Billet du 30 mai 2025 : IA sous surveillance parentale

À l’ère où les outils d’intelligence artificielle fleurissent partout, les craintes sur leur usage en contexte scolaire ne cessent de monter. Alors que quelques membres de sa famille ont récemment fait parler d’eux à travers certaines polémiques, Elisabeth Abbatiello, copropriétaire et stratège en communication du Groupe Abbatiello, une famille bien établie dans les secteurs de la restauration et de l’immobilier au Québec, a partagé une anecdote éclairante : pourquoi et comment elle a introduit sa fille de 8 ans à l’usage de ChatGPT pour un devoir de lecture.

Le 27 mai 2025 sur LinkedIn, Elisabeth Abbatiello a publié ce témoignage relatant comment elle a accompagné Sophia, sa fille de 8 ans, pour un devoir de lecture avec l’aide de ChatGPT :

« Soucieuse de ne pas la décourager, je me suis dit que c’était le temps de lui montrer comment “hacker” la performance … Nous avons lu les 2 premiers chapitres ensemble et avons demandé à ChatGPT de nous faire un résumé de 10 minutes sur les 7 autres chapitres. Sophia a même pu poser des questions à ChatGPT pour être sûre de bien comprendre. »

Je n’approuve pas l’expression « hacker la performance » : elle dénature la dimension éducative de sa démarche. Toutefois, bravo à Elisabeth Abbatiello d’avoir fait de ChatGPT un véritable assistant pédagogique, non pour faire le travail à la place de sa fille, mais pour l’impliquer dans ses propres apprentissages. Maintenant qu’elle a initié sa fille à l’utilisation de l’IA, elle a également le devoir de poursuivre cet accompagnement : poser des garde-fous, vérifier la qualité des réponses et encourager Sophia à cultiver son esprit critique. Cette vigilance constante garantira que la technologie demeure un moteur d’apprentissage et non un simple substitut.

Parce qu’en effet, l’intelligence artificielle n’est ni un substitut à l’effort ni un outil en libre-service ; sous réserve d’un usage critique et encadré, elle se révèle un levier puissant pour enrichir l’apprentissage tout en préservant la réflexion personnelle. Il appartient aux parents et aux enseignants de prendre le relais : initier, encadrer et responsabiliser les élèves afin que ceux-ci sachent dialoguer avec l’IA tout en préservant la maîtrise de leurs apprentissages.


Dans mes écouteurs

Native de la scène rap francophone montréalaise, Sensei H incarne un hip-hop littéraire et engagé. Basée à Québec depuis plusieurs années, cette Franco-Algérienne s’est hissée parmi les trois finalistes des Francouvertes 2024 et a même signé la signature musicale de la campagne de Télé-Québec avec Hors du commun. Sorti le 23 mai 2025, son minialbum en attendant l’amour comprend cinq titres répartis sur environ 17 minutes, alternant confidences intimes et réflexions sociales. C’est un véritable manifeste de résilience et d’authenticité qui confirme sa volonté de donner du sens à chaque phrase.

La chanson qui suit, issue de ce microalbum et inspirée de la musique classique, s’intitule chemise noire.

Sensei H – chemise noire – en attendant l’amour – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Cette semaine, dans l’arrondissement de Saint-Laurent à Montréal, plusieurs entreprises ont lancé un projet de boucle énergétique visant à mutualiser leurs excédents de chaleur. Inspiré par des acteurs comme YKK Canada, qui recycle sa chaleur perdue grâce à un projet de géothermie, et Moneris, qui a déjà réduit de 55 % sa consommation de gaz grâce à un mur solaire, ce réseau met en relation les émetteurs et les receveurs d’énergie à prix réduit. Trois secteurs pilotes, Lebeau, Thiemens et le Technoparc ont été retenus, et une étude économique en cours, dont les résultats sont attendus pour août 2025, devrait confirmer le potentiel de cette solution locale et sobre.

Au-delà de l’impact écologique évident, cette initiative présente un avantage économique pour les entreprises et pour la collectivité. En vendant leur chaleur excédentaire, les émetteurs génèrent un revenu supplémentaire, tandis que les receveurs bénéficient d’une énergie moins chère que celle du marché. Hydro-Québec pourra rediriger ses ventes ailleurs, optimisant ainsi sa production. Avec des investissements estimés entre 10 et 15 millions de dollars d’ici 2030 pour déployer l’infrastructure, l’arrondissement de Saint-Laurent se pose en modèle d’innovation durable et de collaboration locale. Une belle démonstration que, lorsqu’on unit nos efforts, on va plus loin ensemble.


