Billet du 25 avril 2025 : Compter dans son propre filet

L’Office québécois de la langue française est ma bible. Je consulte son site plusieurs fois par semaine pour défier les difficultés de la langue française ou m’assurer du bon emploi d’un mot ou encore d’une expression. L’OQLF est mon ami.

Toutefois, comme avec n’importe quel ami, des désaccords peuvent survenir. On peut même trouver franchement exagérées certaines de ses prises de position. Comme celle d’exiger de la Société de transport de Montréal (STM) qu’elle cesse de faire défiler Go ! Habs Go ! sur les panneaux électroniques de ses autobus, ou qu’elle le remplace par une expression d’encouragement en langue française. La STM a donc traduit littéralement l’expression et affiché Allez ! Canadiens, Allez ! sur les panneaux de ses véhicules. Sacrilège, d’un côté comme de l’autre.

D’une part, Go ! Habs Go ! constitue une interjection qui nous est propre, une façon bien à nous d’encourager notre équipe locale qui participe aux séries éliminatoires pour la première fois en quatre ans. Go ! est certes un anglicisme, mais il est tout de même inclus dans certains dictionnaires de la langue française, dont le Robert. Tout le monde comprend la signification de Go !, même celles et ceux qui ne parlent pas l’anglais. Quel âge aviez-vous la première fois que vous avez compris ce que 1-2-3 Go ! voulait dire ? Si vous répondez assurément l’âge préscolaire, vous faites partie de la moyenne des gens. Même chose si vous vous délectiez du fameux Go ! Go ! Go !, crié par Yvan Ponton, au début du générique de la populaire série Lance et compte.

Habs ? C’est le diminutif d’Habitants, le surnom qu’on donnait autrefois au Club de hockey Canadien. Plusieurs personnes pensent encore, à tort, faut-il le préciser, que le « H » dans le logo de l’équipe est là pour rappeler ce surnom. Il a beau être prononcé à l’anglaise, comme on utilise Sens pour les Sénateurs d’Ottawa, le mot d’origine est bien issu de la langue française.

Quant au Allez! Canadiens Allez!, la STM en a manqué une. D’abord, je suis d’avis que l’opinion publique se serait rangée de son côté si elle avait défié l’OQLF et maintenu le Go! Habs Go!, parce que cette expression est consacrée. Ensuite, la STM aurait voulu offrir au public l’expression la plus terne et guindée pour encourager le Tricolore qu’elle n’aurait pas trouvé mieux. À la limite, elle aurait pu proposer Allez Montréal! en lui adjoignant la chanson Le but, de Loco Locass. Et pourquoi ne pas, tant qu’à y être, plonger dans la nostalgie en ramenant le traditionnel Les Canadiens sont là!, précédé ou non du fameux Halte-là!.

Vouloir trop protéger la langue, c’est parfois oublier qu’elle appartient aussi à celles et ceux qui la parlent. Ça, même l’OQLF devrait le savoir. Go ! Habs Go!


#LeProfCorrige

Dure semaine grammaticale pour les médias québécois. D’abord, chez ceux de Québecor :

Source : TVA Nouvelles

Dans l’article, dès qu’on clique sur une des icônes en forme de camion rouge, une fenêtre s’ouvre et le mot « Déchets » est transcrit avec un accent circonflexe sur le deuxième e.

Après les médias de Québecor, Radio-Canada, deux fois plutôt qu’une, a aussi fait preuve d’un manque de rigueur orthographique. Sur Internet :

Source : Radio-Canada.ca

Ici, on aurait dû lire « avait évoqué l’idée ». Le verbe évoquer conjugué au plus-que-parfait, comme c’est le cas dans ce passage de l’article, doit comprendre le participe passé et non l’infinitif.

Puis à la télévision, suite à la mort du pape :

Le mot « pontife » s’orthographie avec un e en finale. Lundi, c’est en l’absence de cette voyelle que le mot est apparu souvent et longtemps à l’écran.

La qualité du français dans les médias est un dossier beaucoup plus important qu’un Go ! Habs Go ! sur un écran d’autobus. L’OQLF devrait en prendre note.


