation est forte de soumettre ce problème mathématique à mes élèves de 6e année. Je demeure persuadé que la plupart obtiendraient la bonne réponse.

3 Latraverse, Emmanuelle. La FAE a manipulé l’opinion publique : Une réforme du syndicalisme s’impose. Le Journal de Québec. Le 8 janvier 2024.


Dans le cours de français

Il peut arriver qu’une entreprise ou un produit se heurte à un mur une fois exporté dans un autre pays, si à cet endroit son nom prend une consonance peu inspirante. J’en veux pour exemple ce modèle de véhicule, jadis populaire au Canada et aux États-Unis, mais qui n’a jamais su trouver sa niche plus au sud :

En espagnol, Nova signifie « ne va pas ». Cette expression est utilisée en particulier au Mexique et dans les autres pays d’Amérique du Sud.

Cette semaine, les publicités de deux compagnies américaines désirant étendre leurs tentacules au Québec m’ont fait éclater de rire. C’est une coïncidence : les deux entreprises sont des services de livraison de repas.

La première s’appelle Chefs Plate.

Traduire le nom par Les plats du chef ou Le plat des chefs aurait probablement donné un résultat plus attrayant. C’est « plate » pour eux !

Quant à l’autre, elle s’appelle LAbite.

Bon, j’admets que La bouchée de Los Angeles n’aurait guère été préférable. Mais je me plais à imaginer quelqu’un qui lance : « On commande chez LA bite ? ».


Dans le cours de musique

Mélanger les genres et mélanger les styles. Je viens de découvrir la musique de Nicolas Lalonde. Il vient de lancer son premier album, Alternance. Celui-ci se veut un recueil de pièces composées, enregistrées et réarrangées au cours des dix dernières années. La poésie est belle, alors que l’assemblage d’instruments acoustiques et électroniques nous ramène quelques décennies en arrière. Voici la pièce Je comprends vite quand on m’explique lentement.

Nicolas Lalonde – Je comprends vite quand on m’explique lentement – Alternance – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Elle sera simple, courte, belle et très personnelle. J’ai retrouvé ma classe et mes élèves. Aucune nouvelle n’aurait été meilleure que celle-ci.


Billet du 5 janvier 2024 : Journal de vacances des Fêtes (2e de 2)

En premier lieu, je vous formule mes vœux pour une merveilleuse année 2024. À toutes et à tous, je souhaite la santé. La première chose à considérer est la santé physique, afin de profiter pleinement de la nature et des petites joies qu’elle nous réserve. La santé mentale, également, pour que de chacun de ces éléments se dégagent des instants de bonheur dont la beauté vous soit perceptible.

Cette santé physique et mentale, je nous la souhaite aussi en tant que société. Bien sûr, pour ne pas surcharger un réseau de santé déjà abondamment fissuré, mais surtout pour préserver une force et une résilience collectives face au flux quotidien de nouvelles négatives servies par les médias d’information et les réseaux sociaux.

À toutes, à tous, à nous, une bonne, heureuse et saine année.


Sur mes écrans

Dieu est partout, nous a-t-on longtemps répété. En 2024, l’être humain aussi à partir du moment où il a un téléphone intelligent en poche. Il était donc illusoire pour le gouvernement et les grandes centrales syndicales de s’imaginer que les contenus des ententes de principe demeureraient secrets jusqu’à leur présentation aux différentes instances. Les premières fuites se sont produites cette semaine.

On a donc appris que les travailleuses et travailleurs affiliés au front commun intersyndical avaient obtenu des augmentations salariales de 17,4 % sur cinq ans, ceci assortit d’une clause de protection du pouvoir d’achat pour les trois dernières années de l’entente. Cela signifie que si l’inflation dépasse la hausse salariale prévue au cours de l’année, celle-ci sera ajustée en conséquence. On évoque également des gains dans le domaine des assurances collectives et un statu quo quant aux régimes de retraite.

Je ne me prononcerai pas maintenant sur ces différents points, sauf pour indiquer qu’il s’agit d’éléments substantiels qui méritent d’être réfléchis et discutés. Étant moi-même affilié à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), dont aucune ligne de l’entente de principe n’a encore fui, je préfère me garder une réserve pour l’instant.

Avant d’approuver ou de rejeter ce qui nous sera proposé, j’aurai deux questions pour mon syndicat et j’arrêterai ma décision à partir des réponses que j’obtiendrai. Les deux questions seront les suivantes :

  • Est-ce que cette entente nous permettra d’attirer et de retenir des étudiantes et des étudiants dans les départements de la Faculté d’éducation de nos universités ?
  • Est-ce qu’elle stoppera l’hémorragie de personnel qui sévit de manière importante dans le milieu scolaire depuis de nombreuses années ?

Bien sûr, à moins d’une démonstration déjà claire et limpide dans le libellé des offres, je m’attendrai aux justifications pertinentes qui étaieront une éventuelle réponse affirmative. Je souhaite ardemment et sincèrement pouvoir tourner la page de ce chapitre de ma carrière. Toutefois, je refuse d’avoir perdu en vain 22 jours de salaire.


Dans mes écouteurs

Révélation Radio-Canada pour la période 2023-2024, Waahli est un rappeur québécois qui s’accompagne de rythmes caribéens. Impliqué dans la communauté, il donne également des ateliers d’écriture dans les écoles.

Après avoir produit deux albums, en 2018 et en 2022, il nous arrive cette fois avec un microalbum regroupant cinq pièces, Saponification. Heureux de présenter du reggae en #musiquebleue, voici la chanson Bom Pase.