Billet du 23 mai 2025 : Mémoire sélective

On dit souvent que l’histoire ne se répète pas, mais qu’elle bégaie. Ces derniers mois, alors que les bombardements israéliens sur Gaza ont déplacé plus de deux millions de personnes et tué plus de 50 000 Palestiniens, une question me hante. Ce n’est pas une question de géopolitique, mais de sens : comment un peuple qui a tant souffert peut-il infliger tant de souffrances à un autre, au nom de sa sécurité ?

Je travaille dans un univers où l’on questionne, où l’on cherche à comprendre les causes profondes et les effets durables des gestes humains. J’ai été incité à réfléchir publiquement sur la manière dont cette tragédie reflète notre utilisation collective de la mémoire et notre aptitude à apprendre des événements passés.

Il ne s’agit pas ici de nier les blessures profondes que porte le peuple juif. La Shoah demeure un abîme de douleur dans la conscience humaine : six millions de Juifs assassinés par les nazis, et une tentative méthodique d’anéantissement. Ce drame unique dans l’histoire moderne a forgé une mémoire collective qui devrait servir de rempart moral contre toute forme d’oppression.

Mais aujourd’hui, c’est un autre peuple, les Palestiniens, qui vivent dans la peur, l’exil et le deuil. Ce ne sont pas des abstractions : ce sont des enfants, des femmes, des hommes, des aînés, des familles entières dont les maisons sont rasées, les écoles détruites, les hôpitaux hors service. Ce ne sont pas tous des membres du Hamas, ni même des sympathisants. La majorité n’a pas choisi cette guerre. Elle la subit.

Le 7 octobre 2023, le Hamas a commis des attaques meurtrières contre Israël, tuant des civils, déclenchant une vague bien réelle de douleur et de colère. Ces actes manquent de justification, tout comme la punition collective d’un peuple entier au nom de la sécurité. La riposte d’Israël n’a pas visé uniquement les responsables : elle a frappé indistinctement. Elle a rasé des quartiers entiers. Elle a tué massivement.

Je refuse de confondre un peuple avec son gouvernement ou son armée. Être juif ne signifie pas soutenir les politiques de colonisation ou de bombardement. Être palestinien ne signifie pas adhérer au Hamas. Ce que je défends ici, ce n’est pas un parti pris : c’est l’idée qu’il faut empêcher les abus du présent à l’aide de la mémoire historique, plutôt que de les justifier.

De nombreux Juifs à travers le monde s’élèvent contre ce qui se passe à Gaza. Je pense à Noam Chomsky, intellectuel de renommée mondiale ; à Ilan Pappé, historien israélien qui dénonce depuis des décennies les politiques de domination ; à Breaking the Silence, collectif d’anciens soldats israéliens qui témoignent de la brutalité de l’occupation ; à Gideon Levy, l’un des rares journalistes à relayer la voix des Palestiniens ; à Norman Finkelstein, fils de survivants de la Shoah, qui critique l’instrumentalisation de cette mémoire ; ou encore à Amira Hass, seule journaliste juive israélienne vivant en permanence dans les territoires palestiniens. Ces voix ne parlent pas contre leur peuple : elles parlent pour l’humanité.

À l’opposé, Benyamin Netanyahou, chef d’un gouvernement d’extrême droite et premier ministre à la longévité inégalée, semble avoir oublié que gouverner un peuple blessé n’autorise pas à gouverner sans conscience. Son calcul politique permanent, ses alliances avec les courants les plus extrémistes du sionisme religieux et son mépris ouvert des appels à la retenue ne font pas de lui un gardien de la mémoire juive, mais un artisan actif de l’oubli. Il gouverne comme si la force suffisait à écrire l’histoire. Mais l’histoire, elle, n’oublie jamais.

Certaines des voix critiques que j’ai citées emploient un mot fort, controversé, mais désormais documenté : apartheid. Ce terme, utilisé par des organisations comme Amnesty International, Human Rights Watch, B’Tselem ou Yesh Din, ne renvoie pas ici à une insulte, mais à une définition juridique : un régime d’oppression et de domination systématique d’un groupe sur un autre. Il décrit la coexistence de deux populations vivant sous des lois différentes dans un même territoire. Ce mot ne vise pas à diaboliser, mais à nommer une réalité observable et, surtout, à susciter une responsabilité morale.