Dans le cours de musique

Allez Montréal ! Parce que j’ai évoqué cette chanson plus haut, parce que le Canadien est en séries éliminatoires et que, tirant de l’arrière 2-0, il a besoin d’encouragements, parce que cette pièce de Loco Locass est excellente, parce qu’elle est purement québécoise et parce que, malgré l’absence de Go !, notre dialecte y est bien présent et bien mis de l’avant, voici Le but.

Loco Locass – Le but – Le but – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

À l’UQAM, Mélanie Côté-Cyr ne se contente pas d’étudier les protéines — elle les transforme en alliées de la guérison. Cette brillante doctorante en biochimie conçoit des hydrogels à base de protéines, capables de soutenir la régénération cellulaire et d’accélérer la cicatrisation des plaies. Grâce à des matériaux issus de bactéries probiotiques et à une touche d’ingéniosité, elle crée de véritables structures de soutien biologiques qui pourraient révolutionner les soins cutanés. Avec son laboratoire à la fine pointe de la recherche et un flair indéniable pour l’innovation, Mélanie tisse déjà, molécule par molécule, un avenir plus doux pour nos blessures.

Mais elle ne s’arrête pas là ! Entre deux tests en laboratoire, elle rêve aussi à des applications environnementales : et si ces mêmes nanomatériaux pouvaient servir à nettoyer la planète, en dégradant des polluants comme les microplastiques ? De la santé humaine à celle de la Terre, il n’y a qu’un peptide de distance. La science, quand elle est portée par des esprits aussi curieux qu’engagés, a décidément le don de faire du bien sur toute la ligne.


Billet du 18 avril 2025 : Panem et circenses

En ce week-end de Pâques, pendant que plusieurs se régalent de chocolat et d’un peu de repos bien mérité, je me pose une question douce-amère : que reste-t-il de notre engagement citoyen, quand la démocratie doit s’effacer poliment devant un match de hockey ?

L’expression latine panem et circenses — du pain et des jeux — provient d’un poème satirique de Juvénal, écrit au IIe siècle. Elle dénonçait la manière dont les dirigeants romains parvenaient à maintenir la paix sociale : en donnant au peuple de quoi manger et de quoi se divertir, on détournait son attention des enjeux politiques. Cette logique, vieille de près de deux millénaires, n’a rien perdu de sa pertinence. Elle s’exprime aujourd’hui sous des formes bien plus sophistiquées : consommation de masse, réseaux sociaux omniprésents, compétitions sportives mondialisées et divertissements en continu. Pendant ce temps, les enjeux profonds — inégalités sociales, crise climatique, précarité du travail — peinent à occuper l’espace public.

En Amérique du Nord, la primauté du divertissement est particulièrement marquée. Les grandes ligues sportives, comme la NFL et la LNH, génèrent des passions collectives si intenses qu’elles éclipsent souvent les débats politiques les plus fondamentaux. Au Canada, le hockey occupe une place symbolique dans l’imaginaire collectif. Parallèlement, notre filet social, aussi imparfait soit-il, joue parfois le rôle du pain : tant qu’un confort minimal est maintenu, la pression pour un changement structurel demeure limitée. Pourtant, des crises majeures, comme celle du logement ou l’épuisement du personnel dans les services publics, exigeraient une mobilisation citoyenne bien plus soutenue.

Au Québec, cette dynamique prend une forme singulière. L’identité québécoise, nourrie par une histoire particulière, est portée par des symboles affectifs puissants. Le Canadien de Montréal n’est pas qu’un club de hockey : c’est un repère culturel, un point d’ancrage transgénérationnel. Nos nombreux festivals, notre vie culturelle foisonnante et nos événements publics constituent des fiertés légitimes. Mais ces moments de célébration peuvent aussi agir comme des circenses modernes : ils créent un sentiment collectif d’appartenance et de satisfaction, sans nécessairement favoriser la réflexion sur les défis structurels que nous avons tendance à repousser — comme le sous-financement chronique des écoles, les tensions autour de la langue française ou les enjeux liés à l’intégration des nouveaux arrivants.

