Billet du 24 novembre 2023 : Journal de grève, 1re semaine

Depuis que j’ai démarré ce blogue, en février 2020, on peut y lire mes billets hebdomadaires, mes journaux de vacances d’été et mes journaux de vacances des Fêtes. Voici mon premier journal de grève.

Contrairement à mes journaux de vacances, dont je connais d’avance le nombre et les dates de publication, j’ignore complètement à quel moment je cesserai la publication de mes journaux de grève pour reprendre mes billets périodiques, ce débrayage dans lequel nous sommes entrés se réclamant général et illimité.

Allons-y donc une semaine à la fois !


À la manifestation
(Clin d’œil aux Cowboys Fringants)

Combien étions-nous à Montréal, hier, 23 novembre ? Au moment où j’écris ces lignes, j’attends toujours qu’un média s’avance sur les chiffres. Les images diffusées impressionnent, cependant.

La mobilisation est grande. En vingt-huit ans d’enseignement, j’ai vécu quelques journées de grève, bien réparties à travers les années. Chaque fois, même si une majorité de membres du syndicat votaient pour l’arrêt de travail, plusieurs choisissaient l’option inverse. Cet automne, sur une proposition de grève générale illimitée, c’est avec une quasi-unanimité que les 12 syndicats affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ont voté en faveur.

Hier, le premier ministre a offert de bonifier l’offre salariale aux enseignants, à condition que nous démontrions plus de flexibilité dans les conventions collectives. Par plus de flexibilité, il entend de ramener à la convention nationale un des éléments les plus importants des conventions locales, soit les affectations dans les écoles. Ceci dans le but d’éviter des situations comme lors des dernières rentrées scolaires, alors que plusieurs centaines de postes d’enseignants n’étaient pas pourvus. Le gouvernement imposerait alors de tenir les affectations en mai ou en juin, plutôt qu’en août.

Le problème est que les affectations se tiennent déjà en mai. Si les centres de services scolaire ont été obligés d’en instaurer une autre en août, de moindre envergure, c’est parce que cette dernière est rendue nécessaire à la suite de changements survenus en été, notamment par des ouvertures de classes faisant suite à des déménagements ou des révisions de zones de desserte. Oui, il est vrai que des enseignantes ou enseignants permanents peuvent damer le pion à des collègues à statut précaire lors de l’affectation d’août, ce qu’ont dénoncé Gaétan Barrette et Marc-André Leclerc lors de l’émission La Joute, à TVA1. Toutefois, je précise ici que, n’en déplaise aux panélistes de La Joute, qui hier ont erré dans plusieurs de leurs propos, l’ancienneté demeure le seul élément pouvant permettre aux titulaires d’améliorer leurs conditions en choisissant un milieu de travail qui leur convient. Contrairement à d’autres corps d’emplois, il est impossible en enseignement de négocier un meilleur salaire ou d’autres avantages avec son employeur.

Autre problème, l’offre salariale n’est qu’un des éléments de nos revendications. Et j’oserais ajouter que cet élément se voudrait négligeable, n’eût été la hausse astronomique du taux d’inflation, depuis la signature de notre dernière convention. L’élément le plus important de nos demandes concerne l’allégement de la tâche et l’aide professionnelle. Là-dessus, la ministre Sonia LeBel s’est montrée directe en affirmant que même si elle disposait des ressources financières nécessaires, le manque de main-d’œuvre l’empêcherait de donner suite à un potentiel engagement en ce sens. Nous en sommes conscients. Mais peut-on commencer dès maintenant à établir une structure qui, à plus long terme, ira dans cette direction ? Nous nous trouvons actuellement dans ce bourbier parce que les différents gouvernements qui se sont succédé ont fait la sourde oreille quand les premiers signaux d’alarme, et tous les suivants, ont été lancés. En toute chose, laisser aller un problème par souci d’économie résulte généralement en investissements majeurs dans des rénovations. C’est là où nous en sommes.

Enfin, pour tous les Mario Dumont de ce monde qui stipulent qu’une réponse favorable à nos demandes coûterait des milliards de dollars, je réplique qu’il en coûtera des dizaines de milliards avant longtemps si on n’agit pas maintenant. Nous en sommes aujourd’hui à plus de 40 % des nouveaux enseignants qui décrochent du milieu dans les cinq premières années de leur carrière, alors qu’un nombre de plus en plus grandissant de vétérans quittent également l’enseignement pour préserver leur santé physique ou mentale. Ajoutons que les facultés de l’éducation des universités québécoises se vident de plus en plus chaque année, quand 50 % des étudiants abandonnent après la première année et que 50 % de ceux qui restent abandonnent à leur tour après la deuxième 2. Si les investissements nécessaires ne sont pas effectués dès maintenant pour rendre la profession attrayante, on se dirige à toute vitesse vers un mur de béton.

