Des chercheurs australiens de passage au Canada sont repartis avec une conviction claire : le système d’éducation ontarien les inspire, mais le Québec leur apparaît comme un exemple à ne pas suivre.1 Leur critique cible notre structure scolaire à trois vitesses — public régulier, public sélectif et privé subventionné — qui concentre les élèves vulnérables dans certaines écoles.
Ce miroir tendu par l’étranger dérange, parce qu’il reflète ce que beaucoup d’enseignants et de directions savent déjà. Plus la sélection s’installe, plus les classes ordinaires se retrouvent avec une concentration d’élèves en difficulté. Sur papier, on vante la liberté de choix. En pratique, on crée des inégalités qui minent l’équité scolaire. Et quand l’État continue de subventionner le secteur privé, à hauteur de 60 % du montant versé pour un élève dans le réseau public, il contribue directement à accentuer cette ségrégation.
Il suffit d’entrer dans une salle de classe pour comprendre l’impact concret de ce système. Dans un même groupe, certains élèves dévorent déjà des romans tandis que d’autres peinent encore à lire une phrase simple. D’un côté, des jeunes qui réussissent haut la main, de l’autre, des élèves qui cumulent difficultés d’apprentissage et défis liés au milieu de vie. Pour l’enseignant, cela signifie une gestion quotidienne d’écarts immenses. On appelle ça la différenciation pédagogique. Mais il faut être lucide : plus on concentre les vulnérabilités dans certaines écoles, plus la tâche des enseignants devient colossale. L’équité, dans ces conditions, n’est pas seulement un principe difficile à atteindre ; elle devient un combat quotidien.
Heureusement, dans nos écoles, il existe une formidable inventivité. Enseignement explicite, pédagogies actives, travail collaboratif avec les TES et les orthopédagogues : autant de moyens pour tenter de rétablir un certain équilibre. J’ai vu des enseignants bâtir des projets qui embarquent toute une classe, du plus fort au plus fragile. J’ai vu des équipes-écoles développer une véritable culture de solidarité. Ces efforts sont réels, mais ils reposent sur les épaules de celles et ceux qui, chaque matin, se retrouvent devant leurs élèves. Ils permettent d’atténuer les effets d’un système inéquitable, sans pour autant en corriger les causes.
Le rapport australien n’apporte peut-être rien de nouveau pour ceux qui vivent déjà ces réalités, mais il nous force à nous regarder autrement. Et la question demeure : si l’on juge de la qualité d’un système scolaire à la manière dont il traite ses élèves les plus vulnérables, quel reflet voulons-nous que le Québec projette ?
Parce qu’au fond, la vraie question n’est pas de savoir si notre système est à deux, trois ou quatre vitesses. La vraie question est de savoir si tous nos jeunes montent dans le même autobus, ou si certains sont condamnés à marcher, voire à rester sur le bord de la route. Et pendant que l’on finance à même les fonds publics des écoles qui sélectionnent leurs élèves, il faut avoir l’honnêteté d’admettre que ce choix collectif trace lui-même les lignes de l’injustice.
On garde le rythme !
Mes billets hebdomadaires ont commencé tout juste avant le confinement, en février 2020. J’ai maintenu le rythme d’une publication chaque vendredi durant les trois premières années, avant de prendre l’habitude de ralentir durant mes vacances estivales et de publier une semaine sur deux en juillet et août.
Cet automne, je maintiendrai le rythme quinzomadaire repris cet été. Il en sera ainsi au moins jusqu’en janvier 2026. C’est que je poursuis et entreprends à la fois d’autres projets professionnels qui, combinés à mon travail de conseiller pédagogique, me laisseront très peu de temps pour la tenue d’un blogue hebdomadaire.
Écrire demeure pour moi un espace de liberté et de respiration. Même si le rythme ralentit, je continuerai à y revenir avec plaisir, comme on retrouve un ami cher, pour partager mes réflexions et mes découvertes.
Dans mes écouteurs
Annie Bélanger, auteure-compositrice-interprète québécoise, propose avec Tombée des nues un univers mêlant folk et pop moderne. Ses textes introspectifs, empreints de vulnérabilité et de résilience, s’appuient sur des arrangements acoustiques et des mélodies enveloppantes qui mettent en valeur une voix sensible et sincère.
Voici la pièce Diamant brut.
La bonne nouvelle de cette semaine
À seulement 13 ans, la jeune Écossaise Rebecca Young vient d’entrer dans le prestigieux top 10 du magazine Time grâce à une invention aussi ingénieuse qu’altruiste : un sac à dos solaire capable d’alimenter une couverture chauffante pour les personnes sans-abri. Né d’un simple projet scolaire, son concept a séduit bien au-delà de sa classe : il a déjà remporté un prix national d’ingénierie et permis la distribution de dizaines de prototypes à Glasgow. Son idée, née de l’envie de protéger les plus vulnérables du froid glacial, démontre que même la créativité d’une adolescente peut se transformer en solution concrète et salvatrice.
Au-delà de la prouesse technique, ce qui frappe, c’est le message d’espoir que Rebecca envoie : il n’y a pas d’âge pour agir et changer le monde. Soutenue par l’entreprise Thales, elle voit aujourd’hui son invention se multiplier, avec 120 nouveaux modèles en fabrication. En intégrant la première liste des Girls of the Year aux côtés d’artistes et d’athlètes internationales, elle incarne une génération qui ose allier innovation et solidarité. Voilà une nouvelle inspirante qui nous rappelle que l’avenir s’éclaire non seulement grâce à la technologie, mais aussi grâce à l’immense générosité des jeunes.
