Billet du 12 septembre 2025 : Laisser l’école s’éteindre à petit feu

Si les États-Unis avaient investi, il y a plusieurs décennies, dans un système d’éducation réellement accessible, équitable et ambitieux, Donald Trump n’aurait probablement pas été élu président. L’histoire récente le montre cruellement : un gouvernement qui souhaite contrôler son peuple commence souvent par l’affaiblir intellectuellement, en décourageant l’esprit critique et en sous-finançant l’école publique. Car une population moins instruite est plus facile à diviser, à manipuler et à distraire.

Cette dynamique est bien connue : qui contrôle l’éducation contrôle les esprits. Ce n’est donc pas un hasard si les régimes autoritaires s’attaquent souvent à l’école avant de museler complètement les médias.

L’histoire en regorge d’exemples : l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler a d’abord transformé les programmes scolaires et enrôlé la jeunesse dans la Hitlerjugend avant de prendre le contrôle total de la presse ; l’Union soviétique de Joseph Staline a façonné le « nouvel homme soviétique » dès les bancs d’école via la Jeunesse communiste (Komsomol) ; la Chine de Mao Zedong, pendant la Révolution culturelle, a purgé les enseignants et remplacé les cours par l’endoctrinement ; plus récemment, la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan a commencé par réécrire les manuels scolaires avant de museler la presse critique.

Parce que l’école touche tous les enfants et captive leur attention pendant des années, la mainmise sur l’éducation est le moyen le plus efficace de remodeler durablement une société à l’image du régime.

Et ce phénomène ne se limite plus aux régimes autoritaires. Des démocraties réputées stables empruntent aujourd’hui le même sentier glissant. Aux États-Unis, plusieurs États ont entrepris de réécrire leurs manuels scolaires pour les aligner sur une vision idéologique :

  • en Floride, sous l’impulsion du gouverneur Ron DeSantis, des manuels d’histoire minimisent l’esclavage et censurent les questions de racisme ou d’identité de genre ;
  • au Texas, certains contenus ont été modifiés pour atténuer les violences de la ségrégation et présenter l’Holocauste de façon « équilibrée » ;
  • ailleurs, comme en Oklahoma ou au Tennessee, on impose désormais aux enseignants de ne pas évoquer le racisme systémique ni les privilèges liés à la race.

Même au Canada, la province de l’Alberta vient récemment de retirer des bibliothèques scolaires plusieurs livres jugés « controversés ». On ne nie pas les faits : on les édulcore, on les relativise ou on les passe sous silence, pour fabriquer un récit plus confortable. Un récit qui rassure, mais qui appauvrit la pensée.

Et si, sans même s’en rendre compte, le Québec était tranquillement en train d’emprunter cette voie ?

Cette semaine, le vice-président de Debout pour l’école, Jean Trudelle, publiait dans Le Devoir une lettre d’opinion qui sonnait l’alarme : « changer de ministre sans changer de philosophie ne mènera nulle part. » Il y rappelait les mots du regretté sociologue Guy Rocher, qui disait avoir « honte de ce qu’est devenu le système scolaire au Québec ». 1

Dans ce texte, Trudelle décrivait une école à trois vitesses qui accentue les inégalités sociales, une explosion du nombre d’élèves à besoins particuliers sans les ressources suffisantes pour les soutenir, une pénurie d’enseignants masquée par l’embauche massive de personnes non qualifiées et une approche comptable centrée sur les taux de réussite plutôt que sur la qualité réelle des apprentissages.

Il soutenait que remplacer Bernard Drainville par Sonia LeBel ne changerait rien si la philosophie de gestion restait la même.

Cette gestion à courte vue de l’éducation publique n’est pas neutre, ajoutait Trudelle. Laisser l’éducation se décatir à petit feu, c’est courir à la catastrophe. C’est exactement ce qui s’est produit aux États-Unis, avec les conséquences sociales et politiques que l’on connaît.

Lorsque l’on accepte :

  • que des milliers d’enfants soient privés de services essentiels,
  • que l’on distribue des diplômes sans que les bases soient réellement maîtrisées,
  • que les inégalités deviennent structurelles,

on crée peu à peu les conditions d’une société plus docile, moins exigeante envers ses dirigeants, plus vulnérable aux discours simplistes et populistes.

Et pendant que le réseau public d’éducation se fragilise, un phénomène intrigant se manifeste : le soutien à l’option indépendantiste progresse rapidement chez les 18 à 34 ans, selon plusieurs sondages récents. On peut bien sûr y voir un regain de nationalisme, mais je crois qu’il s’agit de tout autre chose. Ces jeunes — qui sont pourtant les enfants de la mondialisation, du métissage culturel et de l’hyperconnectivité — ne réclament pas tant un pays qu’un projet. Un cap collectif. Une idée mobilisatrice capable de donner un sens à leurs efforts et à leur participation démocratique.

Aucun projet de société digne de ce nom n’a émergé ici depuis la Révolution tranquille. Depuis des décennies, la politique québécoise carbure aux petits calculs budgétaires, aux réformes cosmétiques et aux promesses rabotées à la mesure des sondages. Pendant ce temps, on a cessé de nourrir ce qui rend une société vivante : la vision, l’éducation, la culture, la créativité, le courage de rêver grand.

Et quand l’école publique elle-même se vide de son souffle, quand elle cesse d’être le lieu où l’on prépare l’avenir ensemble, comment s’étonner que les jeunes cherchent ailleurs ce que leurs institutions ne leur donnent plus ?

Investir dans l’éducation publique n’est pas un luxe : c’est un rempart contre l’autoritarisme, l’ignorance et la manipulation. Tant que les gouvernements traiteront l’école comme un simple poste budgétaire, et non comme un pilier démocratique, les dérives continueront.

Parce qu’affaiblir l’école, c’est préparer le terrain aux démagogues. Si nous laissons s’éteindre l’éducation publique, nous ouvrirons toute grande la porte à ceux qui rêvent d’un peuple docile et d’un pouvoir sans contrepoids.

Peut-être serait-il temps, comme le propose Trudelle, de convoquer de véritables États généraux sur l’éducation et de redonner la parole à celles et ceux qui vivent l’école au quotidien. Car c’est aussi là que se joue notre avenir démocratique.

1 Trudelle, J. (2025, 8 septembre). Remaniement ministériel sans changer de philosophie ne mènera nulle part. Le Devoir.


Dans les mémoires

Décédé la semaine dernière, Guy Rocher laisse derrière lui un vide immense et une œuvre magistrale. Je voue à ce sociologue québécois une profonde admiration. Artisan discret de la Révolution tranquille, dernier survivant de la commission Parent qui nous a donné le ministère de l’Éducation, il a su conjuguer rigueur intellectuelle et grande humanité. Par ses écrits limpides et ses interventions toujours mesurées, il nous rappelait que penser la société n’est pas un geste neutre, mais un acte de responsabilité. Il portait en lui cette rare alliance de lucidité et d’espérance, de mémoire et de vision. Alors que sa voix s’éteint, son œuvre, je l’espère, continuera de résonner comme une invitation à comprendre pour mieux transformer.


Dans mes écouteurs

Belle surprise pour moi, alors que Michel Rivard nous donne en avant-goût deux des treize pistes qui composeront son nouvel album, Après, on va où ?, qui sortira le 31 octobre prochain. Sublime, la pièce Magnolia magnolia constitue en quelque sorte son testament musical. Les paroles, la mélodie, les orchestrations, tout dans cette chanson se laisse savourer. Pour en compléter la poésie, mentionnons que le magnolia offre une magnifique floraison qui ne dure qu’une dizaine de jours, au printemps.

Michel Rivard – Magnolia magnolia – Après, on va où ? – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

À 18 ans, Ludovic Tamaro a reçu un diagnostic brutal : une leucémie myéloïde aiguë qui ne lui laissait que deux petites années devant lui. Six ans plus tard, il rayonne de santé grâce à un traitement expérimental mis au point à Montréal par l’hématologue Guy Sauvageau et la chercheuse Anne Marinier. Cette thérapie cellulaire novatrice, baptisée UM171, utilise des cellules souches provenant du sang de cordons ombilicaux pour reconfigurer la moelle osseuse et redonner vie au système sanguin.

Aujourd’hui étudiant en psychologie et de retour sur les terrains de soccer, Ludovic savoure chaque instant et rêve déjà à une future maîtrise. Il est reconnaissant envers toutes les mamans qui ont donné leur cordon, rappelant que leur geste a sauvé sa vie. Son histoire, empreinte de courage et d’espoir, illustre merveilleusement la puissance de la science et de la solidarité humaine : quand elles unissent leurs forces, même les pronostics les plus sombres peuvent être renversés.


Billet du 4 juillet 2025 : Pourquoi nos personnalités politiques réagissent-elles comme des ados ?