Et je cite :

« Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ».

Abraham Lincoln

C’est l’avenir du réseau de l’éducation au Québec qui se joue actuellement. Rien de moins.

1 La Joute, TVA. Grève des enseignants: «Ça va se finir avec le « cash »». Le 23 novembre 2023.

2 Chartrand, Suzanne-G. Comprendre les causes de la pénurie d’enseignants. Le Devoir, Montréal. Le 13 novembre 2021.


Dans mes écouteurs

Le sentier de neige n’est pas la chanson du temps des Fêtes qui a le plus marqué la discographie québécoise, mais elle a très bien vieilli. D’abord interprétée par les Classels au milieu des années 1960, elle a été reprise dans plusieurs versions, toutes enregistrées au cours des quelques dernières années.

La dernière en lice est celle de Klô Pelgag. C’est elle que je vous propose cette semaine, en #musiquebleue.

Klô Pelgag – Le sentier de neige – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Vous aimez Foresta Lumina et Montréal en histoire ? Moi aussi !

Si certains investissements annoncés par le gouvernement du Québec peuvent paraître douteux, je considère que celui de 34 millions $ dans l’industrie numérique constitue une excellente nouvelle. Il s’agit d’un domaine en pleine expansion pour lequel le Québec possède toutes les chances de développer son expertise et de devenir un leader mondial.

Billet du 17 novembre 2023 : La tête haute

Chaque année, fin décembre, je visionne le reportage de Radio-Canada sur les grands disparus des 12 derniers mois. Des personnalités publiques qui meurent, il y en a fréquemment. Comment se fait-il que le décès de Karl Tremblay nous touche plus que les autres ?

Il y a d’abord son âge. C’est jeune, 47 ans. Et d’un autre côté, à 47 ans, on a eu le temps de bâtir beaucoup, de laisser sa marque, un héritage.

Ensuite, il y a l’émotion. Chez les Cowboys Fringants, c’est Jean-François Pauzé qui l’exprime avec des mots, mais c’est la voix unique de Karl Tremblay qui la transmet jusqu’à nos oreilles. Leurs chansons engagées manifestent les réalités quotidiennes d’une génération, celle des Y, bien senties le long d’un seul fil conducteur, l’humain. Ils ne chantent pas le Québec, ils chantent sa population. Celle qui était, celle qui est, celle qui sera. En ce qui me concerne, Les étoiles filantes s’affiche au sommet des plus belles chansons québécoises de tous les temps.

Finalement, il y a la famille, la fête. J’ai vu les Cowboys deux fois en spectacle. Avec eux, tout ce qui ressemble à un concert c’est le billet et le siège, qui ne sert pas longtemps. Parce que pour le reste, on entre dans un gros party de famille, mené allègrement par Karl. On n’a pas le temps d’avoir envie de devenir son ami, on se sent immédiatement comme un membre de sa garde rapprochée.

Mercredi, nous sommes plusieurs à avoir perdu un être cher. Un fils, un ami, un frère, c’est difficile à définir. Mais le deuil causé par ce départ reste très tangible.


Dans le cours de musique

C’est une #musiquebleue toute spéciale que je propose aujourd’hui. La chanson, loin d’être récente, est âgée de 15 ans. Écoutez bien les paroles. Des paroles de Jean-François Pauzé, chantées par Karl Tremblay.

Les Cowboys Fringants – La tête haute – L’expédition – #musiquebleue

Dans le cours de mathématiques

À moins d’un revirement majeur, c’est avec le statut de gréviste que j’écrirai mon prochain billet. Combien de temps cette grève générale illimitée durera-t-elle ? Personne ne le sait, mais je suis d’avis qu’il y a quelques élus et fonctionnaires québécois qui ont leur petite idée.

D’abord, chaque journée de grève des syndiqués de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) rapportera près de 21 millions $ à l’État québécois. Comment est-ce que j’en arrive à ce montant ? En date d’avril 2022 (je ne dispose pas de données plus récentes), le salaire annuel moyen d’un enseignant, au Québec, était de 62 820 $. En divisant ce montant par 200 jours travaillés, on obtient 314,10 $. C’est le montant moyen que le gouvernement récupérera pour chaque jour de grève d’un enseignant affilié à la FAE. Multiplions maintenant ces 314,10 $ par 65 500 syndiqués et on obtient 20 573 550 $.