Waahli – Bom Pase – Saponification – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Le jour de Noël, le site de Radio-Canada a publié une liste de dix bonnes nouvelles environnementales, qui ont été répertoriées au cours de l’année 2023. Plusieurs de ces nouvelles nous touchent indirectement en ce sens où elles inspireront sans doute nos décideurs. Cependant, dans le lot, deux des dix nouvelles nous concernent directement.

D’abord, l’île d’Anticosti, qui a officiellement fait son entrée au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit d’une mesure protectrice d’importance pour ce territoire québécois.

De plus, le reportage de Radio-Canada mentionne la revitalisation de l’île Tekakwitha par la communauté mohawk de Kahnawake.

10 bonnes nouvelles environnementales en 2023. Radio-Canada.ca. Le 25 décembre 2023.


Billet du 29 décembre 2023 : Journal de vacances des Fêtes (1er de 2)

Je respire mieux !

Au moment où j’écris ces lignes, je viens d’obtenir la confirmation que les neuf syndicats affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ont entériné l’accord intervenu avec le gouvernement. Notre grève générale illimitée est donc levée.

Ceci n’assure pas encore un retour en classe au début janvier, mais disons que les chances sont excellentes. Il reste encore deux étapes à franchir. D’abord, tous les syndicats regroupés dans le front commun doivent également accepter les accords, ou à tout le moins juger les avancées suffisantes pour renoncer à leur grève générale illimitée annoncée pour le retour des Fêtes. Ensuite, les membres des syndicats locaux doivent à leur tour approuver les ententes de principe. Là-dessus, je demeure très confiant, mais il faut éviter de considérer la formalité. Le passé récent contient plusieurs exemples d’ententes de principe recommandées par les instances syndicales et finalement rejetées par les membres. Pour n’en nommer que deux, notons la Société des alcools du Québec (SAQ), ainsi que la Sûreté du Québec.

J’ai hâte de revoir mes élèves !


Sur mes écrans

J’en faisais déjà l’éloge ici il y a un peu plus d’un an 1. J’adore les capsules de Jamy Gourmaud. Il y a trois semaines, Jamy en a publié une sur les origines de la langue française 2.

Saviez-vous que seulement 2 % des mots français sont empruntés à l’anglais, mais que dans le sens inverse, la langue de Molière en a fourni plus de 60 000 à celle de Shakespeare ? Quelle est la plus grande ville francophone au monde ? La réponse vous étonnera.

On y trouve également un segment sur le Québec. Cette vidéo vaut cent fois l’investissement de 11 minutes qu’elle vous demande.

1 Billet du 16 décembre 2022 : Ce n’est pourtant pas sorcier

2 Voir la vidéo de Jamy Gourmaud sur Facebook


Dans mes écouteurs

Il y a quelques jours à peine, j’ignorais qui était Robert Rioux. Depuis 1999, il a pourtant produit dix albums et plusieurs simples. Professeur de guitare, c’est cet instrument qu’il exploite dans tous les styles et toutes les sonorités. Son album Party nous replonge dans les décennies 1970, 1980 et 1990. Tiré de cet album, voici Funkolik.

Robert Rioux – Funkolik – Party – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Le grand-père, Guy, a fondé Cote 100, une des plus prestigieuses compagnies d’investissements au Québec. Le père, Sébastien, a vécu une impressionnante carrière de double au tennis dans les années 1990, aux côtés d’un autre Sébastien, Lareau. Quant au fils, Maxence LeBlanc, il vient tout juste de signer un contrat en vue de faire partie de l’équipe de football universitaire de l’Ohio, le Buckeye d’Ohio State, qui évolue dans la NCAA.

Il s’agit de la concrétisation d’un rêve pour le Montarvillois de 18 ans qui poursuit ainsi son chemin vers de plus grands sommets.


Billet du 22 décembre 2023 : Journal de grève, 5e semaine

Je suis un enseignant.

J’aurais pu être directeur d’école, mais non. Parce que je suis un enseignant. J’ai un jour considéré devenir conseiller pédagogique, car je trouvais que les classes manquaient de ressources et d’outils. J’ai cependant préféré demeurer avec mes élèves parce que je suis un enseignant.

Je passe une partie de mes fins de semaine et de mes vacances à bâtir du nouveau matériel et à m’informer sur les nouveaux courants pédagogiques. Je le fais comme le font la majorité des enseignants, parce qu’un enseignant ne se contente pas d’être un enseignant. Un enseignant veut toujours demeurer un bon enseignant.

Bien que je ne dispose d’aucune autre certification, mes expériences professionnelles ont fait de moi un médiateur, un travailleur social, un infirmier, un psychologue, un auteur, un concepteur, un comédien, un gestionnaire tous azimuts. Mes collègues le savent bien, ils vivent la même réalité. Pour tous les autres, je suis un enseignant.

Être enseignant, ce n’est pas avoir la vocation, comme plusieurs se plaisent à le penser. Être enseignant, c’est avoir la flamme. Comme n’importe quelle flamme, plus on la nourrit, plus elle monte. Depuis une vingtaine d’années, les différents gouvernements qui se sont succédé ont pris des décisions qui nous ont imposé plus de tâches de gestion et plus d’évaluations, réduisant d’autant notre temps d’enseignement. Nous sommes des enseignants. Moins on enseigne, moins la flamme est nourrie, plus elle diminue. Le gouvernement actuel s’affaire à éteindre ce qu’il en reste.