Un fait récent illustre bien ce glissement : en pleine campagne électorale fédérale, le débat des chefs en français a été devancé de deux heures afin de ne pas entrer en concurrence avec un match du Tricolore. Cette décision soulève une question troublante : que dit-elle de nos priorités collectives ? Quand le calendrier démocratique s’ajuste à celui du sport professionnel, n’y a-t-il pas lieu de s’interroger ? Sommes-nous, comme les citoyens de la Rome impériale, trop absorbés par nos écrans, nos spectacles et nos passions sportives pour demeurer vigilants à l’égard de ceux qui gouvernent ? À l’heure où plusieurs démocraties vacillent, il est plus que jamais nécessaire de résister à la tentation du confort intellectuel, et de réaffirmer l’importance de la participation citoyenne dans la vie publique. Ce déplacement du débat, justifié au nom de l’auditoire, a d’ailleurs suscité quelques contorsions verbales… La commission des débats des chefs a dû patiner un brin pour expliquer sa décision, et ce n’était pas sur la glace du Centre Bell.


#LeProfCorrige

Je suis convaincu que les titreurs de Radio-Canada connaissent la bonne orthographe du mot « accueil ».

Je suis cependant moins convaincu qu’ils savent bien se relire.


#musiquebleue

Quand j’étais adolescent, il fallait reculer jusqu’aux années 1930 pour trouver une chanson cinquantenaire. La musique et les paroles pouvaient exceller, mais il en était autrement de la qualité sonore de l’enregistrement, les technologies de l’époque étant alors en plein développement.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette semaine, l’album Si on avait besoin d’une cinquième saison, du groupe Harmonium, a célébré ses 50 ans. Il s’agissait, en 1975, d’une des premières incursions québécoises dans la musique progressive. Comme le reste de l’opus, la chanson Dixie a bien vieilli. Gâtons-nous !

Harmonium – Dixie – Si on avait besoin d’une cinquième saison – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

On a préféré perturber notre souper plutôt que le match du Canadien, mercredi, en devançant le débat des chefs, mais la Sainte-Flanelle a au moins remporté la victoire et ainsi assuré sa place en séries éliminatoires pour la première fois depuis 2021, alors qu’elle s’était rendue jusqu’en finale de la Coupe Stanley. Nous étions conscients à l’époque que c’était soit un heureux hasard, soit une conjonction astronomique remarquable. L’équipe possédait quelques bons joueurs, mais aucune profondeur. Carey Price, Shea Weber, Brendan Gallagher, Jake Evans et sûrement quelques autres jouaient en dépit d’importantes blessures et il était acquis que plusieurs éléments n’allaient pas revenir avec l’équipe l’année suivante.

Cette fois-ci, le Canadien a encore vu les portes se refermer in extremis derrière lui. Mais, contrairement à il y a quatre ans, ceci marque le début d’une longue période de succès pour la troupe de Martin St-Louis. Les joueurs sont jeunes, ils sont sous contrat pour longtemps, ils sont enthousiastes et ils ont faim. Est-ce que le précieux trophée de Lord Stanley reviendra sous peu dans la métropole québécoise, là où il s’est retrouvé 24 fois ? Peut-être. Peut-être pas. Quoi qu’il en soit, je demeure persuadé que le CH reprendra bientôt l’appellation depuis longtemps reléguée aux oubliettes : les Glorieux.


Billet du 4 avril 2025 : Entre mots et monuments

Cette semaine, La Presse publiait un article intitulé Un portrait inédit des fautes de français.1 On y découvre les résultats d’une analyse menée à partir de l’épreuve ministérielle d’écriture de 6e année, tenue en juin dernier. Un millier de copies ont été étudiées pour dresser un portrait fidèle des erreurs les plus courantes chez les jeunes Québécois.

Sans surprise, les fautes les plus fréquentes concernent la graphie des mots (anfent, actualitée), les accords en nombre ou en genre, ainsi que les erreurs liées aux pronoms sujets (tu pourraient, on aurais). Plus de 87 % des élèves ont commis au moins une faute d’orthographe lexicale, et 70 % ont rédigé un texte d’environ 300 mots, ce qui représente un bel effort à cet âge.