Si on ajoute les 87 000 membres affiliés à la FSE-CSQ, on approche les 50 millions $ récupérés quotidiennement, uniquement avec les enseignants. À cela, il faut aussi additionner le personnel non enseignant et les autres membres du front commun, peu importe le domaine dans lequel ils œuvrent.

On l’a vu plus d’une fois dans le passé, l’écart entre la dernière offre gouvernementale rejetée et celle finalement acceptée correspondait à l’argent récupéré lors des journées de grève entre les deux. Est-il possible que quelqu’un, quelque part, ait déjà calculé le montant à recouvrer et planifié le nombre de journées de grève nécessaire avant d’y aller avec une offre que les syndicats approuveront ?

Vos conclusions valent les miennes.


Dans le cours de français

Un de mes élèves a déniché une faute dans le titre d’une nouvelle sur le site de TVA.

#LeProfCorrige

Ici, on aurait dû lire substance inconnue, avec la marque du féminin à l’adjectif. Le nom substance étant féminin, il doit donner ce genre aux mots qui s’y rapportent.


La bonne nouvelle de cette semaine

J’ai résisté à la tentation durant deux semaines, mais j’en fais finalement ma bonne nouvelle. L’intelligence artificielle, lorsqu’utilisée à bon escient, peut produire des choses fantastiques. C’est ainsi qu’en 2023, les Beatles ont lancé une nouvelle chanson. Et sur le vidéoclip, on retrouve les quatre membres originaux, y compris les deux qui sont décédés.

C’est donc avec joie que je diffuse ici Now And Then, une chanson des Beatles de 15 ans la cadette de celle des Cowboys Fringants que je vous présentais plus haut, en #musiquebleue !


Billet du 10 novembre 2023 : Somnambule, bulletins, tintamarre

Court billet, cette semaine, bulletins obligent. La situation se présentera de nouveau en mars et en juin. Si on ajoute la première communication en octobre, c’est quatre bulletins scolaires, trois officiels, qui sont émis dans une année. C’est un de trop.

C’est bien pour les parents de pouvoir recevoir aussi fréquemment des rapports sur l’évolution de leur enfant. Mais qui dit bulletins dit aussi évaluations. Et avec 11 compétences disciplinaires à évaluer à chaque bulletin du primaire, il en faut des examens et des travaux pour y parvenir, si on considère que moins de trois notes par compétence ne donnent rien d’éloquent. Compte tenu du fait qu’on n’évalue à peu près rien en septembre, il reste très peu de temps pour la première communication d’octobre et le bulletin de novembre.

Les évaluations causent un stress important à plusieurs élèves. Plus leur nombre est grand et concentré dans le temps, plus c’est difficile pour ces enfants. Ajoutons que tout ce temps consacré aux évaluations ampute une même durée à l’enseignement. Et pour l’enseignant, ceci fait une totale abstraction du temps passé à corriger qui, la plupart du temps, se passe hors du temps de travail qui lui est reconnu.

L’idéal serait une année scolaire à deux bulletins officiels, soit un à la mi-année, vers le 20 janvier, et un à la fin de l’année, vers le 25 juin. Avec une première communication en novembre, tout le monde y trouverait son compte, y compris la pertinence.


Dans le cours de français

On lègue par testament. Une génération lègue aux générations suivantes. Mais quand un premier ministre laisse sa marque, qu’est-ce qu’il lègue ? Le chef d’antenne Hadi Hassin s’est posé la question, cette semaine, à propos de Justin Trudeau. Il a commis une faute d’orthographe dans sa publication. Il s’en est aperçu, s’en est excusé et a tenté de se reprendre. L’ennui, c’est que sa correction comporte elle aussi une orthographe erronée.

#LeProfCorrige

Ce n’est ni un lègue ni un lègs. C’est un legs.


Dans le cours de musique

Sept mois plus tard, Alexandra Stréliski réédite son album Néo-Romance, en y ajoutant deux pièces. Je vous sers l’une des deux, Umbra, en guise de #musiquebleue.

Alexandra Stréliski – Umbra – Néo-Romance (version augmentée) – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

En 2021, l’auteur québécois Kevin Lambert était en lice pour le prix Médicis grâce à son roman Tu aimeras ce que tu as tué. Cette année, avec Que notre joie demeure, on l’a considéré pour le Goncourt. Dans les deux cas, on a préféré d’autres oeuvres.

En mêlant les cartes, on a cependant composé la combinaison gagnante : 2023, Que notre joie demeure, prix Médicis !

Kevin Lambert devient le troisième Québécois, après Marie-Claire Blais et Dany Laferrière, à se voir offrir cette prestigieuse reconnaissance.


