Billet du 27 décembre 2024 : Journal de vacances des Fêtes (1er de 2)

En cette période des Fêtes, propice aux retrouvailles et aux discussions animées autour de la table, il est difficile de ne pas remarquer à quel point les divergences d’opinions peuvent parfois créer des tensions. Les conversations qui autrefois étaient constituées d’échanges légers sur l’actualité semblent aujourd’hui s’embraser plus rapidement, alimentées par des opinions tranchées et des visions du monde de plus en plus polarisées. C’est dans ce contexte que la lecture de « Qui fait l’opinion ? » d’Antoine Bristielle s’avère particulièrement pertinente. 1

Dans son plus récent essai, Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès, met en lumière une réalité paradoxale : alors que les réseaux sociaux promettent de nous connecter davantage, ils jouent en fait un rôle majeur dans la division et l’enfermement idéologique. L’auteur explore l’idée que nos opinions préalables façonnent notre manière de nous informer, créant des « bulles » confortables qui nous exposent uniquement à des contenus qui renforcent nos croyances existantes. Bristielle souligne que cette dynamique est amplifiée par un paysage médiatique éclaté, où chacun peut trouver un écho à ses convictions, souvent de manière très tranchée.

L’essai dissèque deux formes de polarisation devenues omniprésentes : idéologique et affective. Si la première est marquée par des idées de plus en plus radicales, la seconde s’exprime par un rejet croissant des individus ayant des opinions divergentes. Selon Bristielle, cette polarisation affective est particulièrement préoccupante : même si les idées ne deviennent pas toujours extrêmes, les citoyens s’identifient de plus en plus à leur « camp », ce qui les pousse à rejeter en bloc toute idée ou proposition émanant du camp opposé. Ce phénomène, qui transforme les adversaires politiques en ennemis, constitue une menace directe pour la stabilité démocratique.

Bristielle offre également une analyse fine du rôle des médias dans cette fragmentation sociale. Il montre que si les réseaux sociaux exacerbent la polarisation affective en créant des « silos », la polarisation idéologique est souvent alimentée par les chaînes d’information en continu. Ces dernières, à travers leur traitement incessant de faits divers, donnent parfois une vision biaisée et alarmiste de la société. L’auteur plaide ainsi pour une réflexion globale sur la responsabilité des médias, tout en rappelant que des facteurs plus profonds — inégalités croissantes, crises écologiques et sociales — alimentent également ces tensions.

Alors que nous nous apprêtons à accueillir une nouvelle année, cette lecture rappelle que les débats d’idées enrichissent nos relations lorsqu’ils permettent à chaque personne de s’exprimer librement. Prendre le temps d’écouter, sans chercher à convaincre à tout prix, favorise des échanges plus ouverts et sincères, même lorsque les points de vue divergent.

1 Bristielle, Antoine. Qui fait l’opinion ? Paris, La Découverte, 2024.


Sur mes écrans

Quelle est votre publicité télévisée préférée, en ce temps des Fêtes 2024 ?

Le communicateur Luc Dupont, dans son infolettre, y est allé de son propre palmarès. Dans le lot, des habitués, comme IGA, Coca-Cola et les Producteurs de lait du Québec, mais aussi des nouveaux venus, comme Amazon.

La curiosité vous démange et vous voulez voir son classement, visionner les publicités ? Comme un cadeau, ouvrez l’infolettre !

L’infolettre marketing de Luc Dupont – Le 12 décembre 2024


Dans mes écouteurs

Ils sont trois, dont Michel Faubert, membre des Charbonniers de l’enfer. Ils sont originaires de la région de Lanaudière et ils donnent dans la musique traditionnelle québécoise. À quelques jours du début de la Nouvelle Année, ce trio émergent est tout désigné pour offrir la dernière #musiquebleue de 2024. Ils sont Garçons à marier et leur premier album s’intitule La dot. La pièce a pour titre Mon grand-père aux allumettes.

Garçons à marier – Mon grand-père aux allumettes – La dot – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Voici l’histoire inspirante de Noah, un garçon multihandicapé qui a trouvé une famille aimante après des années de défis. Retiré d’un milieu familial toxique par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), Noah a passé la moitié de sa vie au Centre de réadaptation Marie-Enfant. En décembre 2021, Isabelle Gauthier, touchée par un article intitulé « Un miracle pour Noah », a décidé de l’adopter.2 Grâce à l’éducatrice Amélie Tremblay, Noah avait déjà fait des progrès significatifs, mais il avait besoin d’une famille pour continuer à évoluer.