La mémoire est un outil puissant. Elle peut éclairer ou aveugler. À nous de choisir ce que nous en faisons : un miroir pour notre conscience, ou un écran pour notre indifférence.


Dans mes écouteurs

Cette semaine, je vous invite à découvrir Plus de fleurs que de fleuve, le premier album de Charlotte Brousseau. L’autrice-compositrice-interprète originaire de Québec propose treize chansons bien construites, à mi-chemin entre folk et chanson contemporaine, avec des arrangements sobres et soignés. On sent l’influence de son parcours en cinéma : chaque pièce évoque une atmosphère, un lieu, un moment. Les textes sont simples, réfléchis, souvent touchants, et portés par une voix posée, sans artifices. Une belle entrée en matière pour une artiste qui mérite d’être suivie.

Voici la pièce Retenir la nuit.

Charlotte Brousseau – Retenir la nuit – Plus de fleurs que de fleuve – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Le réalisateur québécois Félix Dufour-Laperrière a franchi une grande étape le 8 mai dernier : son nouveau film La mort n’existe pas a été présenté à la prestigieuse Quinzaine des cinéastes du Festival de Cannes. C’est une première pour cet artiste au style singulier, déjà remarqué avec Ville Neuve et Archipel. Son plus récent long métrage, une coproduction Québec–France, suit Hélène, une militante en rupture qui se retire dans la nature après un attentat raté. Elle y retrouve le spectre d’une ancienne camarade, et avec elle, la nécessité de questionner ses convictions les plus profondes.

Cette sélection à Cannes est une formidable reconnaissance pour le réalisateur, mais aussi un clin d’œil réjouissant à la vitalité du cinéma québécois sur la scène internationale. Voir un créateur d’ici briller sur la Croisette, c’est inspirant et porteur d’espoir. Nos histoires, nos visuels et nos accents résonnent bien au-delà de nos limites territoriales, ce qui est certainement très positif !


Billet du 16 mai 2025 : Pelleteux de mots

Chaque printemps, c’est devenu une petite tradition dans mon billet hebdomadaire : faire un détour par les nouveautés du dictionnaire Le Robert. L’édition 2026 vient tout juste d’être dévoilée, avec son lot habituel de mots fraîchement intronisés dans la grande famille du français écrit et reconnu. Plus de 150 ajouts cette année, qui témoignent des grandes préoccupations de notre époque, comme l’intelligence artificielle, les changements sociaux, les mouvements culturels… Et, bien entendu, la vitalité du parler québécois.

Parlant d’ici, deux expressions familières bien de chez nous font une entrée remarquée : pelleteux de nuages et cône orange. La première, nous la connaissons bien : elle désigne celui ou celle qui rêve en couleurs, qui élabore de grands projets irréalistes, voire un brin farfelus. Une expression savoureuse, bien implantée dans notre imaginaire collectif, et qui mérite amplement sa place dans un dictionnaire qui se veut représentatif de toute la francophonie. Quant au cône orange, disons qu’il mériterait à lui seul un chapitre entier dans notre folklore routier. Il symbolise chez nous autant les travaux interminables que la résilience (forcée) des automobilistes québécois. Qu’un objet inanimé et unanimement exaspérant se retrouve désormais dans Le Robert, ça mérite un coup de klaxon.

Mais ce n’est pas tout. Cette année, on sent clairement l’influence des nouvelles technologies : prompter entre officiellement dans le dictionnaire, non pas comme l’appareil qui aide un politicien à réciter son discours, mais comme le fait d’envoyer une requête à une intelligence artificielle (clin d’œil à mes collègues titulaires de classes qui la découvrent en pleine correction de fin d’année). On note aussi hallucination dans son sens numérique, soit une réponse erronée, mais crédible, produite par une IA. Pratique pour comprendre pourquoi votre assistant vocal insiste pour réserver un hôtel à Orange, en France, quand vous demandez des infos sur l’orange de Floride.

Du côté des nouvelles tendances sociales, plusieurs mots évoquent les réalités actuelles : chemsex, justice restaurative, microagression, apprentissage profondLe Robert fait de plus en plus place à des réalités parfois difficiles, mais bien présentes. Et côté gastronomie, l’ouverture sur le monde continue avec l’ajout de zaatar, un mélange d’épices moyen-oriental qui gagne en popularité dans nos assiettes.