Je suis un enseignant et j’entreprends une cinquième semaine sans enseigner. La flamme s’est transformée en flemme. Je suis accablé d’une inquiétante paresse physique et intellectuelle qui me plonge dans un état ne s’apparentant à rien de ce que je ressens durant mes semaines de vacances. Il y a une semaine, je me suis ouvert à quelques collègues sur ma situation. Ils m’ont tous, sans exception, affirmé ressentir la même chose. Rassurant ? D’un point de vue personnel, oui. Professionnellement, non, au contraire. Nous sommes des enseignants.

Le choix d’aller en grève nous appartenait. Il importe néanmoins de préciser que nous sommes sans convention collective depuis mars dernier et que malgré notre grève, le gouvernement ne démontre aucun empressement à négocier. Ajoutons à cela que plusieurs éléments importants étaient restés en suspens lors des dernières discussions, en raison de la COVID. Parmi ces éléments, on trouve la composition des classes, que nous avions accepté de reporter aux présentes négociations, malgré l’urgence de la situation. L’important était d’avancer et de rattraper le temps que la pandémie nous avait fait perdre. Nous sommes des professionnels de l’enseignement.

La grève des enseignantes et enseignants affiliés à la FAE entre dans sa cinquième semaine. Elle est déjà la plus longue jamais vécue par l’État québécois. Jusqu’à quand se poursuivra-t-elle ? François Legault répète depuis plus de dix ans que l’éducation est sa priorité. Si c’était le cas, nous serions en classe actuellement. Vingt jours de grève, parce que c’est là où nous en sommes, c’est un dixième de l’année scolaire. Même durant la pandémie, les élèves n’en avaient pas perdu autant. Nous étions passés en enseignement à distance après deux semaines.

Ce gouvernement, dirigé par des gens d’affaires (la tentation était forte d’écrire des hommes d’affaires), gère le Québec comme s’il s’agissait de son entreprise. Les élèves ne sont pas une clientèle qu’on peut se permettre de négliger temporairement dans l’espoir de mieux la servir par la suite. Et les employés de l’État sont ceux de l’État, pas ceux de la CAQ. La responsabilité de les garder mobilisés incombe cependant aux élus et aux hauts fonctionnaires.

Je suis un enseignant qui n’enseigne plus. Et plus la situation se prolonge, plus j’ai tendance à me démobiliser. Cette semaine, une de mes élèves m’a écrit. Elle m’a rappelé qu’en septembre, j’avais mentionné au groupe que je leur parlerais de quelque chose en particulier lorsque nous serions rendus en décembre. Ma flamme s’est nourrie par cette seule intervention. Je lui ai répondu que je me mettais sur-le-champ à la réalisation d’une capsule vidéo. La petite a prévenu d’autres élèves de la classe et me l’a fait savoir. La flamme brûle. Ne le dites pas à mon syndicat, mais ça fait deux jours que je travaille sur cette capsule que je déposerai plus tard aujourd’hui sur une plateforme numérique.

Il n’y a aucun doute, je suis un enseignant.


En #musiquebleue

Encore une pièce de Noël, encore a cappella. Il y a quelques années, j’ai découvert la version de la chanson The 12 Days of Christmas par le groupe américain Straight No Chaser. Version drôle et surprenante, s’il en est une.

De ce côté-ci de la frontière, le duo Deux gars, plein d’voix en ont fait une adaptation. La voici.

Deux gars, plein d’voix – Les 12 jours de Noël – Tableaux de Noël – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Il est délicat d’écrire ici tous les détails, mais les élans de générosité et de solidarité de la population envers le personnel scolaire en grève sont dignes de mention. À petite échelle, dans nos entourages immédiats, les exemples sont nombreux. Les invitations à souper, le partage de nourriture, les prêts d’argent à long terme et sans intérêt constituent des éléments fréquents et nombreux chez les collègues.

Les initiatives de groupes ou régionales apportent également leur lot d’aide précieuse. À ce sujet, il y aura de nouvelles collectes et distributions à plusieurs endroits, le samedi 23 décembre.

Finalement, je me dois de souligner l’apport des très nombreux commerçants qui, sur les lignes de piquetage, ont souvent et spontanément démontré leur soutien. De façon plus personnelle, pour tout ce qui a été offert à mes collègues et à moi durant notre seule sortie de jeudi, je tiens à remercier Barbies resto bar grill, les Marchés TAU, ainsi que les restaurants Starbucks.


Grève rime avec trêve. Je souhaite que pour les deux prochaines semaines, les rapprochements familiaux et amicaux constituent notre seule source de préoccupations. Pour celles et ceux qui fêteront Noël, je vous le souhaite joyeux et festif.


Billet du 15 décembre 2023 : Journal de grève, 4e semaine

Pour une quatrième semaine consécutive, je souhaite que le chapitre hebdomadaire de mon journal de grève soit le dernier. Mercredi, le premier ministre s’est même avancé sur un retour en classe dès lundi. Ça, c’est comme pour le père Noël : on voudrait y croire, mais la réalité l’emporte.

Dans ce billet, je cède ma plume à d’autres. Il existe des enjeux qui ont besoin d’être démystifiés, en ce qui regarde le quotidien du monde de l’enseignement, afin de contrer ou de préciser certaines croyances populaires. Si j’y fais ponctuellement allusion à l’intérieur de mes écrits, des collègues et des observateurs en ont fait autant ces derniers jours. Cette semaine, mon espace leur appartient.


Sur l’exode du personnel et la désertion des étudiants en enseignement

Son homonyme est acteur, mais le Frédéric Pierre dont il est question ici est informaticien. Il appuie le personnel scolaire et celui de la santé dans leurs revendications. Voici ce qu’il publiait sur le réseau social Bluesky, le 11 décembre dernier.