Mais ce que soulignent les spécialistes consultés dans l’article, c’est que ces erreurs ne sont pas nécessairement le signe d’un effondrement de la qualité du français. Bien au contraire. Elles révèlent surtout un manque de pratique, une exposition inégale à la langue écrite et un accès inconstant aux outils de référence (dictionnaires, grammaires, Bescherelle).

Il appartient aussi aux familles, aux adultes et à l’ensemble des milieux fréquentés par les jeunes de valoriser la langue écrite. Lire à haute voix, encourager l’écriture à la maison, prendre le temps de relire un message avant de l’envoyer, modéliser une attitude respectueuse envers la qualité du français — tous ces gestes quotidiens comptent. Ils créent un contexte où la langue n’est pas seulement un objet scolaire, mais un outil de communication soigné et partagé.

Réviser ce qu’on écrit devrait devenir une norme sociale, pas un geste réservé aux seuls examens. Tant que les fautes seront perçues comme sans importance en dehors de l’école, le message envoyé aux jeunes sera contradictoire : on leur demande la rigueur à l’école, mais on banalise les écarts partout ailleurs. La cohérence sociale est essentielle si l’on veut que l’écriture reste un outil de crédibilité, de clarté… et de citoyenneté.

1 Larin, Vincent. Un portrait inédit des fautes de français. La Presse, Montréal. Le 2 avril 2025.


Dans le cours d’univers social
Volet éducation à la citoyenneté

Il y a plusieurs années, je dirigeais un site de nouvelles sur Internet. À chaque élection, l’équipe et moi préparions un résumé des engagements électoraux des partis politiques, pour chacun des thèmes de la campagne. Sur un blogue hebdomadaire que je gère en solo, je suis heureux de constater que je n’aurai pas à me taper tout ce travail, puisque le quotidien Le Devoir nous offre ce service dans le cadre de la présente élection fédérale. La page est actuellement bien garnie, mais incomplète, car elle se bonifiera au fur et à mesure que les partis procéderont à leurs annonces.

Je dépose ici le lien pour y accéder.

Comparez les promesses des partis aux élections fédérales 2025 – Le Devoir


Dans le cours de musique

Le groupe saguenéen Blanc Dehors revient en force avec Diaphane, un album à la fois vaporeux et percutant, où les échos de la cold wave et du post-punk se teintent d’une poésie brute et lumineuse. Fidèle à son esthétique sombre et rêveuse, le quintette y explore les zones floues de l’existence. La pièce Nuit dense, en particulier, incarne à merveille cette tension avec la voix éthérée de Caroline Tremblay. Diaphane confirme que Blanc Dehors s’impose désormais dans le paysage musical québécois.

Blanc Dehors – Nuit dense – Diaphane – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Et si la technologie devenait un pinceau pour retoucher les merveilles du passé ? C’est exactement ce que proposent certains artistes et entreprises, comme Studio Drift, en alliant drones, savoir-faire et amour du patrimoine. Grâce à ces innovations, des monuments emblématiques comme la Sagrada Familia en Espagne, l’abbaye de Whitby en Angleterre ou même le Colisée à Rome retrouvent des fragments perdus de leur splendeur d’origine. Les drones capturent les moindres détails architecturaux, permettant des reconstitutions numériques ou physiques d’une précision étonnante. Loin d’être de simples gadgets, ces outils deviennent des alliés sensibles au service de la mémoire collective.

Ce mariage entre art et technologie ne se contente pas de préserver : il émerveille. En reconstituant les éléments manquants avec grâce, ces projets nous offrent une nouvelle façon d’admirer les chefs-d’œuvre du passé, tout en respectant leur histoire. C’est une invitation à voyager dans le temps, à travers des expériences visuelles qui nourrissent l’imaginaire. Une belle preuve que l’innovation, lorsqu’elle est guidée par la beauté et la culture, peut illuminer le monde avec douceur et justesse.