Chez certains leaders politiques, les réactions publiques ressemblent de plus en plus à des réflexes adolescents : impulsifs, théâtraux et hermétiques à la critique. Donald Trump, de passage en Floride, s’est récemment illustré en plaisantant sur des migrants enfermés dans un centre surnommé Alligator Alcatraz, allant jusqu’à expliquer comment fuir un alligator en zigzag. Le tout avec un sérieux à glacer le sang… ou à faire lever les yeux au ciel. Chez nous, France-Élaine Duranceau, ministre de l’Habitation, a suggéré que les problèmes de logement découlaient souvent de troubles personnels, et que du « coaching » aiderait les locataires à mieux se vendre aux propriétaires. Traduction libre : si tu ne trouves pas d’appart, c’est peut-être parce que tu ne fais pas bonne impression. Et Bernard Drainville, interpellé par la FAE qui réclame son départ, s’est contenté d’une ligne lapidaire sur Facebook, comme on claque la porte d’un texto. Une réponse froide, sans ouverture, qui laisse entendre qu’il n’a rien à se reprocher. Des adultes au pouvoir, oui, mais parfois bien peu portés sur l’introspection.

Il serait tentant de croire qu’il s’agit là de simples stratégies médiatiques ou d’un style personnel plus abrasif. Mais quand les réactions sont systématiquement impulsives, défensives et centrées sur l’image plutôt que sur le dialogue, on peut y voir autre chose. Les neurosciences nous apprennent que certaines structures du cerveau, comme l’amygdale, prennent parfois le dessus sur le cortex préfrontal, celui qui régule nos comportements rationnels. Quand la peur, la frustration ou l’ego sont activés, les décisions ne passent plus par la réflexion, mais par le réflexe. C’est ce que le psychologue Daniel Goleman appelle un détournement amygdalien dans son ouvrage L’intelligence émotionnelle (1997).1 Et ce phénomène n’épargne pas les gens de pouvoir. Il les touche même d’autant plus qu’ils évoluent dans un environnement où la nuance est souvent perçue comme un signe de faiblesse.

Mais au-delà de la biologie, il faut aussi regarder l’écosystème. Les réseaux sociaux favorisent la rapidité d’exécution plutôt que la profondeur de pensée. La politique spectacle récompense les sorties de scène, pas les entrées en matière, comme dans une téléréalité où l’on se distingue davantage en claquant la porte qu’en tenant un propos sensé. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que celles et ceux qui gravitent au sommet se mettent à ressembler aux ados qu’on accuse souvent de manquer de maturité : hypersensibles au regard des autres, prompts à la réaction, allergiques au doute. Peut-être est-ce là le vrai drame de notre époque : les postes sont plus influents, les enjeux plus complexes, les conséquences plus lourdes, mais les réflexes, eux, n’ont pas suivi.

Quand des cerveaux en mode survie occupent des fonctions qui exigent clairvoyance et maîtrise de soi, ce n’est pas toujours l’expérience qui fait défaut, c’est souvent la maturité.

1 Goleman, D. (1997). L’intelligence émotionnelle : Accepter ses émotions pour développer une intelligence nouvelle. Paris : Robert Laffont. (Édition originale : Emotional Intelligence: Why It Can Matter More Than IQ, 1995)


Dans mes écouteurs

Tommy Demers est un auteur-compositeur-interprète originaire de Valcourt qui s’est fait connaître du grand public lors de son passage remarqué à La Voix en 2023. Avant cela, il avait multiplié les expériences scéniques, tant en musique qu’en comédies musicales, ce qui lui confère une présence et une sensibilité artistique affirmées. Son style navigue entre la pop francophone, la chanson intimiste et des accents rock rétro qui rappellent parfois Vincent Vallières, Richard Séguin ou même Jean Leloup, selon les pièces. Son tout premier album, À cœur ouvert, sorti la semaine dernière, témoigne d’une sincérité désarmante et d’une grande variété d’ambiances, allant du festif au mélancolique.

Voici la pièce Omis de la liste.

Tommy Demers – Omis de la liste – Le coeur ouvert – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Il y a des peluches qu’on garde pour la nostalgie, d’autres qui accompagnent nos enfants dans leur sommeil… et puis il y a celles qui soulagent vraiment. C’était le cas de l’ourson thérapeutique Béké Bobo, conçu au Québec par une mère pour apaiser les douleurs chroniques de sa fille, et qui a connu une reconnaissance internationale inespérée. De décembre 2024 à juin 2025, Béké Bobo a trôné dans une vitrine du Musée des Arts décoratifs de Paris (MAD), voisin du Louvre, dans une exposition consacrée à l’histoire de l’ours en peluche. L’ourson québécois y figurait non seulement comme jouet, mais aussi comme véritable outil de mieux-être, aux côtés d’œuvres de l’UNICEF. Une distinction rare, pour ne pas dire exceptionnelle, pour une PME familiale d’ici.

Ce n’est pas tous les jours qu’une entreprise québécoise se retrouve à l’honneur dans un musée parisien, encore moins dans une exposition où les peluches sont traitées comme objets d’art et de soin. La fondatrice, Maggy-Nadyne Lamarche, avait d’ailleurs d’abord cru à une arnaque en recevant l’invitation officielle. Mais non : c’était bien l’innovation, l’altruisme et la tendresse de Béké Bobo qui avaient retenu l’attention du MAD. Pour une fois, ce n’était ni un exploit technologique, ni un brevet industriel, ni un jeu vidéo qui faisait parler de nous en France, mais un petit sac de céréales déguisé en ourson. Cela montre que le réconfort, lui aussi, peut mettre en évidence notre savoir-faire.


Horaire d’été

Suivant mes habitudes des dernières années, je profiterai de la saison estivale pour ralentir le rythme. Jusqu’à la prochaine rentrée scolaire, mon billet hebdomadaire cédera sa place à un billet quinzomadaire. On se donne donc rendez-vous le 18 juillet.


Dossier Intelligence artificielle générative

Vous l’aurez deviné, l’illustration qui accompagne ce billet a été générée par l’intelligence artificielle. Dans la réalité, je doute fort qu’on retrouve un jour ces trois mêmes personnes dans une seule image. Est-ce que je me suis amusé en passant ma commande et en évaluant chaque proposition avant d’arrêter mon choix ? Absolument ! 😊


Billet du 13 juin 2025 : Contester les normes

Cette semaine, un article du Réseau d’information pour la réussite éducative (RIRE) a capté toute mon attention : « La pédagogie queer comme solution à l’intolérance » 1. Bien que le mot queer réfère d’abord aux questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre, l’approche décrite ici va bien au-delà. Elle invite le personnel enseignant à remettre en question les normes implicites qui structurent l’école et la société. Il ne s’agit pas seulement d’inclure les élèves issus de la diversité sexuelle, mais de revoir nos façons d’aborder toute forme de différence, qu’elle soit culturelle, cognitive, linguistique ou autre. L’objectif n’est pas de nier qu’une majorité existe, mais de refuser que cette majorité soit vue comme la seule référence valable.

Un passage m’a particulièrement marqué : « Le rôle de l’enseignant ne s’y résume donc pas à enseigner l’ouverture et la tolérance face à la différence, mais plutôt à amener les élèves à contester les normes. » Cette phrase contient à elle seule une autre manière de concevoir l’éducation. Plutôt que de présenter certains élèves comme étant « différents » à tolérer, on invite à reconnaître que chaque élève est unique, avec sa propre trajectoire, ses repères, ses façons d’être. La pédagogie queer propose ainsi de déplacer le regard : au lieu de demander aux jeunes de s’ajuster aux attentes implicites du groupe dominant, on leur donne la permission, ainsi que les outils, pour interroger ce qui semble aller de soi.

C’est là, à mon sens, un formidable levier pour développer l’esprit critique des élèves. En les amenant à réfléchir aux normes plutôt qu’à simplement s’y conformer, on les aide à comprendre le monde avec plus de lucidité, mais aussi à y prendre leur place de façon plus libre et plus consciente. En tant que conseiller pédagogique, je vois dans cette approche un appel à élargir notre conception de l’inclusion : non pas un simple ajout, mais une transformation. Et si c’était justement ça, enseigner autrement.