Après deux ans de recherche infructueuse pour trouver une famille adoptive, l’article de 2021 a contribué à lancer un appel à l’aide. Madame Gauthier, émue par l’histoire de Noah, a décidé de lui offrir un foyer. Aujourd’hui, Noah vit avec sa nouvelle famille, où il continue de progresser et de recevoir l’amour et les soins dont il a besoin. Cette histoire est un témoignage poignant de la puissance des rencontres fortuites et de la bonté humaine.

2 Gagnon, Katia. Le miracle est arrivé. La Presse, Montréal. Le 26 décembre 2024.


Billet du 20 décembre 2024 : Aller marcher dans la neige

Au cours de la dernière semaine, dans les médias, on a beaucoup fait référence, en suggestion ou en prédiction, à la marche dans la neige que devrait faire Justin Trudeau dans un avenir rapproché. D’où vient cette métaphore de marche dans la neige, en politique ?

Elle tire son origine du père du principal intéressé, Pierre Elliott Trudeau, il y a précisément 40 ans. À l’hiver 1984, alors en réflexion quant à son avenir politique, Trudeau père s’était offert une longue randonnée en solitaire dans les rues d’Ottawa, sous une intense averse de neige. C’est au retour de cette promenade qu’il annonçait sa démission comme premier ministre et chef du Parti libéral du Canada.

Au plus bas dans les sondages depuis un bon moment, le fils est maintenant plongé dans une crise politique sans précédent, accentuée par l’abdication de sa ministre des Finances, la veille d’un important énoncé économique. D’aucuns lui suggèrent maintenant d’aller marcher dans la neige.


Un autre élément ayant largement contribué à fragiliser le leadership de Trudeau est l’entrée en poste prochaine du président américain élu, Donald Trump. Après avoir menacé le Canada de lui imposer des tarifs de 25 % sur toutes ses exportations s’il ne sécurisait pas ses frontières, Trump s’est ensuite mis à suggérer que nous devenions le 51e État américain et en qualifie déjà Trudeau de « gouverneur ». Le message ci-dessous a été publié sur Truth Social, le réseau social de Trump, dans la nuit du 17 au 18 décembre derniers. Il s’agissait du troisième sur le sujet que Trump diffusait. Il est ici traduit en français.

Premièrement, Trump écrit 100 millions de dollars alors qu’il martèle 100 milliards lorsqu’il s’adresse aux médias. L’écart est énorme. Ensuite, est-il vrai que nous paierions moins d’impôts et que nous bénéficierions d’une meilleure protection militaire ? Oui, assurément. Et on peut même avancer sans trop de risques de se tromper que nos infrastructures routières s’en trouveraient améliorées et que le passage au dollar américain s’avérerait avantageux.

D’un autre côté, devenir le 51e État américain entraînerait pour le Canada une série de changements profondément négatifs : la perte complète de notre souveraineté et de notre voix distincte sur la scène internationale, le démantèlement probable de notre système de santé universel au profit d’un modèle privatisé à l’américaine, l’érosion accélérée de notre identité culturelle unique (particulièrement pour le Québec et les communautés francophones), l’abandon du contrôle de nos vastes ressources naturelles, l’obligation d’adopter des lois américaines moins strictes en matière d’armes à feu et de protection environnementale, la fin de notre politique d’immigration indépendante et généralement plus ouverte, la nécessité d’assumer une part de l’importante dette nationale américaine, l’émergence probable de tensions sociales majeures (notamment au Québec et dans les communautés autochtones, dont les droits pourraient être menacés), et la perte du contrôle direct sur nos territoires arctiques stratégiques.

Le nombre d’inconvénients dépassant largement les quelques avantages, j’attends de moins en moins patiemment qu’une personnalité politique canadienne se décide de dire à Trump d’aller se faire cuire un œuf. Fidèle à ce qu’il est dans ses relations, je présume qu’il les aime brouillés.


Dans le cours de musique

Claude Gauthier a donné au Québec de magnifiques chansons. À l’âge vénérable de 85 ans, il nous offre un mini-album de quatre chansons originales, Je reviendrai à Noël. En voici la pièce-titre.