« Une prof me disait que plus le gouvernement prend du temps pour négocier, certains profs songent quitter et se trouver autre chose. Aussi, sa fille étudie en enseignement :
– 1ère année : il y avait 120 étudiants.
— 3e année : il en reste 30 ! Avec une autre année à faire.
😕 »
Source : Bluesky (@fredericpierre.bsky.social)

Évidemment, ces chiffres ne sont pas vérifiés et confirmés. Mais ils reflètent ceux de l’étude réalisée par Le Devoir, il y a deux ans, à laquelle je faisais référence dans mon billet du 24 novembre dernier. 1

1 Billet du 24 novembre 2023 : Journal de grève, 1re semaine


Sur les affectations du personnel

Depuis le début des moyens de pression du personnel enseignant, le gouvernement exige de nous de la souplesse pour modifier le processus d’affectations. Nous reviendrons plus bas sur la souplesse. Pour ce qui est des affectations, mon ex-collègue Marie-Josée Dupont a très bien résumé la situation.

Source : Facebook

Ce que le gouvernement voudrait, c’est que les enseignantes et enseignants permanents soient exclus de l’affectation d’août. Bien que l’ancienneté constitue notre seul atout pour améliorer nos conditions, la FAE a tout de même consenti à une ouverture sur ce point. Pourquoi Bernard Drainville et François Legault en font-ils un enjeu majeur alors que ça ne concerne qu’une quantité négligeable de postes ? Ma seule réponse est qu’ils font preuve d’une méconnaissance marquée de la situation.


Sur notre réalité

Le cri du cœur d’Anne-Marie Vignola, enseignante au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), expose un portrait limpide et complet de notre quotidien.

« Bonjour,
Je m’appelle Anne-Marie et je suis enseignante depuis plus de 20 ans. J’ai étudié quatre ans à l’université pour obtenir un baccalauréat en éducation. Je suis sans contrat de travail depuis 10 mois et sans salaire depuis trois semaines parce que mon patron trouve que je manque de souplesse. J’ai pourtant l’impression de faire des acrobaties incroyables pour parvenir à faire mon boulot. Je n’ai rien d’extraordinaire… Nous sommes plus de 60 000 dans les rues depuis bientôt trois semaines. (FAE) Cette semaine des milliers d’autres travailleuses vont se joindre à nous. ✨❤️ Nous vous attendions ! ✨
Je suis une fille travaillante ! Je fais des heures supplémentaires à toutes les semaines et je ne demande jamais d’obtenir un salaire supplémentaire. Je fais tout ça bénévolement.
Je mange régulièrement le souvenir d’un yogourt sur l’heure du midi parce que je manque de temps et je préfère travailler.
En 20 ans, je n’ai jamais reçu une seule plainte de ma direction.
Je dépense annuellement entre 500 $ à 1000 $ de mes sous pour acheter des jeux, jouets, livres ou ateliers. Le 250 $ attribué pour ma classe est insuffisant et j’adore avoir du matériel pédagogique actuel.
Je suis toujours à l’heure au travail.
Depuis deux ans, je n’ai jamais été malade. Je ne prends jamais de congés parce que je n’aime pas prendre deux heures de mon temps, déjà si précieux, pour écrire les explications du déroulement de la journée à un remplaçant. Il y a aussi le fait que ce sont souvent des collègues qui doivent remplacer les absents parce qu’il n’y a plus de suppléants…
Je demeure presque toujours calme lorsque quelqu’un lance une chaise. 🧘🏻‍♀️
Je suis immunisée contre les insultes.
Je suis excellente en gestion des conflits.
Je peux faire rire quelqu’un qui pleure.
Je sais que mes bras sont réconfortants.
Je peux faire 5 tâches en même temps.
Je fais environ 20 heures de formation par année parce que je trouve important de demeurer au fait des pratiques innovantes dans mon domaine.
J’ai repeint une partie de mon local en cachette et j’ai découpé des petites marguerites en papier pour cacher les trous du mur de ma classe. Encore une fois, j’ai gardé la facture pour moi.
Mon patron trouve que je manque de souplesse, mais moi, j’ignore ce que je peux faire de plus…
Tous les spécialistes de l’enfance (médecins, pédiatres, psychologues) sont en accord avec les demandes de la FAE. On ne demande pas d’avoir l’air climatisé, un système de ventilation adéquat et un parc informatique fonctionnel… Nous souhaitons que nos élèves les plus vulnérables puissent obtenir des services offerts par des personnes compétentes. LA BASE ! Ce travail, je l’aime profondément et ça me fait mal de me sentir aussi peu respecté par mon employeur. À force de me plier en quatre pour y arriver, je suis brisée et je ne veux plus continuer comme ça. L’attitude du gouvernement envers cette marée de petites tuques rouges me dégoûte ! Nous sommes des guerrières ! Nous arrivons à bout des enfants les plus rebelles… Si son souhait est d’étirer la négociation pour épuiser nos troupes et semer le chaos, il va trouver le temps long. Les troupes sont épuisées depuis une décennie et elles appuient le méchant monstre syndical qui, pour l’instant, est le seul à nous protéger dans cette lutte… Après trois semaines, ces femmes sont affamées et déterminées à continuer de lutter contre les injustices du système de l’éducation et de votre exploitation de notre bonté ! »🔴

Source : Facebook


Sur notre salaire et nos vacances

Je l’ai écrit plusieurs fois, nos semaines de vacances sont nombreuses, mais elles sont toutes à nos frais. Qui plus est, le gouvernement conserve temporairement une partie de notre argent et le fait fructifier, avant de nous en remettre le capital tout en conservant les intérêts. Le dimanche 10 décembre, Valérie Larin l’a très bien expliqué.

