Le récent article de TVA Nouvelles intitulé « Le français et les affaires : dérapage linguistique dans une publicité de pneus d’hiver » 1 soulève une fois de plus un malaise bien réel : celui de la banalisation des fautes de français dans l’espace public. L’affiche de Point S, avec son tristement célèbre « Attends pas qui neige », en est l’illustration parfaite : une erreur qu’on justifie au nom de l’authenticité et du langage du peuple. Or, comme le rappelait Gilles Vigneault, « la meilleure façon de défendre une langue, c’est de la parler bien, de l’écrire le mieux possible et de la lire beaucoup ». Ce n’est pas en tolérant les dérapages linguistiques qu’on rend hommage à notre langue, mais bien en la pratiquant avec rigueur et respect.
Et ce n’est pas un cas isolé. Il suffit de regarder sur l’autoroute le panneau annonçant l’émission de Benoit Dutrizac sur QUB Radio, avec le mot inventé Imbullshitable, pour comprendre à quel point on confond désormais créativité et irrespect. On joue avec les mots comme on joue avec le feu, sans se rendre compte qu’à force de les tordre, on finit par brûler le sens. Certains trouvent ça drôle, d’autres y voient une signature culturelle. Moi, j’y vois un glissement inquiétant : celui d’un peuple qui se dit fier de sa langue, mais qui applaudit ou hausse les épaules quand on la défigure. Ce mélange de complaisance et d’indifférence mine lentement la valeur symbolique du français, comme si l’exactitude était dépassée.
Michel Tremblay, lui, a compris la nuance. Il a osé faire parler ses personnages en joual, notre dialecte bien à nous, mais ses narrations, elles, sont écrites dans un français irréprochable. Et lorsqu’il s’exprime en entrevue, son langage est clair, précis, et respectueux des règles. C’est cette frontière, essentielle mais de plus en plus brouillée, qui fait la richesse de son œuvre et la force de notre identité.
Alors je pose la question : quelle langue voulons-nous défendre ? Celle que l’on malmène au nom d’une fausse proximité avec le peuple ou celle que l’on honore par le soin, la nuance et la justesse ? Quand on affiche un slogan truffé de fautes sur un panneau de dix mètres ou qu’on érige l’anglicisme en stratégie de marketing, on n’est plus dans la créativité, on est dans la négligence. Défendre le français, c’est aussi défendre sa qualité. Parce qu’une langue qu’on maltraite finit par se taire.
Vanille, de son vrai nom Rachel Leblanc, est une auteure-compositrice-interprète montréalaise qui cultive un univers à la fois romantique et empreint de nostalgie. Inspirée par la chanson française des années 1960, le folk californien et la pop ensoleillée d’un autre temps, elle tisse des mélodies douces où s’entremêlent guitare feutrée et mélodies rêveuses. Elle vient de faire paraître Un chant d’amour, un troisième album délicat et lumineux, où chaque morceau semble suspendu entre mélancolie et légèreté.
Voici la pièce Ce n’est pas ici, ce n’est pas ailleurs.
Vanille – Ce n’est pas ici, ce n’est pas ailleurs – Un chant d’amour – #musiquebleue
La bonne nouvelle de cette semaine
Dans la même semaine, Leylah Annie Fernandez a triomphé au Japon, Félix Auger-Aliassime a remporté le tournoi de Bruxelles et les Blue Jays de Toronto ont assuré leur place en Série mondiale.
Exemple de courage et de détermination, Loïc Bydal, 17 ans, deviendra dans quelques semaines le premier élève à obtenir un diplôme d’études secondaires, avec un parcours scolaire entièrement réalisé à partir de sa chambre d’hôpital. Atteint d’une maladie dégénérative rare, l’Hôpital de Montréal pour enfants est devenu le lieu permanent de résidence pour Loïc, quand il n’avait que 8 ans.
Appuyé par tous les membres de sa famille, notamment par son père enseignant, et mû par une immense soif d’apprendre, Loïc relèvera un nouveau défi en septembre, alors qu’il entamera des études collégiales en informatique.
Pionniers dans l’enseignement à distance, avant même la pandémie, lui et ses enseignants méritent toute notre admiration. Un immense bravo à eux.
Cette semaine, j’enseignais l’impératif présent à mes élèves. Les règles de base sont simples :
Il n’y a que trois personnes, soit la 2e du singulier, la 1re du pluriel et la 2e du pluriel;
Tous les verbes conjugués à la 1re ou à la 2e personne du pluriel se terminent respectivement par _ons et _ez;
À la 2e personne du singulier, les verbes en _er se terminent par _e, les autres se terminent par _s 1;
Il n’y a pas de pronom sujet.
Ainsi, à l’impératif présent, on écrit profite, profitons, profitez, comme on écrit finis, finissons, finissez. Toutefois, qu’arrive-t-il quand un verbe conjugué à l’impératif est suivi d’un pronom comme en ou y ? La question ne se pose pas avec finir : on ajoute un trait d’union et on écrit finis-en.
Mais que fait-on avec profite ? Si on applique la même règle, on devrait écrire profite-en, comme plusieurs font, malheureusement. C’est à proscrire ! Dans un cas comme celui-ci, afin de favoriser la prononciation, il faut ajouter un s à la fin du verbe et le faire suivre de -en. On écrira donc profites-en.
Ce sont ses difficultés qui rendent la langue française si belle !
1Il y a quelques exceptions. Ainsi, le verbe aller se termine par _a (va), alors que les verbes cueillir, accueillir, recueillir, souffrir, tressaillir, recouvrir, couvrir, découvrir, ouvrir, entrouvrir, assaillir et offrir se terminent par _e.