Claude Gauthier – Je reviendrai à Noël – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Une excellente nouvelle vient d’être annoncée sur le front de la lutte contre les changements climatiques au Canada : les émissions de gaz à effet de serre du pays ont atteint leur plus bas niveau en 27 ans, exception faite de la période pandémique. Cette réduction significative, qui place désormais les émissions sous la barre symbolique des 700 millions de tonnes, représente une amélioration de 8,5 % par rapport aux niveaux de 2005, dépassant ainsi largement les projections initiales qui prévoyaient plutôt une augmentation des émissions d’ici 2030.

Cette tendance encourageante est particulièrement remarquable dans le secteur des sources de combustion fixes, incluant la production d’électricité et le chauffage, qui a enregistré une baisse impressionnante de 5 millions de tonnes en 2023. Ces résultats démontrent que les efforts collectifs et les politiques environnementales commencent à porter leurs fruits, ouvrant la voie vers un avenir plus durable pour les générations futures. Le Canada prouve ainsi qu’il est possible de renverser la vapeur et de progresser concrètement vers ses objectifs climatiques, même si le chemin reste encore long vers la cible ambitieuse de réduction de 45 à 50 % d’ici 2035.


🎄✨ Joyeux temps des Fêtes ! ✨🎄

Alors que la magie de Noël illumine nos cœurs et nos foyers, je tiens à vous adresser mes vœux les plus chaleureux pour des Fêtes empreintes de joie, de douceur et de moments précieux avec vos proches. Que cette période soit pour vous une pause bien méritée, remplie de rires, de gourmandises et de sérénité.

Pour celles et ceux qui profiteront de vacances, je vous souhaite un repos ressourçant et des instants de bonheur simple. Prenez soin de vous, savourez chaque moment, et revenez en pleine forme pour la suite de nos rendez-vous hebdomadaires !

À très bientôt,

Jean-Frédéric


Billet du 13 décembre 2024 : L’héroïne improbable du téléphone

Dans le vaste océan de la fraude téléphonique où des dizaines de millions d’appels malveillants sont passés quotidiennement, dérobant des montants astronomiques aux victimes, émerge une héroïne aussi inattendue qu’ingénieuse : Daisy Harris, une grand-mère virtuelle façonnée par l’intelligence artificielle. Créée par l’opérateur britannique Virgin Media O2, cette redoutable manipulatrice technologique n’a ni écusson ni pouvoir réel, mais une arme redoutable — une patience infinie et un bavardage aussi sinueux que déconcertant. Avec son accent britannique charmeur et ses anecdotes sur son chat Fluffy, elle piège les fraudeurs dans des conversations interminables, leur faisant perdre un temps précieux et les empêchant momentanément de cibler d’autres victimes potentielles.

Bien que Daisy ne représente qu’une goutte d’eau face à l’immense marée de la cybercriminalité, elle symbolise une riposte créative et prometteuse. Sa mission dépasse la simple contrattaque : elle est une messagère de prévention, rappelant que dans l’ère numérique, rien n’est jamais tout à fait ce qu’il paraît. En Grande-Bretagne, plus d’un millier de fraudeurs ont déjà été confrontés à son stratagème, perdant en moyenne 40 minutes dans un dialogue aussi absurde que chronophage. Et si Daisy n’est qu’un prototype, elle ouvre la voie à une nouvelle génération d’outils intelligents qui transformeront chaque conversation piégée en un petit acte de résistance contre la fraude.

Virgin Media O2, j’aime ta grand-mère.


Dans le cours de français

L’histoire littéraire regorge d’anecdotes savoureuses, et celle de la dictée de Prosper Mérimée en est une. Selon la légende, l’écrivain français aurait composé un texte particulièrement alambiqué pour mettre à l’épreuve l’orthographe de Napoléon III et de sa cour. Ce repas aurait été le théâtre d’une véritable compétition orthographique, où les homophones et les tournures complexes auraient semé la confusion parmi les convives. Bien que cette histoire soit largement répandue, il est difficile de vérifier son authenticité. L’absence de preuves formelles laisse planer le doute sur la réalité de cet événement, bien que de nombreuses sources l’évoquent. Néanmoins, cette anecdote continue de fasciner et demeure un excellent prétexte pour s’amuser avec les subtilités de la langue française.

Que la dictée de Mérimée soit un fait avéré ou une simple légende, elle a laissé une trace indélébile dans la culture populaire. Elle est souvent citée en exemple pour illustrer les pièges de l’orthographe française et continue d’être utilisée dans les écoles pour entraîner les élèves. Au-delà de son aspect ludique, cette histoire nous rappelle l’importance de la maîtrise de la langue et l’éternel défi que représente l’orthographe, même pour les plus grands.