« FONCTIONNEMENT RÉEL DU SALAIRE D’UN PROF
Je fais ce post en toute transparence. Je suis prof au primaire. Je suis actuellement à l’échelon 5. Selon la convention actuelle, mon salaire annuel est de 56 550 $.
Une année compte 52 semaines (365 jours). Si on exclut les week-ends, ça nous donne 260 jours au total. Je travaille 200 jours par année (180 jours en présence d’élèves plus 20 journées pédagogiques, qui sont loin d’être des « congés » comme certains le pensent : réunions, planification, correction, impressions, paperasse, achats pour la classe, etc.).
Logiquement, je devrais être payée 1/200 de 56 550 $ pour chaque jour travaillé, c’est à dire 282,75 $ par jour (brut) et être au chômage durant l’été. Sachez que ce n’est pas le cas !
Il y a plusieurs années, une loi est venue exclure les enseignants ayant un poste permanent du droit au chômage durant l’été. Pourquoi ? Aucune idée ! Ça, c’est la première aberration. En voici une deuxième : comme le gouvernement semble juger que nous ne sommes pas assez autonomes pour gérer nos sous nous-mêmes et nous en mettre de côté pour la période estivale, il me paie 1/260, donc 217,50 $ au lieu de 282,75 $. Le gouvernement ramasse donc 65,50 $ sur chacune de mes paies (aux deux semaines) pour me le redonner durant les mois d’été. Au total, dans l’année, c’est 15 660 $ qu’il garde pour lui en le faisant fructifier pendant que moi, je ne peux pas, même si c’est MON argent. Je vous rappelle que je ne suis qu’à l’échelon 5. Imaginez quelle somme cela peut représenter sur l’ensemble des profs au Québec !
En voulez-vous une autre ? La loi sur les normes du travail prévoit 2 semaines de vacances payées pour les salariés ayant cumulé entre un an et 3 ans de travail continu, ainsi que 3 semaines payées après 3 ans. Nous, les profs ? Rien. Nada. Nous n’avons aucun congé payé par l’employeur. Nous finançons tous nos congés (vacances et jours fériés) à partir de notre propre paie.
Donc, si vous pensiez encore que les profs ont « deux mois de congés payés durant l’été », j’espère que cette rectification vous a permis de comprendre que c’est loin d’être le cas ! »

Source : Facebook


Sur notre souplesse

Cette fameuse souplesse que réclament François Legault et au moins deux de ses ministres ! Est-ce que nous en démontrons suffisamment ? Marie-Ève Couture, enseignante spécialiste en anglais, a également lancé ce cri du cœur.