Enfin, on remarquera aussi quelques expressions familières qui font leur entrée, dont c’est carré, pour désigner quelque chose de bien organisé ou parfaitement en ordre, ainsi que mon gâté/ma gâtée, des marques d’affection bien connues au Québec, tout autant que dans le Sud de la France. Pas certain que c’est carré réussisse à détrôner notre bon vieux c’est correct, mais ces ajouts rappellent que le français, dans toute sa diversité régionale, est vivant, expressif et profondément enraciné dans les usages quotidiens.

Bref, encore une belle cuvée pour les amoureux du mot juste, du mot nouveau et du mot d’ici. Et si jamais vous êtes vous-même un pelleteux de nuages en quête de reconnaissance, sachez qu’il suffit parfois d’un bon mot et de quelques décennies d’usage populaire, pour entrer dans l’histoire lexicale.


Conseillance pédagogique en français

Sur le site de Radio-Canada :

#LeProfCorrige

Ici, il aurait fallu lire « pilule », et non « pillule ». Cette faute d’orthographe d’usage n’a pas sa raison d’être dans un texte publié sur le site de la société d’État.


Dans mes écouteurs

L’album Bruissement boréal est né de la rencontre entre la flûtiste Marie-Véronique Bourque et ma guitariste chouchou, Christine Tassan. Inspirée par les paysages du Québec et de la Saskatchewan, cette œuvre évoque le silence vibrant des grands espaces et la complicité musicale entre deux artistes à l’univers riche et complémentaire. Entre jazz, musique classique et touches de folk, l’album nous emporte dans un voyage sensoriel aussi apaisant qu’enchanteur.

Voici la pièce Bruissements.

Christine Tassan et Marie-Véronique Bourque – Bruissements – Bruissement boréal – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Une grande première vient de se produire dans le monde du baseball canadien : Ayami Sato, une lanceuse japonaise de 35 ans, vient de signer un contrat avec les Maple Leafs de Toronto, une équipe de la ligue semi-professionnelle ontarienne IBL (Intercounty Baseball League). Cette embauche est pourtant lourde de sens : Sato devient la toute première femme à évoluer dans cette ligue réservée jusqu’ici aux hommes. Couronnée à plusieurs reprises meilleure joueuse de baseball féminin au monde, elle ne débarque pas comme une curiosité médiatique, mais bien comme une athlète aguerrie au palmarès impressionnant.

Avec une balle rapide atteignant 80 milles à l’heure et une courbe redoutablement efficace, Sato a mené l’équipe nationale féminine du Japon à cinq championnats mondiaux. Son arrivée au monticule des Maple Leafs dépasse le cadre du sport : elle envoie un signal clair que les frontières du genre peuvent et doivent continuer à s’estomper là où le talent s’impose. Voilà une belle bouffée d’air frais pour les jeunes filles qui rêvent de fouler les losanges du baseball professionnel, ainsi qu’un rappel que les portes fermées ne le restent jamais éternellement.


Billet du 9 mai 2025 : Déconstruire le stress

Il y a quelques années, mes collègues et moi avons eu le privilège d’assister à une formation donnée par la docteure Sonia Lupien. En pleine crise de la COVID-19, elle a offert à l’équipe scolaire une conférence intitulée « SPIN ton stress ». Son objectif était clair : nous outiller pour mieux comprendre et réduire le stress vécu par nos élèves dans un contexte sanitaire incertain et anxiogène. Inspirés par ses propos, mes collègues et moi avons ensuite mis sur pied une série d’ateliers pour aider nos élèves à gérer leur stress, notamment au moment délicat de la transition entre le primaire et le secondaire.

Neuroscientifique et directrice du Centre d’études sur le stress humain, Sonia Lupien a consacré sa carrière à l’étude du stress et de ses effets sur le cerveau. Selon ses recherches, une situation devient stressante lorsqu’elle contient un ou plusieurs des quatre ingrédients résumés par l’acronyme CINÉ : Contrôle faible, Imprévisibilité, Nouveauté et Égo menacé. Plus ces éléments sont présents, plus la réaction de stress est forte. Ce modèle simple nous aide à comprendre pourquoi certaines situations banales peuvent soudainement nous sembler accablantes.