1 CTREQ. La pédagogie queer comme solution à l’intolérance, RIRE, 15 mai 2025.


Diversion tactique

Attaqué par Elon Musk, Donald Trump s’est retourné et a frappé Los Angeles. En réaction aux critiques récentes du patron de X, notamment sur les politiques fédérales concernant les véhicules électriques, Trump a ordonné le déploiement d’environ 4 000 membres de la Garde nationale et 700 Marines à Los Angeles, en réponse à des manifestations déclenchées par une série de raids menés par l’ICE, l’agence fédérale chargée du contrôle de l’immigration (Immigration and Customs Enforcement). Plus de 400 personnes ont été arrêtées, et la mairesse Karen Bass, appuyée par le gouverneur Gavin Newsom, a dénoncé ce qu’elle qualifie de militarisation abusive. En somme, Los Angeles incarne tout ce que Trump s’emploie à combattre : une ville cosmopolite, farouchement démocrate, foyer d’initiatives progressistes et bastion de résistance à son autoritarisme. En la ciblant, il ne frappe pas seulement un territoire géographique : il attaque l’idée même d’une Amérique ouverte, plurielle et libre, celle qui lui échappe, électoralement comme symboliquement.

À ce stade, une question s’impose : quel genre d’individu s’en prend à autrui parce qu’un tiers l’a attaqué ? Les philosophes y verraient un déplacement, les psychanalystes un mécanisme de défense, et les stratèges une diversion tactique. Le commun des mortels y reconnaîtrait peut-être l’enfant qui, frustré, écrase le jouet d’un camarade au lieu de confronter celui qui l’a humilié. Ce n’est pas un hasard si Musk, dans cette scène, a joué la prudence calculée : il s’est contenté de relayer sur X un message de Trump et un autre de J.D. Vance, sans ajouter le moindre commentaire. Ni soutien explicite ni désaveu. D’un côté, Trump instrumentalise les tensions pour se poser en restaurateur de l’ordre ; de l’autre, Musk préserve ses alliances en laissant parler les autres à sa place. Ce n’est pas un rapprochement, c’est un jeu d’ombres : chacun utilisant l’autre comme levier, sans jamais tendre franchement la main.

Jeudi soir, la tension a pris une tournure encore plus symbolique, lorsque le sénateur Alex Padilla, voix californienne éminente, a été violemment expulsé d’une conférence de presse tenue à Los Angeles. Il avait tenté d’interpeller la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, sur la légalité et l’ampleur des rafles et du déploiement militaire. Il a été plaqué au sol, menotté, et écarté, ce que ses alliés à Washington dénoncent comme un passage à tabac politique, un signe supplémentaire de militarisation du débat public. Ce nouvel incident résonne douloureusement avec le mécanisme de déplacement analysé plus tôt : face à une critique gênante, ici un sénateur élu, l’exécutif répond par la force, en choisissant la facilité de l’arrestation politique plutôt que l’affrontement argumenté.

Quand le pouvoir frappe à côté de la cible, ce n’est jamais par hasard, c’est pour que tout le monde regarde ailleurs. Et tant que les projecteurs restent braqués sur le fracas, personne ne pose de questions sur ce qui se joue vraiment en coulisses.


Dans mes écouteurs

Félix Dyotte, né à Montréal, est un auteur-compositeur-interprète acclamé de la scène québécoise. Reconnu pour ses textes sensibles et sa voix feutrée, il s’est illustré avec plusieurs albums solo, en plus de collaborer avec des artistes tels que Pierre Lapointe et Jean Leloup. Patrick Krief, aussi montréalais, s’est d’abord fait connaître comme guitariste du groupe The Dears, avant d’embrasser une carrière solo marquée par des sonorités rock et psychédéliques. Ensemble, ces deux artistes aux univers complémentaires unissent leurs forces pour créer une œuvre singulière.

Sorti la semaine dernière, Scarabée est le résultat de cette rencontre musicale. L’album propose dix pièces où la pop francophone se teinte de guitares nerveuses et d’arrangements raffinés. La chanson BMW en est un bel exemple : portée par une énergie rock et des cordes élégantes, elle évoque à la fois la vitesse, la fuite et la fragilité humaine. Une proposition aussi accrocheuse que mélancolique, qui révèle toute la richesse de cette collaboration.

Félix Dyotte et Patrick Krief – BMW – Scarabée – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Le Paris Saint-Germain a remporté la Ligue des champions, et c’est toute son organisation qui en récoltera les fruits. Fidèle à une promesse faite en début d’année, le président du club, Nasser Al-Khelaïfi, a confirmé que la prime de victoire serait partagée avec les 700 salariés du club, toutes fonctions confondues. Du personnel d’entretien aux employés de bureau, en passant par les équipes de logistique et d’administration, chacun recevra une part de cette récompense collective. Un geste concret de reconnaissance, qui dépasse largement les mots et souligne l’importance de ceux qu’on ne voit pas sur le terrain, mais sans qui rien ne serait possible.

Dans un milieu souvent critiqué pour ses excès, ce choix détonne et fait du bien. En redistribuant une partie des millions liés à la victoire, le PSG rappelle qu’un club de soccer, ce n’est pas seulement onze joueurs, mais bien une communauté entière qui travaille dans l’ombre, au quotidien. Une belle manière d’honorer les coulisses d’un succès, et de donner un peu d’écho à l’idée que la performance est toujours le fruit d’un effort collectif. Voilà une bonne nouvelle qui mérite d’être soulignée.


Billet du 6 juin 2025 : Quand l’amygdale tweete plus vite que la raison

Depuis les derniers jours, Elon Musk et Donald Trump s’affrontent publiquement dans une querelle aussi bruyante qu’absurde. Menaces, accusations, chantage politique : les réseaux sociaux se régalent. Mais si on prenait un pas de recul, non pas politique, mais neuroscientifique, que nous diraient les spécialistes du cerveau humain sur cette joute d’ego ?

Quand un adulte puissant réagit avec impulsivité, menace ceux qui le contredisent ou lance des rumeurs pour se venger, ce n’est pas seulement un style. Pour plusieurs experts du développement humain, c’est souvent le signe que certaines structures du cerveau fonctionnent en mode archaïque, comme chez l’enfant.

Le docteur Daniel Goleman, spécialiste de l’intelligence émotionnelle, parle de « détournement amygdalien ». En gros : quand une émotion forte est déclenchée (humiliation, peur de perdre le contrôle), le cerveau rationnel se déconnecte. C’est alors l’amygdale, une vieille structure liée aux réactions de survie, qui prend le volant. Est-ce qu’on peut imaginer Trump ou Musk dans ce genre d’état lorsqu’ils publient leurs tweets les plus explosifs ? On serait tenté de le croire.

Le cortex préfrontal, lui, est censé tempérer tout ça. C’est lui qui nous aide à réfléchir, à prévoir les conséquences de nos actes, à freiner nos impulsions. Chez certains, cette partie du cerveau agit comme un bon conseiller. Chez d’autres, elle est parfois débordée par les émotions. Et c’est là que ça dérape. Le psychiatre Daniel Siegel rappelle qu’on peut être adulte biologiquement, sans l’être émotionnellement. Réagir comme un adolescent frustré à la moindre critique, ce n’est pas une preuve de puissance : c’est un signe d’un cerveau qui n’a pas fini de se réguler.

Des chercheurs comme Catherine Gueguen ou Gordon Neufeld insistent : la manière dont on a été aimé, écouté et sécurisé dans l’enfance joue un rôle clé dans la maturité émotionnelle adulte. Quand cette base est fragile, on peut passer sa vie à chercher à prouver sa valeur, à contrôler les autres ou à fuir la moindre remise en question. Et si, derrière les milliards de Musk et le pouvoir de Trump, il y avait simplement deux enfants blessés, mal équipés pour gérer le désaccord et l’impuissance ?

Ce que nous montrent ces deux hommes, c’est une forme d’immaturité déguisée en leadership. Ils ont beau être célèbres, riches et influents, leurs réactions ressemblent parfois plus à une bataille de cour de récréation qu’à un débat d’hommes d’État.

La bonne nouvelle, c’est que le cerveau conserve sa plasticité toute la vie. La mauvaise, c’est que ni Twitter ni Truth Social ne sont reconnus comme milieux favorables à son développement.


Pratiquer l’histoire

Dans un épisode récent de la série Le dessous des images, diffusée sur ARTE, la journaliste Sonia Devillers s’attaque à ce qui pourrait sembler être une lubie bureaucratique : la suppression massive d’archives photo par l’administration Trump. Mais derrière ce nettoyage numérique, on parle de plus de 100 000 images visées, se cache une entreprise bien plus inquiétante : l’effacement systématique de contenus liés à la diversité, à l’équité et à l’inclusion. C’est ainsi que des photographies de femmes militaires, de soldats afro-américains ou même du mythique bombardier Enola Gay (dont le nom contient malencontreusement le mot « gay ») se retrouvent à disparaître des bases de données publiques.

Ce n’est pas un simple excès de zèle. C’est une stratégie. En éliminant les traces visuelles d’une armée plus représentative, plus inclusive, Trump tente de restaurer un récit rétrograde : celui d’une Amérique militaire blanche, masculine, unifiée et mythifiée. Ce récit n’a jamais existé, mais il fonctionne à merveille dans un programme politique nostalgique. Pas besoin de réécrire l’histoire quand on peut simplement la purger.