« D’après monsieur Legault, je manque de souplesse…
En tant que spécialiste, prof d’anglais, j’ai 2 écoles, 15 groupes donc environ 300 élèves…
Je ne me plains pas, mais vous dites que je manque de souplesse…
🤔
Je fais partie des privilégiés qui possèdent un local où je peux enseigner adéquatement. Mais seulement dans une école ! Faudrait pas ambitionner, quand même !!
À l’autre école, je prends la place de l’enseignant qui doit sortir de son local et se trouver une place où travailler durant cette heure…. Qui est souvent le salon du personnel où ça va et vient constamment ! …. Parfait pour travailler et se concentrer !
Mais, ON manque de souplesse !
Je change 5 fois de local dans une journée en oubliant souvent des trucs ici et là… Je dois me promener de classe en classe avec des livres, mon ordi, mon sac, les photocopies, les jeux, les dictionnaires… puisque je n’ai pas de local pour enseigner !!!!
Mais, je manque de souplesse !
Le budget classe pour acheter des livres ou du matériel est largement insuffisant… 150 $ environ par école et c’est pas une blague !
Donc, vous me voyez venir !
Je dépense facilement 500 $ par année pour que les élèves aient : des nouveaux livres intéressants, une boîte de récompenses, des jeux au goût du jour, des activités intéressantes, des décorations et des affiches pour rendre les cours plus vivants, etc.
Mais, je manque de souplesse !
À la récré, je garde des fois des élèves pour régler un conflit, leur donner du temps supplémentaire pour finir l’examen, avoir une discussion parce que l’élève vit des choses difficiles à la maison (oui bien sûr qu’on est psychologue et ça presque au moins une fois par semaine !), pour reprendre la notion enseignée, etc. J’avais vraiment envie d’aller aux toilettes, mais bon, j’irai au dîner, l’élève est plus important !
Mais, je manque de souplesse !
Idéalement, dans un cours, je dois enseigner, expliquer l’exercice à faire, répondre aux questions et si possible corriger en grand groupe ! Et le tout en une heure ! Car on voit en général nos groupes seulement une heure par semaine !
Bon, OK !
8 h 05
Je commence le cours… que dis-je… j’attends qu’environ 3 à 5 élèves finissent d’enlever tous les vêtements p.c.q. ils sont habitués de prendre leur temps à la maison et qu’il n’est pas question qu’ils se dépêchent à l’école….
Faudrait pas les brusquer, mais plutôt attendre et s’adapter à leur rythme… pendant ce temps-là, il y en a 15 qui sont prêts, s’impatientent et qui commencent à vouloir bouger. C’est normal, c’est des enfants !!! Mais moi, j’attends les autres tout en essayant de gérer les comportements des autres.
8 h 15 : Une fois tout le monde assis et « attentif »
😉😂 🤞Je peux commencer à enseigner !
Dans plusieurs groupes, j’ai un élève TSA qui nécessite une approche différente pour chacune des interventions.
Par exemple, si je demande de sortir leur cahier, l’élève se met à crier, car il n’aime pas les changements… je dois donc le préparer mentalement à l’avance pour chaque transition !
Bien sûr, nous avons des TES formidables pour aider, mais qui ne peuvent pas se séparer en 10 non plus !
Il y a en souvent un avec un trouble de comportement qui est très souvent en opposition, impoli avec moi ou les autres. Souvent en conflit qui doit être réglé tout de suite pour ne pas que ça dégénère….
Il y a facilement 5 à 7 élèves par groupe avec des plans d’intervention puisqu’ils ont de gros troubles d’apprentissage. Ce qui veut dire que je dois adapter mon cours pour eux parce qu’un a droit à son ordi (donc je dois m’assurer que l’élève a son ordi et que j’ai préparé à l’avance le document qui devra être lu par un logiciel prévu à cet effet).
Un autre a droit à un temps supplémentaire pour finir (que je dois aussi prévoir dans mon planning) et je pourrais continuer longtemps encore !
Il y a ceux qui n’ont pas de troubles d’apprentissage, mais qui ne sont pas motivés et que l’on essaye par tous les moyens de motiver…
Il y a ceux qui ne comprennent pas le français…..
Et qui sont oubliés ? Ceux pour qui ça va bien et qui n’ont pas de problèmes d’apprentissage et/ou de comportement…
8 h 30 : après avoir demandé je ne sais pas combien de fois à un élève de s’asseoir et d’arrêter de déranger autour de lui p.c.q. il n’a pas pris sa médication ce matin-là et qu’il est impossible pour lui de rester en place et bien je finis par tolérer qu’il soit debout p.c.q. je suis juste tannée d’intervenir.
Je réussis à les faire commencer l’exercice, et un de me dire qu’il n’a pas de crayons, l’autre qu’il ne trouve pas son cahier, l’autre qu’il ne sait pas quoi faire quand je viens de passer 10 minutes à expliquer pendant que lui jouait avec son efface, que mon TSA a besoin de moi constamment pour le rassurer ! J’ai ceux qui ont des questions p.c.q. ils ne comprennent pas encore le français et moi je leur demande d’apprendre une troisième langue….
J’ai aussi les anglophones qui finissent le travail en quelques minutes et je dois avoir prévu des trucs supplémentaires pour eux qui les challengent un peu !
Êtes-vous essoufflés ??? Moi, oui !
Mais, je manque de souplesse !
9 heures : plusieurs n’ont pas fini l’exercice, j’ai géré 2 conflits à travers toutes les questions et mon TSA décide qu’il jette par terre tout ce qu’il trouve autour de lui !
9 h 05 : je dois me dépêcher à tout ramasser mes trucs, mon ordi, mon sac, mes jeux, etc., pour changer de local, car je donne un cours à 9 h 05 à l’étage du dessus…
Mais, je manque de souplesse !
On répète la scène 5 fois par jour, 5 jours par semaine ! De septembre à fin juin !
MAIS !!!!
Je manque de souplesse !
🤔🤔🤔🤔🤔🤔🤷🏻‍♀️🤷🏻‍♀️🤷🏻‍♀️ »


Sur nos revendications

Ce que nous réclamons, c’est de l’aide et la sauvegarde de l’école publique. La hausse salariale est accessoire et vise surtout à rendre notre profession attrayante pour arrêter la désertion massive qu’elle subit actuellement. Cette grève générale illimitée, sans salaire, sans fonds de grève, ce piquetage sous des températures hivernales, c’est pour nos élèves et ceux qui les suivront que nous le faisons.

Dans une lettre ouverte à François Legault, Bernard Drainville et Sonia LeBel, plus de 75 pédiatres et médecins de famille ont pris position en notre faveur et en faveur de leurs collègues du domaine de la santé. Voici un extrait de leur missive.

« Croyez-nous, nous sommes au premier rang pour constater la dure réalité des familles qui perdent présentement des revenus considérables, en raison de journées de travail annulées. Plus particulièrement, nous avons cette pensée sincère pour les enseignantes et les enseignants qui sont maintenant sans salaire depuis presque trois semaines à se battre pour de meilleures conditions de travail, mais aussi de meilleures conditions d’apprentissage pour les élèves, bref pour un meilleur système d’éducation publique, en adéquation avec nos jeunes institutions fondatrices.

Nous joignons fièrement nos voix à la leur, de même qu’à celles de tous les travailleurs de la santé, également mus par de courageux engagements. Nous militons pour un meilleur système d’éducation publique, qui valorise à juste titre le travail de tous ses professionnels, tout en demeurant profondément inquiets pour notre système de santé déjà fragilisé et qui l’est d’autant plus que de nombreux travailleurs de la santé, également des parents, y sont déchirés entre leurs responsabilités professionnelles inconciliables avec leurs obligations familiales. »

Pour prendre connaissance de l’entièreté de la lettre, c’est ici :
Dites-nous que l’école rouvre cette semaine. La Presse, Montréal. Le 12 décembre 2023.


Sur l’école à trois vitesses

Finalement, s’il vous reste du temps et de l’énergie, je vous invite à lire la chronique de Patrick Lagacé, publiée jeudi matin. Il résume bien la part du système à trois vitesses dans les déboires vécus par tout le réseau de l’éducation québécoise. J’admets cependant être plus optimiste que lui quant à la suite des choses. Un peu.

Lagacé, Patrick. Pour l’école, je suis inquiet. La Presse, Montréal. Le 14 décembre 2023.