Prenons un exemple concret. Un élève commence le secondaire dans une nouvelle école. Il ne connaît encore personne (nouveauté), ne sait pas exactement ce qui l’attend dans ses cours (imprévisibilité), ne peut pas choisir son horaire (faible contrôle) et redoute de ne pas être à la hauteur (égo menacé). C’est une situation typique où le stress est non seulement compréhensible, mais prévisible. Grâce au modèle CINÉ, enseignants et parents peuvent identifier les sources de stress et accompagner les jeunes de façon plus ciblée. Une fois les éléments repérés, on peut chercher à en diminuer l’impact : organiser une visite de l’école avant la rentrée, planifier des rencontres préparatoires avec des enseignants, mettre en place un système de mentorat ou encore valoriser les réussites pour renforcer la confiance. D’ailleurs, le fait d’avoir transmis ce modèle à mes élèves m’a permis de développer moi-même un réflexe salutaire : aujourd’hui, chaque fois que je ressens du stress, je passe mentalement en revue les composantes du SPIN ou du CINÉ, ce qui m’aide à désamorcer mes réactions.

Pour les enfants et les adolescents, madame Lupien a adapté le modèle en version SPIN : Sens du contrôle diminué, Personnalité menacée, Imprévisibilité, Nouveauté. Cet outil permet aux jeunes de mieux exprimer ce qu’ils vivent, et aux adultes de mieux intervenir. Comprendre le stress, c’est déjà commencer à l’apprivoiser. Et plus on l’intègre au quotidien, plus on outille nos élèves, et soi-même, à naviguer avec plus de calme dans les tempêtes de la vie.


Conseillance pédagogique en français

Avez-vous constaté une faute orthographique dans le bloc précédent ? Il y en aurait eu au moins une il n’y a pas si longtemps. Ce n’est en effet que depuis la plus récente rectification orthographique que le mot égo, avec un accent aigu, est accepté. Auparavant, la seule orthographe possible pour ce mot était ego.

On peut se demander s’il est utile de mettre l’accent sur un ego.


Dans mes écouteurs

Avec l’élection du pape Léon XIV, ce classique de Ferland, 55 ans plus tard, redevient très actuel.

Jean-Pierre Ferland – God Is an American – Jaune – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Un nouveau chapitre s’ouvre pour le théâtre du Rideau Vert avec la nomination de Benoit McGinnis à la direction artistique. L’acteur, reconnu pour son intensité, sa rigueur et sa passion contagieuse pour les arts de la scène, succédera dès le mois d’août à la grande Denise Filiatrault, qui aura marqué cette institution pendant plus de deux décennies. À 47 ans, McGinnis incarne un juste équilibre entre respect du legs et désir de renouveau. Il voit dans cette nouvelle fonction l’occasion de faire rayonner le théâtre avec des idées contemporaines, audacieuses et rassembleuses, tout en poursuivant sa carrière d’interprète.

Sous sa gouverne, le Rideau Vert espère séduire une nouvelle génération de spectateurs sans perdre l’âme chaleureuse et accessible qui en fait un pilier de la scène culturelle montréalaise. L’arrivée de Benoit McGinnis coïncide aussi avec un changement à la direction générale, ce qui augure un souffle nouveau sur l’une des plus anciennes scènes francophones au Canada. L’élan de créativité et d’ouverture annoncé promet de belles surprises, et il est réjouissant de voir un artiste chevronné mettre son amour du théâtre au service d’un lieu aussi emblématique.


Billet du 2 mai 2025 : Dérapages

J’aurais pu titrer mon billet de cette semaine « Quand on crache en l’air, ça nous retombe sur le nez », mais c’eût été trop long. À titre court, histoires courtes. Nos personnalités politiques nous ont fourni du grand matériel en ce sens, au cours des derniers jours.

Un pays artificiel
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, s’est attiré les foudres des autres chefs de partis en déclarant que le Canada était un pays artificiel, sous prétexte qu’il regroupait des régions avec des problèmes et des besoins différents en un seul centre décisionnel, sa capitale. Ce faisant, monsieur Blanchet a décrit ce qui constitue également la réalité d’à peu près tous les pays d’Europe, la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Australie et les États-Unis, pour ne nommer que ceux-là. Ça fait beaucoup de pays artificiels. En passant, ne serait-ce pas aussi vrai pour un Québec indépendant ?