On pourrait croire à une mauvaise blague algorithmique. Ce serait oublier que l’histoire est aussi un champ de bataille. Et que, dans ce champ, les archives sont des munitions. Staline effaçait ses ennemis des photos. Trump efface des décennies d’évolution sociale des serveurs fédéraux. Même combat. Et même nécessité de rester, plus que jamais, aux aguets.

C’est ici que les institutions éducatives, les musées, les journalistes, ainsi que nous tous, entrons en scène. Car si un gouvernement peut effacer des images, il ne peut pas effacer toutes les mémoires. Encore faut-il les entretenir, les transmettre, les confronter. Le danger ne réside pas seulement dans ce qui disparaît, mais dans ce que nous cessons de chercher, de nommer, de raconter. L’histoire, comme la démocratie, exige qu’on la pratique. Et parfois, qu’on la défende activement contre l’oubli organisé. Dans cette lutte pour la mémoire, l’intelligence collective reste notre meilleure arme : une conscience partagée, tissée d’expériences, de débats et de vigilance. L’intelligence artificielle, elle, peut nous épauler, à condition qu’elle soit au service de cette mémoire commune, et non d’un pouvoir qui cherche à la formater. Sinon, elle ne sera pas un outil de savoir, mais un complice de l’oubli.

ARTE. Donald Trump purge les archives pour réécrire l’Histoire. Le dessous des images, 3 mai 2025. [Vidéo en ligne]


Dans mes écouteurs

Originaire de Montréal, DanyJo s’impose comme une figure montante de la scène francophone avec son nouvel EP Trop d’histoires, lancé le 5 juin au Quai des Brumes. Après avoir exploré des sonorités pop et chanson dans L’antre nos deux oreilles (2023), il revient avec un projet résolument rock, teinté d’une poésie viscérale et attachante. Ce mini-album de six titres offre une immersion dans un univers musical riche et personnel.

Parmi les morceaux, Bob Dylan XII se distingue par son hommage subtil au légendaire auteur-compositeur américain. Avec des arrangements épurés et des paroles empreintes de réflexion, cette chanson reflète l’influence de Dylan sur DanyJo, tout en affirmant sa propre voix artistique. C’est une pièce qui incarne parfaitement l’essence du microalbum : une fusion entre tradition et modernité, portée par une sincérité désarmante. La voici.

DanyJo – Bob Dylan XII – Trop d’histoires – #musiquebleue

Les bonnes nouvelles de cette semaine

Il arrive que la reconnaissance vienne d’un peu plus loin que prévu. L’écrivain et journaliste Michel Jean a été fait chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française, un honneur rarement accordé à un Québécois, et encore plus exceptionnel pour un membre des Premiers Peuples. La distinction salue l’ensemble de son œuvre littéraire, ancrée dans la mémoire innue, ainsi que son engagement pour une représentation plus juste et humaine des Autochtones dans l’espace médiatique. Une reconnaissance internationale aussi touchante que significative.

Pendant ce temps, sur un tout autre terrain, Luguentz Dort et Bennedict Mathurin font eux aussi rayonner le Québec, cette fois sur la scène de la NBA. Leurs équipes respectives, le Thunder d’Oklahoma City et les Pacers de l’Indiana, s’affronteront en finale du championnat. C’est une première : deux joueurs québécois dans deux équipes finalistes au basketball. Pour un sport encore marginal il n’y a pas si longtemps au Québec, c’est un signe fort de progression, et un rappel que le talent d’ici peut atteindre les plus hauts sommets.

Deux bonnes nouvelles, donc, qui nous rappellent qu’il est possible de se rendre loin sans renier d’où l’on vient. Que ce soit en maniant la plume ou le ballon, ces parcours inspirants tracent des trajectoires lumineuses et donnent envie, l’espace d’un instant, de croire que l’élan d’un peuple peut se jouer sur tous les terrains.


Billet du 21 mars 2025 : Un avertissement pour notre époque

Il y a quelques jours, un ami a publié sur Facebook la liste des 14 caractéristiques du fascisme selon l’écrivain et philosophe Umberto Eco. Ce texte, tiré de son essai Reconnaître de fascisme (Grasset, 2017), ressurgit régulièrement lorsque l’actualité semble rappeler les mécanismes qui ont conduit certaines démocraties à sombrer dans l’autoritarisme. Eco y décrit des tendances inquiétantes :

  1. Le culte de la tradition
  2. Le rejet du modernisme
  3. Le culte de l’action pour l’action
  4. Le rejet de la critique et de la pensée analytique
  5. La peur de la différence
  6. L’appel aux classes moyennes frustrées
  7. L’obsession du complot
  8. L’ennemi est à la fois fort et faible
  9. La vie est une guerre permanente
  10. Le mépris des faibles
  11. Le culte du héros et de la mort
  12. Le machisme
  13. Le populisme qualitatif
  14. La novlangue

Ces éléments ne sont pas des cases à cocher pour établir un diagnostic absolu : un régime n’a pas besoin de tous les réunir pour dériver vers l’autoritarisme. Ce sont plutôt des tendances qu’il faut observer avec vigilance.

Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, Donald Trump suscite de nombreuses inquiétudes par ses attaques répétées contre la justice, la presse et les contre-pouvoirs. Sa remise en cause de l’autorité des juges, son utilisation des institutions pour neutraliser l’opposition et ses discours de plus en plus belliqueux ont alimenté un climat où la frontière entre démocratie et régime autoritaire devient plus floue. Cette semaine, il a déclaré qu’il ne reconnaissait pas les grâces présidentielles accordées par son prédécesseur Joe Biden, une décision inédite qui a soulevé de sérieuses questions sur l’indépendance du pouvoir judiciaire.1

L’histoire ne se répète pas toujours à l’identique, mais elle rime. Ces 14 caractéristiques ne sont pas seulement un rappel du passé : elles constituent un outil d’analyse puissant pour comprendre le présent. À quel moment pourra-t-on affirmer que les États-Unis ont quitté le giron des démocraties pour basculer dans l’autoritarisme ?

1 End, Aurélia (2025, 17 mars). Trump n’en finit plus de contester l’autorité des juges. La Presse.


Dans le cours d’univers social
Volet histoire

C’est avec une profonde tristesse et une grande déception que je constate la disparition des magasins La Baie. Depuis leurs débuts au XVIIᵉ siècle, lorsque la Compagnie de la Baie d’Hudson fut fondée en 1670 pour faciliter le commerce de la fourrure, ces établissements ont constitué l’un des premiers piliers du commerce en Amérique du Nord. Leur vocation initiale était de créer des liens entre explorateurs européens et peuples autochtones, favorisant ainsi les échanges culturels et économiques qui ont façonné notre histoire.

Au fil des siècles, La Baie s’est transformée pour s’adapter aux mutations du marché, devenant bien plus qu’un simple point de vente. Elle s’est imposée comme un lieu de rencontre et d’échange, tout en commanditant divers événements culturels, sportifs et éducatifs qui ont renforcé le tissu social de nos communautés. En tant qu’enseignant en univers social, j’avais pour habitude d’intégrer l’histoire de ce premier commerce dans mes cours, soulignant l’importance de son rôle dans l’évolution économique et culturelle du pays.

La disparition de ces magasins représente aujourd’hui la fin d’une ère, marquée par l’effacement d’un symbole historique et patrimonial inestimable. Elle nous rappelle combien il est essentiel de préserver notre mémoire collective, en gardant vivantes les leçons et les valeurs incarnées par La Baie. J’espère que l’histoire de La Baie continuera à se transmettre de manière simple et authentique, rappelant à chacun l’importance de nos racines.


Dans le cours de musique

J’avais l’embarras du choix pour l’artiste à qui j’emprunterais une pièce musicale, cette semaine. Le cœur a parlé et j’y vais avec Marie-Annick Lépine, qui a lancé Le cœur est un rêveur, au cours des derniers jours. La multi-instrumentiste des Cowboys Fringants produit ainsi, mine de rien, son quatrième album solo. La pièce qu’on écoute s’intitule Porte-poussière.

Marie-Annick Lépine – Porte-poussière – Le coeur est un rêveur – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Cette semaine, une avancée innovante dans le domaine des biomatériaux offre une nouvelle perspective pour le traitement des plaies. Une équipe internationale de chercheurs a récemment publié dans la revue Nature Materials les résultats prometteurs de leurs travaux sur un hydrogel auto-cicatrisant, capable d’imiter à la fois la souplesse et la résistance de la peau humaine. Ce matériau ingénieux, enrichi de nanofeuilles d’argile ultraminces — disposées en densité impressionnante dans un réseau polymère — présente la capacité de réparer efficacement ses ruptures : il regagne environ 80 à 90 % de son intégrité en seulement quatre heures, avant de se rétablir complètement en 24 heures.