Dans le cours d’univers social
Il existe un certain nombre de règles fondamentales en journalisme. Parmi elles, la vérification des faits et l’objectivité. Dans le premier cas, on a l’habitude de ne rien avancer tant qu’une nouvelle n’a pas été confirmée par deux sources. Quant à l’objectivité, il demeure possible de la contourner à travers les pages éditoriales, mais jamais dans la nouvelle.
Cette semaine, le Journal de Montréal et le Journal de Québec, deux des trois quotidiens du groupe Québecor, ont fait fi de ces deux règles essentielles en information.
En premier lieu, dans sa chronique de samedi dernier, Denise Bombardier affirmait que la Mairie de Montréal refusait de nommer une allée piétonnière du nom de l’ex-ministre Camille Laurin, sous prétexte qu’il était un homme blanc. L’histoire a été reprise par Richard Martineau, Normand Lester et Benoit Dutrizac, tous chez Québecor, soulevant l’indignation dans la population et l’ire des élus du Parti québécois, que le Docteur Laurin représentait. Or, les faits sont tout autre. Le comité de toponymie a effectivement refusé de donner le nom Camille-Laurin à cette artère, avant de se raviser, mais c’était pour éviter la confusion avec une rue qui porte déjà ce nom, dans la quartier Pointe-aux-Trembles. Je mentionne que le père de la Loi 101 a également donné son nom à une école et un édifice, toujours à Montréal. Jamais n’a-t-il été question du genre ou de la couleur de peau de l’ex-ministre. La mairesse Valérie Plante a eu beau l’affirmer publiquement, il a fallu le travail professionnel de la chroniqueuse Isabelle Hachey, à La Presse, pour rétablir les faits et dissiper les doutes. Madame Hachey s’est d’ailleurs entretenue avec Denise Bombardier, avant de publier son long texte.
Ensuite, dans son édition d’hier, le 22 avril, le Journal de Montréal affichait en UNE une photo du premier ministre Justin Trudeau vêtu de l’accoutrement particulier qu’il portait lors d’un voyage en Inde, il y a quelques années. S’adressant à lui en l’appelant par son prénom, le Journal établit un lien entre cette photo et l’origine du plus récent variant de la COVID-19.
Bonjour l’objectivité. Une publication similaire via une caricature, à l’intérieur du quotidien, aurait pu être drôle, mais une telle page frontispice est tout sauf professionnelle. Je précise ici que les journalistes ne sont aucunement responsables de ce manquement. Le contenu de la UNE appartient à la direction du journal.
Cette direction qui, en fin de journée, a publié une mise au point à l’intérieur de laquelle elle prétexte laconiquement avoir dû composer avec « un choix limité de mots et de photos » et exprime des regrets si certaines personnes ont été heurtées.
Personnellement, s’il s’agissait de mon entreprise, j’aurais été fortement ébranlé par le tollé soulevé et son expression sur les réseaux sociaux. Il faut croire que la suffisance est plus présente chez certains que chez d’autres.
Dans le cours de mathématiques
Inutile, le couvre-feu au Québec ? Pas si on en croit les résultats de deux études menées d’une part par des chercheurs de l’Université de Toronto et la Direction de la santé publique de l’Ontario, et d’autre part par le Canadian Medical Association Journal. Ainsi, des données fournies par les compagnies de téléphonie mobile stipulent que le couvre-feu québécois aurait eu pour effet de réduire de plus de 30% les déplacements en soirée. Selon une des études, une hausse de 10% des déplacements serait associée à une hausse de 25% des infections hebdomadaires.
Les chercheurs avancent donc que c’est l’instauration du couvre-feu, lors de la deuxième vague de la COVID-19, qui aurait permis au Québec d’afficher de meilleurs résultats que les autres provinces canadiennes.
Lancé il y a trois ans, l’album M. Chandler est issu de la rencontre de plusieurs artistes québécois, dont Ian Kelly et Rick Haworth. Sa musique propose un son indie rock, teinté de puissantes notes de blues. En #musiquebleue, voici la pièce Vieillir à mort.
M. Chandler – Vieillir à mort – M. Chandler – #musiquebleue
La bonne nouvelle de cette semaine
Ceux qui me connaissent le savent, je suis un inconditionnel de Yannick Nézet-Séguin. Aujourd’hui âgé de 46 ans, il n’en comptait que 25 lorsqu’il est devenu directeur de l’Orchestre Métropolitain de Montréal. Il a également été appelé à diriger, comme chef invité ou comme chef principal, de nombreux autres orchestres symphoniques à travers le monde, dont le prestigieux Metropolitan Opera de New York.
Samedi dernier, Yannick Nézet-Séguin annonçait sur sa page Facebook l’accomplissement d’un autre rêve, celui d’effectuer ses débuts comme pianiste solo. Et c’est la prestigieuse étiquette Deutsche Grammophon qui publiera les enregistrements. Il s’agit d’un privilège tant pour l’un que pour l’autre.
L’album s’intitule Introspection : Solo Piano Sessions et compte 21 pièces, notamment de Brahms, Debussy, Rachmaninoff, Schubert, Bach, Shostakovich et Haydn. La variété des styles est au rendez-vous. Pour le moment, il est possible de télécharger l’Opus 16 numéro 3 en si mineur de Rachmaninoff sur les principales plateformes. Les 20 autres oeuvres seront disponibles pour le téléchargement dès le 4 juin.