En #musiquebleue

Près de 50 ans après que Walter Murphy nous eut donné sa version disco de la 5e symphonie de Beethoven, voici qu’Emmanuelle Boucher nous offre Minuit, chrétiens en rock country.

Emmanuelle Boucher – Minuit, chrétiens – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

A-t-il vaincu sa dépression sévère ? Peut-être pas tout à fait, mais toujours est-il que le comédien Serge Thériault participera à une émission radiophonique le 24 décembre, sur les ondes d’ICI Première. Animée par Stéphane Laporte, l’émission spéciale portera sur ses collaborations avec son complice Claude Meunier.

Reclus à son domicile depuis plusieurs années, Thériault avait récemment quitté son ermitage le temps de tourner la scène finale, quelques secondes à peine, des nouveaux épisodes de La p’tite vie. Contrairement à toutes les autres scènes, celle-ci n’avait pas été enregistrée devant public.

Cette fois, de nombreux invités défileront en studio pour rendre hommage au célèbre duo.


Autre collecte de dons pour le personnel affilié à la FAE

Celle-ci aura lieu le samedi 23 décembre, aux endroits indiqués ci-dessous.


Billet du 8 décembre 2023 : Journal de grève, 3e semaine

J’ai l’habitude d’écrire à la première personne du singulier. Je trouve présomptueux de se servir du pronom « nous » pour faire valoir sa position. Cependant, après de nombreux échanges avec les collègues, je peux affirmer que nous avons vécu deux grandes déceptions, cette semaine.

La première est survenue lundi. La veille, en soirée, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) avait soumis une contre-offre à la plus récente proposition gouvernementale. En matinée, la présidente du Conseil du trésor la rejetait devant les médias, avant même d’en avoir informé le syndicat. Cette façon de procéder propre au gouvernement actuel a été dénoncée seulement deux jours plus tard par six professeurs spécialisés en relations de travail à l’Université de Montréal 1.

Et je cite :

« On utilise le micro et les médias pour faire des déclarations alarmistes et aller chercher l’appui de la population. On se rend compte que ça n’aide pas aux tables de négociation, ça crée des braquages et des gens en colère. »

Mélanie Laroche, professeure en relations industrielles, Université de Montréal, le 6 décembre 2023. (Source : La Presse)

Tôt lundi matin, avant cette sortie de la ministre LeBel, nous étions certains que le retour en classe était imminent. Sincèrement, il y avait de la joie et de la bonne humeur sur les lignes de piquetage. Nous avons brutalement été ramenés à la réalité.

C’est mercredi soir que nous avons vécu la seconde déception : l’annonce de l’offre de bonification salariale de 12,7 % sur cinq ans (16,7 % pour une infime minorité d’employés du secteur public). Selon les prédictions rapportées par plusieurs médias, l’inflation pour cette même période devrait atteindre 18,1 %.

D’abord, comme je l’indiquais dans mon billet du 24 novembre dernier 2, la question salariale ne constitue qu’un élément parmi d’autres dans nos revendications. Malgré le fait que notre rémunération se situe bien en deçà de la moyenne canadienne, nous ne réclamons dans le contexte actuel qu’une indexation au taux d’inflation. Là-dessus, je rappelle qu’à l’automne 2022, les députés se sont voté une hausse salariale de 30 %, pas sur cinq ans, mais sur un an. Je rappelle également qu’en septembre dernier, ce gouvernement offrait une augmentation de 21 % aux policiers de la Sûreté du Québec. Préalablement acceptée en entente de principe, l’offre a finalement été rejetée quand les syndiqués se sont prononcés dessus.

Donc, les députés s’octroient 30 % sur un an, les policiers refusent 21 % sur cinq ans et on n’offre que 12,7 % aux enseignantes et enseignants.

Je reprends mon « Je ». La déception était certes collective, mais après deux semaines de grève du personnel affilié à la FAE, à l’aube d’une grève de six jours du front commun qui viendra fermer toutes les écoles encore ouvertes, si le gouvernement n’offre que 12,7 % un 6 décembre, il est clair à mon esprit que c’est parce qu’il est déterminé à faire perdurer les négociations jusqu’après la période des Fêtes. Je l’ai mentionné dans mon dernier billet et j’ai continué de le constater cette semaine, l’appui de la population à notre cause est toujours aussi fort. Cette stratégie risque de coûter cher à François Legault.

1 Morasse, Marie-Ève. Grève du secteur public : Les interventions publiques « n’aident pas ». La Presse, Montréal. Le 6 décembre 2023.

2 Billet du 24 novembre 2023 : Journal de grève, 1re semaine.


Déformation professionnelle

La députée Christine Labrie est enseignante de formation. Elle s’est portée à la défense de ses ex-collègues à quelques reprises, cette semaine, à l’Assemblée nationale. Ce faisant, elle a employé une épithète que la présidence lui a demandé de retirer. Sur sa page Facebook, madame Labrie a demandé à ses abonnés de lui suggérer un synonyme. Elle s’est cependant permis une liberté que je me permets de dénoncer ici.

#LeProfCorrige (même quand il est en grève)

Ici, le Fac ne passe pas ! Personne ne devrait écrire comme il ou elle parle. On aurait pu utiliser plusieurs marqueurs de relation pour débuter la phrase. Donc, alors, ce qui fait que, etc. Le reste de sa publication demeure impeccable.

Et pour tout le reste, madame Labrie, je vous remercie ! 🙏


Dans mes écouteurs

Musique intéressante que celle du duo Babylones. Actif depuis une dizaine d’années, il vient de produire un deuxième album complet, Humains. Je vous propose la pièce Cannibale.