Selon Chen Liang, auteur principal de l’étude, le secret réside dans un mécanisme d’enchevêtrement moléculaire qui permet aux brins de polymère de se réorganiser dès qu’ils sont sectionnés. Bien que ces résultats en laboratoire soient très encourageants, les chercheurs soulignent la nécessité de poursuivre les recherches et de mener des essais cliniques pour confirmer l’efficacité du matériau dans des conditions réelles. Ce développement marque une étape significative dans l’évolution des matériaux intelligents, ouvrant la voie à des applications futures dans le domaine médical et illustrant le potentiel transformateur de la recherche bio-inspirée.


Trump et les 14 signes du fascisme

Dans le premier bloc de ce billet, il était question des 14 caractéristiques du fascisme telles que définies par Umberto Eco. Ces éléments ne sont pas un mode d’emploi rigide, mais plutôt une série de tendances récurrentes dans les régimes autoritaires. Dans ce bloc, examinons de plus près comment ces quatorze caractéristiques peuvent être accolées aux paroles et actions de Trump et de son administration.

  1. Le culte de la tradition

Trump a promu un décret exigeant que tous les nouveaux bâtiments fédéraux respectent un style architectural classique inspiré des « grandeurs passées » des États-Unis, rejetant les influences modernistes et progressistes. Il a également renforcé les directives éducatives visant à promouvoir une version plus patriotique de l’histoire américaine, minimisant les aspects controversés du passé du pays.

  1. Le rejet du modernisme

Depuis son retour au pouvoir, Trump a intensifié le démantèlement des régulations environnementales et continue d’affirmer que le changement climatique est une « invention de la gauche ». Son allié J.D. Vance a également critiqué le rôle des universités, affirmant qu’elles sont devenues des foyers d’endoctrinement progressiste, ce qui renforce l’idée d’un rejet des institutions intellectuelles traditionnelles.

  1. Le culte de l’action pour l’action

Le retrait soudain des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sans consultation avec les experts médicaux.

  1. Le rejet de la critique et de la pensée analytique

Trump continue d’attaquer la presse, qualifiant les journaux de fake news media et allant jusqu’à suggérer de limiter leur accès aux conférences de presse de la Maison-Blanche, restreignant ainsi la capacité de certains reporters à poser des questions au président et à son administration.

  1. La peur de la différence

Intensification des expulsions de migrants, notamment l’envoi de plus de 200 membres présumés de gangs vers le Salvador malgré une interdiction judiciaire.

  1. L’appel aux classes moyennes frustrées

Lors d’un rassemblement en Pennsylvanie le 15 février 2025, Trump a accusé les élites et les intellectuels d’« écraser les vrais Américains » au profit d’immigrants et de « bureaucrates corrompus ».

  1. L’obsession du complot

Trump continue de propager l’idée que des élites de l’« État profond » travaillent dans l’ombre pour saboter son administration et manipuler le système politique à leur avantage. Il a aussi suggéré, sans preuve, que des forces étrangères et des organisations non gouvernementales conspirent pour influencer les décisions judiciaires et législatives aux États-Unis.

  1. L’ennemi est à la fois fort et faible

Trump qualifie ses adversaires démocrates de « communistes extrémistes » dangereux tout en se moquant de leur supposée inefficacité.

  1. La vie est une guerre permanente

Utilisation systématique d’un vocabulaire militaire, appelant ses partisans à « combattre » les ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il désigne comme la gauche radicale, les médias et certains juges.

  1. Le mépris des faibles

Lors d’un meeting à El Paso, Texas, le 22 janvier 2025, Trump a tourné en dérision des demandeurs d’asile en les qualifiant de « mendiants professionnels » venant profiter du système.

  1. Le culte du héros et de la mort

Lors de son discours inaugural le 20 janvier 2025, Trump a déclaré que « les vrais patriotes sont ceux qui sont prêts à mourir pour l’Amérique » dans un contexte de tensions civiles.

  1. Le machisme

Trump a annulé plusieurs protections fédérales pour les personnes transgenres et, en février 2018, à la suite d’accusations de violences conjugales visant deux de ses collaborateurs, Rob Porter et David Sorensen, il a tweeté en dénonçant les « fausses accusations », suggérant que certaines allégations pourraient être infondées.

  1. Le populisme qualitatif

Lors de son discours inaugural le 20 janvier 2025, Trump a affirmé que seul lui et ses alliés « représentent les vrais Américains » et que toute opposition est une trahison.

  1. La novlangue

Utilisation massive de slogans creux et de formules martelées sur les réseaux sociaux (« America First », « Fake News », « Stop the Steal ») pour influencer l’opinion publique.

Les États-Unis ne sont pas encore une dictature, mais ils en prennent certaines caractéristiques. Comme l’a écrit Umberto Eco, le fascisme ne s’impose pas forcément d’un seul coup : il s’installe lentement, souvent sous couvert de sécurité et de patriotisme. Les démocraties ne disparaissent pas en un jour, elles s’effritent au fil du temps, jusqu’à ce que l’idée même d’opposition devienne dangereuse.

Alors, jusqu’où laisserons-nous aller cette normalisation des tendances autoritaires ? Chaque citoyen a une responsabilité dans la défense des institutions démocratiques.


Billet du 14 mars 2025 : Quand pouvoir ne rime pas avec savoir

Depuis près de cinquante ans, les politiques éducatives américaines n’ont pas connu de transformations majeures comparables à celles des autres pays du G7. Alors que la France, le Canada ou l’Allemagne ont consolidé des réformes pour favoriser l’accès à l’éducation et rehausser la qualité de l’enseignement, les États-Unis ont laissé leur système s’effriter sous le poids des inégalités, des coupes budgétaires et d’un manque de vision à long terme.

La dernière réforme d’envergure qui a réellement transformé l’éducation pour l’ensemble des élèves et étudiants américains remonte à la présidence de Jimmy Carter. En 1979, il a créé le département de l’Éducation, marquant ainsi la dernière tentative fédérale de centraliser et d’améliorer la politique éducative à l’échelle nationale. Son administration a aussi renforcé le soutien aux universités publiques et aux programmes de prêts étudiants. Mais depuis, aucune réforme n’a eu un impact aussi structurant sur l’ensemble du système scolaire et universitaire.

Ce constat est particulièrement frappant lorsqu’on observe le vote des villes universitaires américaines lors des élections de novembre 2024 : selon les derniers chiffres disponibles, elles auraient toutes choisi Kamala Harris, y compris celles situées dans des États républicains. Si l’on part du principe que la population universitaire est en moyenne plus instruite, ce résultat pose une question fondamentale : pourquoi les foyers du savoir rejettent-ils massivement Donald Trump alors que le reste du pays l’a ramené à la Maison-Blanche ?

L’histoire nous fournit des pistes de réflexion. De nombreux penseurs et dirigeants ont souligné que le manque d’instruction pave souvent la voie à l’autoritarisme. « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde », affirmait Nelson Mandela. Or, que se passe-t-il lorsqu’un pays refuse d’investir dans cette arme ? Il s’affaiblit intellectuellement et démocratiquement, laissant place aux discours simplistes et aux figures populistes qui prospèrent sur l’ignorance.

Abraham Lincoln, quant à lui, rappelait : « La philosophie de l’école dans une génération sera la philosophie du gouvernement dans la suivante. » Si l’on suit cette logique, le désinvestissement progressif dans l’éducation publique américaine a tracé la voie au gouvernement actuel. En négligeant le rôle central du savoir dans le développement civique, le pays a permis l’émergence d’un climat où les faits deviennent secondaires, où les émotions l’emportent sur la raison et où la démocratie vacille.

Le retour de Donald Trump au pouvoir en janvier 2025 n’a fait que confirmer cette dynamique. Déjà, lors de son premier mandat, il avait drastiquement réduit les budgets alloués au département de l’Éducation, notamment en coupant dans les programmes d’aide aux étudiants à faibles revenus et en favorisant les écoles privées au détriment des écoles publiques. Cette tendance s’est accélérée depuis son retour à la Maison-Blanche : les coupes budgétaires se sont multipliées, affaiblissant encore davantage un système éducatif déjà en crise. En parallèle, son administration a mené une offensive contre les institutions démocratiques, multipliant les purges administratives et adoptant une communication de plus en plus agressive à l’encontre des médias et des intellectuels. Ce scénario aurait-il été possible dans un pays où l’éducation aurait été renforcée au même rythme que dans les autres grandes démocraties occidentales ?

Loin d’être une simple question de politiques publiques, l’éducation est le rempart ultime contre la manipulation et l’érosion des libertés. Les États-Unis en font aujourd’hui la démonstration tragique.