Voici le texte, bien réel, de la dictée qui aurait été attribuée à Mérimée :

Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient, et quelque exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie, et l’imbécillité du malheureux s’accrut.

– Par saint Martin ! Quelle hémorragie ! s’écria ce bélître. À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière.

Qui relèvera le défi durant le temps des Fêtes ?


Dans le cours d’univers social
Volet histoire

Voici une publicité imprimée datant de 1948 :

Trois quarts de siècle plus tard, on peut affirmer qu’aucune de ces affirmations ne s’est avérée. Et 2024, au Québec, constitue un retour vers le futur.


Dans le cours de français, deuxième période

Voici une petite devinette :

Qui suis-je ?

Je commence la nuit, je termine le matin, on me voit deux fois dans l’année et une fois dans la semaine.

Réponse après la bonne nouvelle de cette semaine.


Dans le cours de musique

Mathieu Bourret est un pianiste, compositeur, médiateur et improvisateur. Il est reconnu pour sa personnalité unique et son talent d’improvisateur. Sa musique est décrite comme étant organique et cinématographique, et il est connu pour créer des liens précieux avec son public.

Il y a deux ans, il nous offrait un premier album instrumental de Noël, Illumination. Il récidive cette année avec Illumination II. De ce plus récent album, voici Prélude — L’enfant au tambour.

Mathieu Bourret – Prélude-L’enfant au tambour – Illumination II – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Une excellente nouvelle pour les personnes âgées, souvent sujettes aux fractures de la hanche, vient de voir le jour grâce à une entreprise marseillaise. Indienov a développé une ceinture innovante contenant un coussin gonflable qui se déclenche automatiquement en cas de chute, protégeant ainsi les hanches et réduisant considérablement le risque de fractures. Cette technologie détecte les affaissements soudains et active le coussin gonflable pour amortir l’impact, offrant une solution révolutionnaire à un problème de santé publique majeur.

En plus de protéger physiquement les utilisateurs, cette ceinture intelligente alerte également les proches ou les services de téléassistance en cas de chute, permettant une intervention rapide. Cette avancée française promet de transformer le quotidien de nombreuses personnes âgées, leur offrant une sécurité accrue et une tranquillité d’esprit précieuse.


Réponse à la devinette : il s’agit de la lettre n.


Billet du 6 décembre 2024 : Marqué à vie

Le 6 décembre 1989. Je me souviens d’à peu près tout ce que j’ai fait ce jour-là. Je me souviens d’un lendemain de tempête qui avait laissé une forte accumulation au sol. Je me souviens d’un mercure qui avait ensuite considérablement chuté. Je me souviens être allé chercher une amie sur la Rive-Sud. Nous devions aller dîner avant de rejoindre d’autres amis, avec qui nous allions assister à un spectacle en soirée. Des billets que nous possédions depuis le mois d’avril.

Le dîner n’avait finalement pas eu lieu. Pas comme prévu, en tout cas. En me rendant chez mon amie, j’avais dû passer par une intersection à travers laquelle un chasse-neige avait laissé une imposante bande de neige, durcie par le froid intense. Dans ma jeune vingtaine impatiente de l’époque, j’avais choisi de foncer, plutôt que d’attendre. Le silencieux de ma Plymouth Horizon grise y était resté. Le garage s’était donc substitué au restaurant prévu ce midi-là.

En début de soirée, nous étions une dizaine d’amis dans un bar du Complexe Desjardins, quand la radio a commencé à annoncer que des coups de feu auraient été entendus à l’École Polytechnique de Montréal, comme on l’appelait à l’époque. La nouvelle avait capté notre attention, mais était passée au second plan quand était venu le temps de vider nos verres pour enfiler nos manteaux et nous diriger vers le lieu de notre souper-spectacle.

Nous nous y étions amusés. Nous avions ri et festoyé, sans savoir l’horreur qui se déroulait à huit kilomètres d’où nous nous trouvions.