Babylones – Cannibale – Humains – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

On constate un bel élan de solidarité de la part de la population envers les enseignantes et enseignants en grève. Les médias l’ont maintes fois répété, nous ne disposons pas d’un fonds de grève. Cela signifie que nous ne recevons aucun salaire depuis le 23 novembre et cela perdurera jusqu’à notre retour en classe, quand la grève générale illimitée aura pris fin.

Si la situation actuelle est financièrement difficile pour nous tous, elle est précaire et déjà critique pour plusieurs. À l’initiative de citoyens, des groupes d’entraide se sont rapidement formés. Ce samedi, 9 décembre, les personnes désirant aider le personnel scolaire en grève pourront effectuer des dons (on évite l’argent) à différents endroits.

Il y a également moyen de contribuer en répondant à des besoins exprimés sur la page Facebook Entraide pour les profs en grève.


Billet du 1er décembre 2023 : Journal de grève, 2e semaine

Je vis actuellement ma première grève générale illimitée. Cependant, il m’est arrivé de vivre des journées de débrayage, individuelles ou regroupées, ainsi que plusieurs autres moyens de pression. Il y a véritablement quelque chose de différent, cette fois-ci.

Chez les collègues, d’abord. Jamais n’ai-je constaté une telle motivation. Personne n’aime être en grève, encore moins à long terme, mais la situation est telle que la poursuite de cet ultime moyen de pression demeure perçue comme une nécessité tant que des engagements fermes et concrets pour l’amélioration de nos conditions de travail ne seront pas mis de l’avant.

Ensuite, il reste étonnant de constater l’appui des parents des élèves et de la population en général. Sur les lignes de piquetage, plusieurs passent nous offrir le café ou des gâteries alimentaires. De nombreux automobilistes nous encouragent à coups de klaxon.

Finalement, et c’est du jamais vu en ce qui me concerne, un grand nombre de directions d’écoles ont discrètement manifesté leurs encouragements aux grévistes.

Tout ceci après deux semaines d’une grève qui force une grande partie de la population à repenser ses horaires et sa logistique familiale. Il serait utopique d’affirmer que sa patience restera sans limite, mais pour que l’appui demeure après deux semaines, il y a indéniablement quelque chose de différent cette fois-ci.

Je miserais sur la conscience collective que le citron, maintes fois écrasé, ne donne plus de jus.


Sur nos écrans

Les faits :
Le jeudi 30 novembre, dès les premiers bulletins de nouvelles, de nombreux médias québécois affirment qu’il y a de l’évolution dans les négociations et que la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) considère suspendre sa grève générale illimitée.

Les représentants de la FAE démentent rapidement, mais les médias continuent de marteler le même message toute la journée durant.

En après-midi, le démenti de la FAE est réitéré dans une série de messages à ses membres, notamment à travers ses instances régionales et locales. Je me permets d’en diffuser ce court extrait :
« Au moment d’écrire ces lignes, il semble que les médias véhiculent des informations erronées. Rien ne nous laisse croire que nous lèverons la grève incessamment et ces propos n’ont pas été tenus par la présidente de la FAE, Mélanie Hubert. Cependant, il est vrai que nous avons à cœur de régler le plus rapidement possible, mais pas à n’importe quelles conditions. »

Et pourtant, même en soirée, les médias continuent d’affirmer qu’il y a des progrès dans les négociations et que la suspension de la grève est envisagée. Seule Radio-Canada, en fin de reportage, a fait brièvement état des courriels envoyés aux membres de la FAE.

Comment interpréter cette contradiction ?


Dans mes haut-parleurs

Le chant a cappella a connu un regain de popularité, depuis la dernière douzaine d’années. Des ensembles comme Qu4rtz ou Pentatonix ont même gravi les hauts rangs de différents palmarès. Les harmonies vocales s’adaptent particulièrement bien aux classiques du temps des Fêtes.

Dernier Noël constitue le sixième album de la formation Quartom, fondée en 2008 par quatre étudiants en chant classique. Une des pièces a particulièrement retenu mon attention. Jamais je n’aurais pu imaginer La danse à St-Dilon, de Gilles Vigneault, rendue de cette façon. Et pourtant, le résultat est sublime. Régalez-vous !

Quartom – La danse à St-Dilon – Dernier Noël – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Signe que des négociations peuvent rapporter, je salue ici les efforts de Google et du gouvernement du Canada qui ont fini par déboucher sur une entente pour la diffusion des nouvelles canadiennes sur le moteur de recherche. Google versera donc 100 millions $ annuellement à un collectif qui se chargera de redistribuer cette somme aux médias admissibles.

Un des éléments intéressants de l’accord est que si une entente plus avantageuse est conclue entre Google et un autre pays, les termes de celle avec le Canada seront revus à la hausse. Il reste maintenant à convaincre Meta de revenir à la table des négociations.


Petit extra

Jaclyn Lizzi est une jeune Américaine originaire du Texas. Après avoir appris l’espagnol, elle a décidé d’acquérir une troisième langue et a jeté son dévolu sur le français. Elle le parle aujourd’hui de manière impeccable.

Il y a trois ans, elle a adapté en anglais la chanson L’Amérique pleure, des Cowboys Fringants, et a enregistré la version pour sa chaîne YouTube. Le décès de Karl Tremblay, il y a deux semaines, lui a procuré une multitude de nouveaux abonnés, presque tous québécois.

Ceci n’est pas une #musiquebleue, mais presque !

Jaclyn Lizzi – L’Amérique pleure