Dans le cours de français

La langue française, tel un caméléon sur une palette de couleurs, se transforme sans cesse. Les néologismes, ces petits monstres linguistiques, surgissent de nulle part pour nommer nos nouvelles obsessions. « Courriel », « télétravailler » et « divulgâcher » sont autant de spécimens étranges qui ont élu domicile dans nos conversations. Ils sont le reflet de notre capacité à inventer des mots plus vite qu’un chat ne perd ses poils.

L’intégration d’un néologisme, c’est un peu comme une soirée karaoké : certains font un malheur dès la première note, d’autres se font huer et disparaissent dans les limbes du langage. Prenons l’exemple de « ubériser », qui a rapidement conquis nos conversations pour décrire la transformation radicale de certains secteurs économiques. Ou encore « influenceur », qui désigne ces nouvelles vedettes du monde numérique qui dictent nos tendances. Par contre, souvenons-nous de « clavardage », qui fut un néologisme populaire à l’arrivée d’internet, et qui est maintenant remplacé par le terme « messagerie ». L’Office québécois de la langue française, gardien vigilant de notre patrimoine linguistique, joue un rôle essentiel dans l’analyse et la validation de ces nouveaux mots. Les dictionnaires, ces autres gardiens du temple, décident ensuite qui a le droit de chanter dans la cour des grands. Mais finalement, c’est le public, c’est-à-dire nous, qui choisit les expressions marquantes de demain.

Alors, soyons ouverts aux nouveaux mots, même les plus farfelus. Après tout, la langue française est un terrain de jeu géant, où l’on peut s’amuser à créer, à inventer, à faire des pirouettes verbales. Les réformes linguistiques peuvent parfois déranger, mais elles sont nécessaires pour que la langue reste un outil vivant et adapté à son époque. Loin de la dénaturer, les néologismes et les évolutions linguistiques sont les témoins de notre vitalité et de notre capacité à nous réinventer sans cesse.


Dans le cours de musique

Étienne Fletcher, un artiste fransaskois aux racines profondément enracinées dans la culture bilingue, a récemment sorti son album Kauai O’o. Fils d’un père anglophone de Regina et d’une mère francophone originaire de Laurier-Station au Québec, Fletcher a grandi dans un environnement où les deux langues et cultures se côtoyaient naturellement. Ses étés passés à Saint-Flavien, au Québec, ont renforcé cette connexion avec la culture québécoise, qui se reflète dans sa musique.

Kauai O’o explore avec sensibilité l’histoire émouvante d’une espèce d’oiseau disparue, utilisant cette métaphore pour aborder les défis des minorités linguistiques et culturelles. Les compositions de Fletcher sont caractérisées par des mélodies envoûtantes et des arrangements soignés qui rappellent parfois ceux du groupe Les Parfaits salauds. Voici la pièce Poètes.

Étienne Fletcher – Poètes – Kauai O’o – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Le caribou montagnard de la Gaspésie, une espèce emblématique en déclin depuis des décennies, bénéficie d’un nouvel élan d’espoir grâce à des mesures de conservation renforcées. Avec l’engagement des experts et les efforts concertés des autorités, plusieurs initiatives ont été mises en place pour protéger son habitat et favoriser la survie de cette population unique. Parmi ces mesures, la mise en place de zones de protection plus strictes et l’amélioration des conditions de reproduction offrent une lueur d’espoir pour l’avenir de ces majestueux cervidés.

Cette mobilisation collective démontre qu’avec des actions concertées et un engagement sincère envers la biodiversité, il est possible de renverser la tendance et de préserver des espèces en péril. La Gaspésie, joyau naturel du Québec, pourrait ainsi redevenir un sanctuaire florissant pour le caribou montagnard. Cette nouvelle rappelle à quel point chaque effort compte dans la protection de notre patrimoine naturel et qu’ensemble, nous pouvons faire une réelle différence pour l’environnement.


Billet du 28 février 2025 : Le culte des leaders charismatiques

Le blogueur Jonathan le Prof m’a coupé l’herbe sous le pied, cette semaine. En fait, il m’a plutôt enlevé les mots de la bouche. Pour être exact, il a publié mercredi ce que je m’apprêtais à écrire ici aujourd’hui. Lui et moi, nous nous rejoignons sur toute la ligne.

Mon blogue se veut pédagogique. Pourtant, depuis les dernières semaines, il est beaucoup question d’Elon Musk et de Donald Trump. Y a-t-il ici une incompatibilité ? Absolument pas. Nous vivons actuellement un tournant important de l’histoire et nous devons en retenir toutes les leçons. Les leçons actuelles, bien sûr, mais surtout celles du passé. La pédagogie dans son état le plus pur.

Voici un extrait de ce que Jonathan écrivait, pour justifier ses dénonciations quotidiennes du duo Musk-Trump :

« Dans les années 1920 et 1930, beaucoup ont sous-estimé les déclarations de Hitler et Mussolini, les voyant comme de simples extrémistes radicaux et bruyants, ou des personnages marginaux, excentriques et inoffensifs.

Les médias ne les prenaient pas au sérieux, et il n’y avait donc pas ou très peu de contrepoids à leurs discours et leurs actions.

Cette attitude de négligence et de complaisance a grandement facilité leur ascension au pouvoir et à faciliter à abolir la démocratie et l’état de droit, entraînant ensuite une histoire horrible que vous connaissez tous. »

Et l’histoire semble ici se répéter avec Trump et Musk. La suite vous intéresse ? Je vous invite à en prendre connaissance.

Jonathan le Prof. (2025, 26 février). Vous êtes nombreux à me demander en commentaires pourquoi je n’arrête pas de dénoncer les dérives fascistes du duo Trump-Musk [Statut Facebook]. Facebook.


C’est ce qui m’amène la question suivante : pourquoi certaines personnes, souvent très intelligentes, vouent-elles un véritable culte à des individus ? Qu’est-ce qui crée ce culte et le rend généralement inconditionnel ? L’histoire regorge de figures autour desquelles s’est construite une adoration sans failles, qu’il s’agisse de leaders religieux, de chefs politiques, de gourous ou même de personnalités contemporaines, comme Donald Trump. Ce phénomène s’explique par un mélange de besoins psychologiques, de dynamiques de groupe et de stratégies de manipulation de la part des figures charismatiques qui savent capter l’attention et renforcer la loyauté de leurs adeptes.

L’adhésion à un leader repose d’abord sur un besoin fondamental de sécurité et de sens. Dans des périodes d’incertitude, beaucoup cherchent des repères clairs, et un individu charismatique proposant une vision simple du monde peut rapidement devenir un phare rassurant. Ce phénomène est renforcé par des biais cognitifs, comme la dissonance cognitive : lorsqu’une personne a investi temps et énergie dans une croyance ou un mouvement, il devient difficile de reconnaître qu’elle s’est trompée. Pire, les critiques extérieures renforcent souvent l’attachement au leader, non pas parce qu’il est objectivement persécuté, mais parce qu’il se présente comme un martyr, prétendant être la cible d’un complot ou d’un acharnement injuste. Comme l’écrivait le sociologue allemand Erich Fromm dans Escape from Freedom : « Pour ceux qui ont peur de la liberté, un leader qui leur dit quoi penser et comment agir devient non seulement un guide, mais un refuge contre l’angoisse existentielle. » 1

Ce culte devient inconditionnel grâce à la polarisation et à la création d’un ennemi commun. En désignant un adversaire – les élites, les médias, un groupe social ou une idéologie –, le leader soude son groupe et empêche toute remise en question interne. Ce mécanisme explique pourquoi certains continuent à défendre un leader malgré ses erreurs manifestes. En se positionnant comme victime d’un système hostile, il transforme chaque attaque en preuve de sa légitimité. Ainsi, ses partisans ne le soutiennent plus seulement pour ses idées, mais parce qu’il incarne leur combat. Le culte dépasse alors la personne elle-même : il devient un symbole identitaire, une cause à défendre à tout prix. Ainsi, plus un leader crie à l’injustice, plus ses fidèles s’accrochent à lui… à croire que, dans ce grand théâtre du pouvoir, rien ne vaut un bon rôle de victime pour décrocher une ovation debout.

1 Fromm, Erich. Escape from Freedom. Farrar & Rinehart, 1941.


Dans le cours de musique

Cette semaine, un artiste établi et une de ses plus belles compositions. Les Yankees, de Richard Desjardins, est un chef-d’oeuvre, tant au niveau musical que pour sa poésie et son engagement. Maintenant âgée de 37 ans, cette chanson surprend par ses paroles qui, de fictives et apocalyptiques qu’elles pouvaient alors sembler, s’avèrent maintenant très actuelles.