Image en titre du billet : Linda Boyer

Billet du 3 novembre 2023 : Le compte à rebours est commencé

Le lundi 6 novembre, les cours seront perturbés dans la presque totalité des écoles primaires et secondaires du Québec, en raison de la grève partielle de mes collègues affiliés à la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE), à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et à la Confédération des syndicats nationaux (CSN). À partir du 23 novembre, à moins d’une entente d’ici là, ce sont les enseignants représentés par la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) qui entreprendront un débrayage général illimité.

Laissant à d’autres le militantisme syndical, je n’ai jamais vraiment abordé ce sujet dans mes billets hebdomadaires. Je le ferai brièvement cette fois-ci, afin d’expliquer la situation.

D’abord, le milieu de l’enseignement est représenté par deux grands syndicats. La FAE représente les enseignantes et enseignants travaillant dans douze centres de services scolaires. Les autres sont affiliés à la FSE-CSQ. Les secrétaires, concierges, techniciennes en éducation spécialisée et employées des services de garde se trouvent sous l’égide de la CSN, pour la grande majorité. La CSQ et la CSN font partie d’un même front commun, en compagnie d’autres syndicats œuvrant dans la fonction publique québécoise. La FAE fait cavalier seul.

Le front commun a voté pour la tenue de quelques journées de perturbation, avant d’entreprendre à son tour une grève générale illimitée dont le moment n’est pas encore déterminé. Ces premières journées de débrayage auront lieu la semaine prochaine. Du côté des syndiqués de la FAE, seule la grève générale illimitée a été retenue et elle commencera dans une vingtaine de jours, à moins de développements dans les négociations avec le gouvernement. Il est déjà convenu qu’aucun des groupes syndicaux ne franchira les lignes de piquetage de l’autre.

Quant aux revendications, elles sont pour la plupart liées aux conditions de travail, qui rendent la tâche lourde, créent l’exode de plus du quart de la relève et le départ prématuré de nombreux enseignants d’expérience. Notre charge de travail comprend beaucoup plus que l’enseignement. C’est une diminution de cette charge qui est réclamée. À cela s’ajoute l’embauche de personnel non enseignant comme des psychologues, des orthophonistes, des orthopédagogues ou des psychoéducateurs, rendue nécessaire par la réalité d’aujourd’hui.

Et puis, effectivement, l’offre de hausse salariale présentée par le gouvernement couvrira à peine, au cours des cinq prochaines années, l’inflation des trois dernières. C’est donc un appauvrissement assuré qui nous attend si elle n’est pas bonifiée. Ajoutons que le salaire des enseignants québécois se situe toujours sous la moyenne de celui des enseignants des autres provinces canadiennes.

Une grève demeure l’ultime moyen de pression et n’est agréable pour personne. Souhaitons que les négociations débloquent rapidement sur une entente.


Dans le cours de musique

L’Halloween est derrière nous, place au temps des Fêtes ! Du moins, dans les magasins et les stations radiophoniques, où la voix de Mariah Carey ne tardera pas à se faire entendre. Dans le créneau traditionnel québécois, cependant, sortie intéressante, cette semaine, que le mini-album du trio Les Fils du Diable. Intitulé À la bière comme à la guerre, on y trouve six pièces dont les accents rappellent plus Les Cowboys Fringants, Salebarbes et Mes Aïeux que La Bottine Souriante ou Les Charbonniers de l’Enfer.

En #musiquebleue et en prélude aux festivités prochaines, voici Le Diable est débarqué à Roberval.

Les Fils du Diable – Le Diable est débarqué à Roberval – À la bière comme à la guerre – #musiquebleue

La bonne nouvelle de cette semaine

Elle est presque personnelle, cette bonne nouvelle. La Société pour le perfectionnement de l’enseignement de l’anglais, langue seconde, au Québec (SPEAQ) tiendra son gala annuel le 10 novembre prochain. Chaque année, on y honore quatre enseignants d’anglais, soit un du primaire, un du secondaire, un postsecondaire et un pour l’ensemble de sa carrière.

L’enseignante gagnante pour le primaire, cette année, est ma collègue Alisa Tudosie.

Archéologue de formation, elle a quitté sa Roumanie natale il y a près de 20 ans pour venir s’établir au Québec, où elle a fait des études en enseignement de l’anglais, a intégré notre réseau scolaire et a fondé une famille. En plus d’être une collègue exceptionnelle, impliquée dans l’école, elle se démarque par ses innovations pédagogiques qui suscitent l’intérêt et la motivation des élèves, et qu’elle partage à qui veut les utiliser.

Cette reconnaissance est pleinement méritée. Une fois de plus, Alisa fait rayonner notre école. Bravo !