Rabaisser les autres
Quand j’enseignais, j’expliquais souvent à mes élèves qu’on ne se valorise pas en rabaissant les autres. Pierre Poilievre a passé plus de deux ans à tirer à boulets rouges sur Justin Trudeau, à lui imputer tous les problèmes du Canada. Il avait réussi à convaincre les Canadiens et se dirigeait assurément vers le trône de premier ministre, avec une avance de près de 25 points dans les sondages. Mais voilà, Trudeau a décidé de partir, emportant la gale avec lui. Son successeur, Mark Carney, a rapidement déclenché des élections avant qu’on ne puisse lui reprocher quoi que ce soit. Résultat : Poilievre n’est pas premier ministre et n’est même plus député.

Réprimer plutôt qu’éduquer
Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé qu’à partir de septembre, les téléphones mobiles allaient être interdits sur le territoire de toutes les écoles primaires et secondaires, publiques et privées, du Québec. Inciter les élèves à faire autre chose qu’avoir les yeux sur un écran est bien en soi. Toutefois, le règlement ne prévoit aucune mesure parallèle pour contrer la cyberintimidation ou encourager les activités physiques, ludiques ou culturelles, les deux raisons principales du bannissement. On rate ici une belle occasion d’instruire et d’éduquer.

Civisme, avez-vous dit ?
« On veut instaurer une culture du civisme », a dit le ministre Drainville lors de la même conférence de presse, alors qu’il annonçait que tous les élèves devraient maintenant vouvoyer leurs enseignantes et enseignants. Le même jour, un échange peu édifiant impliquant son chef, le premier ministre François Legault, s’est déroulé à l’Assemblée nationale. Celui-ci a insulté à profusion la députation de Québec solidaire, refusant d’obtempérer aux demandes de la présidente, Nathalie Roy, de retirer ses paroles, mais en… vouvoyant les personnes à qui il s’adressait !

Le Journal de Montréal a diffusé un extrait vidéo du manque de civisme de celui qui veut instaurer une culture du civisme.

Rebaptiser Canadian Tire et Winners ?
Durant la même semaine, le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, va à l’encontre de l’ordonnance de l’Office québécois de la langue française en permettant l’affichage du Go ! Habs Go !, mais demande à toutes les bannières commerciales établies au Québec d’afficher leur nom avec une nette prédominance du français.

Laver son linge sale en famille
Il y a longtemps qu’on n’avait pas assisté à une chicane chez les souverainistes québécois. On s’en inquiétait presque. Après que Yves-François Blanchet ait tendu la main à Mark Carney afin de faire fonctionner la Chambre des communes, Paul St-Pierre Plamondon l’a publiquement rabroué en mentionnant que ce n’était pas le rôle des souverainistes de collaborer avec le premier ministre canadien, même dans le contexte des tensions avec l’administration américaine. Les souverainistes ont beau qualifier le Canada de pays artificiel, leurs chicanes intestines sont, elles, 100 % authentiques.


Dans mes écouteurs

Ayelet Rose Gottlieb, chanteuse et compositrice née à Jérusalem et installée à Montréal, évolue à la croisée du jazz, de la poésie et de l’expérimentation sonore. Ses projets, souvent inspirés par des textes anciens ou des expériences personnelles, donnent à la voix un rôle central et expressif. Avec elle, le souffle, le silence et les mots deviennent des matières premières musicales.

De son plus récent album, Dust, voici la pièce Demain dès l’aube.

Ayelet Rose Gottlieb – Demain dès l’aube – Dust – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

C’est à Québec, dans un ancien presbytère transformé en lieu haut en couleur, que la toute première Maison de la BD a vu le jour au Canada. Ce nouvel espace offre un vibrant hommage à un siècle de création, de l’audace d’Albéric Bourgeois, pionnier du phylactère en 1904, jusqu’aux succès internationaux de Julie Doucet, Denis Rodier et Alex A. Le rez-de-chaussée, en accès libre, regorge de trésors graphiques qui racontent l’évolution de la BD québécoise, depuis les dessins de catéchisme jusqu’à l’émergence d’icônes comme L’Agent Jean.

Mais cette maison n’est pas un musée figé : elle vit au rythme de sa communauté et de ses artistes. Ateliers, lectures, lancements, dessins animés et événements familiaux s’y succéderont dans une programmation dynamique pensée pour tous les publics. En plus de mettre en valeur les talents souvent ignorés ici, mais applaudis à l’étranger, la Maison de la BD vient confirmer la maturité d’un art longtemps considéré comme mineur. Enfin, elle célèbre avec éclat et fierté ce qui nous distingue et ce qui nous unit, un trait de crayon à la fois.