Richard Desjardins – Les Yankees – Les derniers humains – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Plusieurs fois par année, je me rends dans les salles d’Odyscène pour profiter de spectacles qui allient talent, créativité et émotion. Ce diffuseur culturel des Laurentides a su s’imposer comme un incontournable pour les amateurs de théâtre, de musique et d’humour. Son engagement envers la diversité artistique et la qualité de ses programmations en fait une référence dans le milieu culturel québécois. Il n’est donc pas surprenant qu’Odyscène ait récemment été couronné « Diffuseur de l’année » par le RIDEAU, une reconnaissance bien méritée pour son travail exceptionnel dans le rayonnement des arts vivants.

Cette distinction met en lumière l’importance des diffuseurs régionaux dans l’accès à la culture. Grâce à Odyscène, le public des Laurentides peut découvrir des artistes de renom, tout comme des talents émergents, sans devoir se déplacer jusqu’à Montréal. Chaque visite dans leurs salles est une promesse d’émerveillement, de réflexion et d’émotions brutes. C’est un privilège d’avoir accès à une programmation aussi riche et variée, portée par une équipe passionnée qui fait vivre la culture avec brio.


Billet du 21 février 2025 : Vers un virage politique québécois ?

Le Québec est-il en train de basculer vers une droite plus autoritaire, à l’image de certaines tendances observées ailleurs dans le monde ? Les récentes controverses entourant l’ingérence de la ministre Pascale Déry dans le contenu d’un cours au Collège Dawson, le projet de loi québécois visant à limiter le droit de grève et les lacunes dans les statistiques sur l’absentéisme des élèves s’inscrivent dans un contexte politique plus large. Ces événements semblent refléter une tendance où l’État exerce un contrôle accru sur des sphères traditionnellement autonomes, qu’il s’agisse de l’éducation ou du droit du travail. Mais peut-on y voir un symptôme d’une montée de la droite politique, à l’image de ce qui se produit ailleurs dans le monde ?

L’intervention de la ministre Déry dans un cursus collégial soulève des questions sur la liberté académique et la neutralité de l’État face aux débats sociaux et politiques.1 Ce type d’ingérence rappelle certaines initiatives de gouvernements conservateurs qui cherchent à encadrer les contenus pédagogiques pour répondre à des pressions idéologiques. Aux États-Unis, le retour de Donald Trump à la présidence s’accompagne d’une multiplication de lois visant à restreindre l’enseignement de sujets jugés controversés, notamment en histoire et en sciences sociales. De façon plus générale, plusieurs gouvernements ont, à travers l’histoire, cherché à influencer le contenu éducatif afin d’orienter la perception des enjeux sociaux et politiques. Si nous sommes loin des formes les plus autoritaires de censure éducative, la question se pose : jusqu’où un État démocratique peut-il intervenir sans compromettre l’autonomie des institutions académiques ?

Le projet de loi québécois visant à limiter le droit de grève s’inscrit dans une logique similaire de contrôle accru sur les institutions démocratiques.2 Historiquement, la droite a souvent cherché à encadrer ou affaiblir les mouvements syndicaux afin de favoriser une plus grande flexibilité du marché du travail. Cette dynamique, observée dans plusieurs pays occidentaux, semble aujourd’hui gagner du terrain au Québec, avec le gouvernement actuel.

Les statistiques sur l’absentéisme scolaire au Québec sont incomplètes et mal documentées, ce qui nuit à l’analyse des causes et des solutions possibles. Le manque de données précises empêche d’évaluer l’ampleur réelle du problème et de cibler les interventions adéquates. Des chercheurs et des organismes en éducation ont dénoncé cette situation, soulignant que l’absence de chiffres fiables compromet la mise en place de politiques publiques efficaces.3 Ce déficit d’information peut également avoir des répercussions sur les décisions gouvernementales, en limitant la capacité à mesurer l’impact des réformes en cours ou à venir. Ce manque de transparence et de rigueur statistique rappelle les pratiques de certains gouvernements de droite qui, pour justifier des réformes axées sur la rigueur budgétaire et la responsabilisation individuelle, minimisent ou omettent des données essentielles. Un exemple marquant est celui du gouvernement conservateur de Doug Ford en Ontario, qui a mis en œuvre des compressions budgétaires en éducation tout en limitant la publication de données sur leurs effets concrets.4 La réduction du nombre d’enseignants et l’augmentation de la taille des classes ont été justifiées par des arguments d’équilibre budgétaire, mais les experts ont dénoncé l’absence de statistiques précises sur les élèves à besoins particuliers et les conséquences de ces réformes sur la réussite scolaire.

Ces trois situations, bien que distinctes, révèlent une tendance à la centralisation des décisions et à une remise en question des contre-pouvoirs traditionnels que sont l’éducation, les syndicats et les données publiques. Dans un contexte où la montée de la droite se manifeste de manière plus affirmée sur la scène internationale, il est pertinent de se demander si ces événements constituent de simples décisions isolées ou s’ils s’inscrivent dans un mouvement politique plus vaste visant à redéfinir l’équilibre des pouvoirs au Québec.

1 Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU). (2025, 19 février). Ingérence politique au Collège Dawson : la FQPPU dénonce une nouvelle atteinte à la liberté académique par la ministre Pascale Déry. CNW Telbec.

2 Radio-Canada. (2025, 20 février). L’APTS s’oppose à un projet de loi limitant le droit de grève. Info-Réveil.

3 Goudreault, Zacharie. (2025, 20 février). Absences scolaires préoccupantes… et mal connues. Le Devoir.

4 Ontario Secondary School Teachers’ Federation (OSSTF/FEESO). (2024, April 29). Ford government trying to hide significant cuts to education funding.


Dans le cours de français

Est-ce que l’emploi du « qui » ou du « dont » vous cause des maux de tête ? Si « qui » et « dont » étaient des personnages d’un film, « qui » serait celui qui aime se mettre en avant, toujours prêt à prendre la vedette en tant que sujet de l’action. « Dont », lui, jouerait un rôle plus discret, reliant les idées en toute subtilité. Plus concrètement, « qui » est un pronom sujet : il reprend un mot et devient le héros du verbe qui suit. Exemple : « C’est un enseignant qui explique avec passion. » Ici, « qui » est clairement celui qui mène l’action (et captive ses élèves, du moins on l’espère !).

« Dont », en revanche, est le maître des liens invisibles. Il s’invite lorsqu’un mot est relié à un verbe, un nom ou un adjectif qui nécessite la préposition « de ». Prenons cette phrase : « C’est une règle dont tout le monde se méfie. » Pourquoi utiliser « dont » et non « qui » ? Parce qu’on dit bien « se méfier de quelque chose ». Une astuce simple : si vous pouvez reformuler en incluant « de », c’est que « dont » est votre allié. Si le mot est sujet du verbe, « qui » prend le relais. Facile, non ?

Confondre « qui » et « dont », c’est un peu comme mélanger le sel et le sucre dans une recette : le résultat peut surprendre… mais rarement dans le bon sens ! Pour éviter les faux pas, posez-vous la question : « le mot remplacé est-il sujet ou complément introduit par “de” ? » Avec un peu de pratique, ces distinctions deviendront aussi naturelles que de choisir entre café et thé (ou les deux, si votre journée est bien remplie).


Dans le cours de musique

Damien Robitaille nous transporte dans un univers vibrant et coloré avec son nouvel album Ultraviolet. Fidèle à son style éclaté et éclectique, l’artiste franco-ontarien propose une mosaïque musicale où se côtoient rythmes dansants et mélodies envoûtantes. Parmi les morceaux marquants, Kaléidoscope se distingue par son énergie lumineuse et ses sonorités pop irrésistibles. Avec ce nouvel opus, Robitaille continue d’explorer et de réinventer son univers, livrant des chansons à la fois entraînantes et nuancées, à l’image du kaléidoscope musical qu’il façonne depuis ses débuts.

Damien Robitaille – Kaléidoscope – Ultraviolet – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

La Ville de Québec s’impose plus que jamais comme un terreau fertile pour les entreprises en quête d’un environnement compétitif et dynamique. Selon une étude récente de KPMG, elle figure désormais au deuxième rang des villes canadiennes offrant les coûts d’exploitation les plus avantageux, un bond remarquable depuis 2021. Cette progression témoigne d’une gestion efficace des ressources et d’un climat économique propice aux affaires. Avec des coûts énergétiques abordables, des espaces commerciaux accessibles et une fiscalité maîtrisée, Québec attire les entrepreneurs désireux de prospérer dans un cadre à la fois stimulant et stable. Cette reconnaissance confirme le positionnement de la capitale comme un moteur économique en pleine croissance.

Bien que certains défis subsistent, notamment en matière de charges fiscales sur la main-d’œuvre, la tendance est à l’amélioration et les avancées des dernières années sont de bon augure pour l’avenir. Québec se distingue non seulement par son accessibilité économique, mais aussi par la qualité de vie exceptionnelle qu’elle offre aux travailleurs et aux entreprises. En se hissant en tête du classement au Québec et en consolidant sa place sur la scène nationale, la ville prouve qu’elle a tous les atouts pour séduire les investisseurs et bâtir un avenir prospère.