L’irréel pour nous était survenu en fin de soirée, quand nous retournions chacune et chacun chez nous. Personnellement, je conduisais ma voiture (dotée d’un silencieux tout neuf) avec un ami à mes côtés. J’allais le déposer chez lui, à une trentaine de kilomètres du centre-ville de Montréal. Une distance que nous avions parcourue en étant branchés sur les ondes de CKAC. Nous avions alors réalisé, avec une consternation certaine, que tout le Québec était au courant de ce qui était survenu, sauf nous. Les commentaires radiophoniques ne précisaient aucun détail, les auditeurs les connaissant déjà. Quand mon ami était descendu de mon véhicule, après trois quarts d’heure de route, tout ce que nous avions réussi à savoir, c’était qu’il y avait eu fusillade, que cette fusillade avait fait plusieurs victimes, et que le crime avait une connotation sexiste. Nous commencions à réaliser l’horreur, mais pas son ampleur.


J’étudiais le droit, à l’époque, avant de bifurquer vers l’enseignement. À partir du moment où je me suis retrouvé titulaire d’une classe, quelques années après le drame, il ne s’est pas trouvé un seul début décembre, jusqu’en 2022, sans que j’en parle à mes élèves. En 2023, nous étions en grève. Cette année, j’apprivoise mon nouveau rôle de conseiller pédagogique, sans élèves. Ce devoir de mémoire incombe à tous les enseignants de groupes d’élèves en âge de comprendre.

À travers ces années, plusieurs de mes élèves se sont exprimés de brillante façon sur le sujet. Beaucoup d’opinions, de questions pertinentes, mais aussi de liens marquants. Le témoignage m’ayant le plus touché est celui d’Antoine, un élève que j’ai eu il y a une vingtaine d’années. Deux parents ingénieurs. Son père, alors étudiant, faisait partie des jeunes hommes qui avaient été chassés de la classe des victimes par le tireur, Marc Lépine. Sa mère, également étudiante, devait se trouver dans ce cours. Elle avait toutefois choisi de s’en absenter pour préparer un examen prévu le lendemain. Si elle avait pris une autre décision, Antoine n’aurait peut-être jamais vu le jour.


Nathalie Provost est une des victimes ayant survécu aux balles du tireur. Dès le lendemain, elle avait donné un point de presse à partir de son lit d’hôpital. Un courage qui l’honore, mais pas autant que son engagement, depuis 35 ans, pour le contrôle des armes à feu au Canada.

Depuis le drame de Polytechnique, le contrôle des armes à feu au Canada est resté une question vive et controversée. La tragédie a mené à la création du registre des armes d’épaule en 1995, un pas significatif vers une meilleure réglementation. Toutefois, son abolition en 2012, sous Stephen Harper, a ravivé les tensions, opposant sécurité publique et droits des propriétaires d’armes. Ces dernières années, des mesures plus strictes, comme l’interdiction des armes d’assaut, ont été adoptées pour répondre à des fusillades tragiques et à une mobilisation citoyenne accrue. Jeudi dernier, le 5 décembre, le gouvernement de Justin Trudeau a ajouté 324 marques et modèles uniques d’armes à feu de style arme d’assaut à la liste des armes interdites au Canada. Cette interdiction s’inscrit dans une stratégie visant à empêcher la prolifération d’armes adaptées pour des usages dangereux tout en promettant de protéger les droits des chasseurs responsables.

Malgré tout, 35 ans après Polytechnique, le débat demeure polarisé, témoignant de la complexité d’instaurer un consensus durable sur cette question. Il est étonnant de constater que la perte d’un nombre important de vies humaines ne suffit justement pas à établir un consensus.



Dans le cours de musique

Parmi tout ce qui représente pour moi le temps des Fêtes, il y a Ciné-cadeau, à Télé-Québec. Avec cette tradition qui nous revient chaque mois de décembre, Télé-Québec réalise quotidiennement ce que la dinde sur la table fait à Noël : réunir la famille. Nouveauté cette année, JS Houle et FouKi nous offrent une chanson hommage à ce grand classique annuel. Ça commence ce samedi 7 décembre.

JS Houle et FouKi – Le plus beau moment Ciné-cadeau – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Samuel Benastick, un jeune homme de 20 ans, a survécu 50 jours dans des conditions extrêmes après s’être perdu lors d’une expédition de camping dans le parc provincial Redfern-Keily en Colombie-Britannique. Parti seul le 7 octobre, il a été retrouvé par des travailleurs de l’industrie pétrolière après avoir bravé des températures descendant jusqu’à -20 °C. Grâce à sa détermination et à ses compétences en survie, il a construit un abri et trouvé des moyens de subsister malgré les conditions hostiles. Cette histoire inspirante démontre la résilience humaine et l’importance de l’espoir et de la solidarité, illustrée par les efforts des bénévoles qui ont participé aux recherches.