Billet du 14 février 2025 : L’Histoire en mi-temps

Avez-vous regardé le Super Bowl, dimanche dernier ? Du point de vue sportif, j’ai déjà vu de bien meilleurs matchs de football. Ce qui a rendu cette 59e édition unique, c’est tout l’aspect politique qui l’a entourée. D’une part, c’était la première fois qu’un président des États-Unis en exercice assistait à la rencontre. D’autre part, il y a eu le spectacle de la mi-temps.

Comme c’est souvent le cas, je nage à contre-courant. Alors que le spectacle de Kendrick Lamar se faisait descendre sur tous les réseaux sociaux, je trouvais personnellement qu’il tenait du génie. Et son style de musique ne me rejoint aucunement ! Les messages qu’il a subtilement transmis méritent d’être colligés et rappelés.

  1. Tout d’abord, l’acteur Samuel L. Jackson incarne un Oncle Sam noir, esclave de la « maison », ce qui évoque son rôle dans le film Django Unchained.
  2. Le même Oncle Sam, personnifié par Jackson, qui rappelle à Lamar de jouer le jeu que l’Amérique blanche veut le voir jouer ;
  3. Une scène rappelant la série sud-coréenne Squid Game, dans laquelle les riches éliminent les pauvres ;
  4. Des danseurs, tous noirs, habillés aux couleurs du drapeau des États-Unis ;
  5. Ces mêmes danseurs qui descendent de scène et s’exécutent dans ce qui ressemble étrangement à la cour extérieure d’une prison, rappelant les incarcérations arbitraires des Noirs aux États-Unis ;
  6. La présence sur scène de la joueuse de tennis Serena Williams, ex-petite amie du rappeur torontois Drake, ennemi juré de Kendrick Lamar ;
  7. Un bout de la chanson « Not Like Us », dernière en lice d’une série de plusieurs dans lesquelles Lamar et Drake s’insultent et s’accusent mutuellement ;
  8. Un appel à l’unité et à la mobilisation pour contrer un monde en crise ;
  9. Les mots « GAME OVER » projetés dans la foule, suggérant que la récréation est terminée et qu’il faut maintenant agir.

Il semble que Donald Trump ait quitté les lieux avant le début de ce spectacle de la mi-temps. Avec son équipe favorite qui tirait alors de l’arrière 24-0, c’en était sans doute trop à ruminer.


Dans le cours d’univers social
Volet histoire

Par pur hasard, fin janvier, je suis tombé sur le blogue d’un jeune historien québécois, Alexandre Dumas. J’ai été attiré par ce qui était alors son plus récent billet, Trump et Hitler. 1

Le billet commençait comme suit : « Oui, je compare Donald Trump à Adolf Hitler. Et non, ce n’est pas émotif, ce n’est pas exagéré. Hitler n’est pas arrivé au pouvoir en Allemagne en promettant une guerre mondiale et des chambres à gaz. Il promettait la libération nationale et la victoire contre l’ennemi intérieur. »

Le reste du texte fait état de similitudes à la fois évidentes et étonnantes dans le parcours des deux hommes. J’avais alors noté la référence pour écrire moi-même sur le sujet. Je ne l’ai pas fait la semaine dernière parce que je n’avais pas assez de temps pour faire des recherches sur un élément important du texte de monsieur Dumas, l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne par Hitler, qui a été vécue d’une façon semblable à ce que Trump évoque depuis quelques semaines pour avaler le Canada.

Je n’ai pas eu à travailler trop fort, l’historien ayant lui-même publié un billet sur le sujet, cette semaine.2 Je vous invite à prendre connaissance des deux textes. On peut malheureusement tirer la triste conclusion que l’histoire se répète.

1 Dumas, Alexandre. Trump et Hitler. Le 20 janvier 2025.

2 Dumas, Alexandre. L’Anschluss, ou comment annexer un pays par l’intimidation. Le 10 février 2025.


Dans le cours de musique

Trêve d’artistes émergents cette semaine, alors que le bon vieux Gino Vannelli nous arrive avec un nouvel album. Avec onze pièces regroupées sous le titre The Life I Got, le chanteur montréalais nous offre une série de ballades relatant des événements ayant marqué sa vie. J’ai cependant opté pour une chanson jazzée, dans le cadre de notre #musiquebleue hebdomadaire. Voici Keep on Walking.

Gino Vannelli – Keep on Walking – The Life I Got – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Dans le monde de la confiserie, il y a des nouvelles qui font sourire et qui donnent envie de célébrer. C’est le cas de la cerise québécoise, qui connaît un succès fulgurant depuis quelques semaines. En effet, ses ventes ont quintuplé depuis la disparition de la populaire cerise américaine, la fameuse Cherry Blossom.

La « cerise » québécoise, appelée Berry Blossom, est fabriquée par l’entreprise Nutra-Fruit, qui fête cette année son 20e anniversaire. Elle se distingue par son utilisation de canneberges au lieu de cerises et de chocolat noir au lieu de chocolat au lait. Cette combinaison unique lui confère un goût acidulé et rafraîchissant qui séduit les papilles des consommateurs.

Le succès de la Berry Blossom est une excellente nouvelle pour l’entreprise Nutra-Fruit, qui voit ses ventes grimper en flèche. Mais c’est aussi une bonne nouvelle pour les consommateurs québécois, qui peuvent désormais profiter d’une délicieuse friandise locale.

Site de l’entreprise Nutra-Fruit


Billet du 7 février 2025 : Jeux de pouvoir

Il a d’abord martelé qu’il voulait faire du Canada le 51e État du pays qu’il dirige, qu’il comptait prendre le canal de Panama et arracher le Groenland au Danemark. J’ai alors pensé qu’il croyait être en train de jouer à Risk. Une semaine plus tard, il a annoncé, dans un premier tour de table, qu’il tenterait de ruiner le Canada et le Mexique, en plus s’approprier la bande de Gaza pour y installer ses hôtels et stations balnéaires. Là, il joue au Monopoly. En réalité, que ce soit avec ou contre un partenaire, les joueurs ont l’habitude d’utiliser autre chose que des dés pour lancer des attaques.

Pendant ce temps, les autres chefs d’État jouent aux échecs, calculant chaque mouvement avec précision, sachant que la moindre erreur pourrait leur coûter la partie. Entre les tensions avec la Chine, qui ressemblent à une partie de poker, et la situation en Ukraine, qui s’apparente à un Tetris où les blocs s’accumulent dangereusement, la scène internationale devient un véritable casino géopolitique où les enjeux dépassent largement le cadre ludique.

Trump ne respecte pas les règles, il en impose de nouvelles, les siennes. L’OTAN devient son plateau personnel de Stratego, où il déplace les pièces selon son humeur du moment. Les alliances internationales sont soudainement réduites à un gigantesque jeu de Jenga, où chaque bloc retiré fragilise davantage l’édifice de la diplomatie mondiale. Dans ce scénario, la communauté internationale devra apprendre à jouer selon ces nouvelles règles, celles d’un homme pour qui la politique mondiale n’est qu’un grand terrain de jeu, sans comprendre que certaines parties, une fois perdues, ne peuvent être recommencées.


Radio-Canada et sa journaliste Pasquale Harrisson-Julien ont diffusé un court reportage sur l’appartenance des grandes chaînes commerciales. Lesquelles sont Canadiennes et lesquelles sont Américaines ? Je vous invite à vous arrêter 150 secondes pour tester vos connaissances.

Quelles entreprises sont Canadiennes ?


Dans le cours de musique

Viviane Audet s’est d’abord fait connaître comme actrice, avant de se lancer dans la composition musicale. Son catalogue comprend des chansons, des pièces instrumentales, ainsi que des bandes originales de films. Le piano et le torrent, sorti le 31 janvier dernier, constitue son dixième album.

Viviane Audet – Les galeries – Le piano et le torrent – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Il y a les Québécois qui se sentent Canadiens, les Québécois qui attendent de devenir strictement Québécois et les Québécois qui se définissent comme tels, à l’intérieur du Canada. Depuis les derniers jours, malgré l’incertitude économique engendrée par nos voisins du Sud, il fait bon de voir une unité canadienne se forger. Dans l’adversité, on laisse de côté les tensions habituelles et on se serre les coudes en famille.

J’ignore combien de temps tiendra cette homogénéité, mais j’aime entendre nos élus, tous partis confondus, tenir des discours similaires. Commençons dès maintenant à porter une attention particulière à ce que nous consommons. Les produits régionaux d’abord (c’est mieux pour l’environnement), ceux du reste du Québec et du Canada ensuite, avant de considérer les importations.